Ca vous a plu hein, vous en voulez encore ?
Dernièrement, je m’en prenais un peu vertement à cette tendance consistant à faire se réfugier le design dans la réédition de formes ayant existé jadis, et c’est la petite Fiat 500 qui faisait les frais de ce moment critique, au point que certains de ses fans, sur les réseaux sociaux, s’en sont un peu ému. Ce n’est pas que je ne l’aime pas. En réalité je l’aime bien. J’ai eu l’occasion de la conduire, en moteur thermique, et tout simplement elle était plaisante. Mieux, elle était même réjouissante, jolie, vivante.
Mais voila, la réjouissance ne fait pas tout. Le plaisir n’est pas l’indice du bien, pas plus que le succès. Sinon, il faudrait ériger les films porno au rang d’oeuvres d’art. Et en matière de design, comme on l’a montré précédemment, l’amour physique du passé est sans issue.
Quand une nation commence à brandir le passé comme on exhibe des reliques sacrées, quand elle commence à célébrer sa propre histoire comme si le pays tout entier avait atteint l’objectif final fixé par l’univers, c’est que ça sent le sapin et que la bonne vieille Mère Patrie a atteint le stade de sa propre ménopause, désormais stérile, incapable de proposer des formes nouvelles à la vie qu’elle était censée célébrer, n’acceptant pas cette évidence, simple : il est temps de laisser les commandes de l’avenir à une autre civilisation, plus apte à gouverner l’humanité vers de nouveaux horizons. Il en va parfois de même des marques : quand elles ne savent plus où aller, elles se regardent dans la glace et ne cessent de se demander à elles-mêmes : miroir, mon beau miroir, dis-moi donc, suis-je bien, toujours, la plus belle ?
Play it again, Sam
Alors, comme sur un disque rayé, le saphir rebondit sur l’obstacle dans le sillon et revient en arrière, toujours au même endroit mettant la musique en boucle pour la répéter à l’infini, comme on raconte tous les soirs, sempiternellement, la même histoire à un enfant parce qu’on n’en a pas d’autre en stock. Ainsi, on le conforte dans l’idée qu’il est inutile d’en aborder une nouvelle. Le bon client est un client captif.
Quand on est fan de cette marque, il est difficile de l’admettre ; mais Alfa Romeo s’est un peu perdue dans les bois du marché automobile, cherchant à se mesurer à des marques allemandes construites sur un ADN bien différent du sien, se contraignant elle-même à grimper en gamme en somme pour s’afficher de plus en plus « premium », au point d’abandonner en chemin sa propre clientèle sur le bord du chemin, trop chère désormais et donc inaccessible, prétentieuse . Alfa, c’est un peu ce bon pote du lycée qui a été pris en prépa HEC à la fin de la terminale et qu’on a vu peu à peu s’éloigner de ceux qui sont partis vers des études moins glorieuses, intégrer de nouveaux cercles de relations, plus exclusifs, moins populaires avant de couper les ponts pour de bon car sa vie n’avait finalement plus grand chose à voir avec ce qu’était la sienne adolescent et jeune adulte. Pour le dire autrement, Alfa se comportait comme un être qui fait en sorte d’oublier un peu d’où il vient.
On n’est jamais mieux trahi que par les siens
On l’a déjà évoqué, mais quelque chose s’est joué autour de la succession de la 156, qui ressemble à ce genre d’échec qu’on connaît quand on prétend devenir ce pour quoi on n’est pas fait. Mais il y a dans cette dégringolade quelque chose qui est dû moins à Alfa Romeo qu’au marché lui-même. Si on regarde bien la 156, on s’aperçoit que c’est la dernière berline d’un genre devenu si particulier à sa propre époque qu’il a carrément disparu depuis : la 156 est belle, quelle que soit la finition dans laquelle on la regarde. Certes, une version V6 a une sacrée gueule, avec ses jantes à grands orifices ronds archétypiques ; mais la bagnole a aussi un véritable charme en version basique, avec ses petites roues de 15 pouces habillées de simples enjoliveurs. La 156 vendait de la beauté véritable a celui qui était saisi par son charme naturel fait d’audace stylistique, de légèreté, de beauté plastique évidente, subtile, douce et affirmée à la fois. Elle avait quelque chose de génial qui faisait d’elle la digne héritière des berlines sportives qui firent une partie de la gloire de cette marque, sans les singer, sans les copier, mais en ayant le courage de créer à son tour quelque chose de nouveau, qui écrirait une nouvelle page d’histoire pour la marque.
En revanche, la 159 était un peu comme l’album Bad succédant à Thriller : on comprend que Michael Jackson et Quincy Jones aient été tentés de rééditer deux fois de suite le même exploit. Et Bad est quasiment le décalque de son prédécesseur, cuisiné avec les mêmes recettes au point qu’on puisse mettre les tracklists l’une en face de l’autre et dire « tel morceau est la version restylée de tel autre ». Bonne vieille recette du succès. Mais voila, là où Thriller était une musique affirmative, qui semblait surgir de nulle part, Bad était une redite. Bien faîte, évidemment, mais qui n’avait pas la fulgurance géniale des premières fois. La 159 était une 156 testostéronée, plus ambitieuse, plus massive, plus germanique, qui gagnait en gueule ce qu’elle perdait un peu en charme. Blonde platine plutôt que bombe latine en quelque sorte. On voit toujours une forme de trahison dans ce geste consistant à s’inspirer de celle qu’on veut effacer pour la remplacer. La 159 donnait cette impression, de ne pas être reconnaissante envers son ainée en prétendant en être la forme évoluée. Plus tard, la Giulia enfoncerait le clou dans ce cercueil, enrobée dans son discours élitiste, tellement obnubilée par la concurrence allemande qu’elle en oubliait ses propres gènes, essayant de parodier une latinité d’opérette, se donnant des airs de diva sans avoir le génie des véritables cantatrices, celles qui mettent la puissance vocale au service d’une fragilité suprême, d’une aptitude au vacillement, à faire hurler les sirènes du désespoir au sommet des crêtes, au risque de voir le sol disparaître sous les pieds et d’être emportées par leur propre force tectonique. La Giulia sait donner de la voix. Mais après tout, Céline Dion aussi. Ca ne fait pas tout.
Alfa voyait le territoire de ses berlines disparaître, pris en étau entre les marques clairement populaires (Skoda), et les logos plus prestigieux (BMW). Sa raison d’être n’était plus aussi évidente que par le passé. Son salut, la marque a choisi de le trouver là où le marché disait qu’il fallait aller pour renflouer les caisses : les SUV. Mais là aussi, faire les choses correctement ne suffit pas quand on est LA marque qui est censée attraper le client par les tripes en passant les doigts par on ne sait trop où pour le cueillir à la plus profonde racine et le soulever de terre. Ni le Stelvio ni, moins encore, le Tonale ne font ça. Pour commencer à sentir les pulsations cardiaques accélérer, il faut avoir en mains la fiche technique des versions les plus puissamment dotées. Leur apparence, elle, ne provoque pas le coup de cœur immédiat qu’on attend d’elles, comme si en les voyant on percevait une espèce de supercherie, une usurpation d’identité : oui, bien évidemment, c’est la marque Alfa Romeo qui met en vente ces produits, mais à strictement parler, ils ne correspondent pas à ce qu’on attend d’une telle marque. On n’a pas très envie de se laisser prendre.
On dirait l’Alfasud
L’enjeu, ce serait donc de renouer les liens avec les amis perdus, de revenir vers eux pour proposer de nouveau la magie abordable d’antan. Pas du bon marché, pas du low-cost, mais quelque chose dont le commun des mortels puisse se dire « Tiens, pourquoi pas ? » Quand j’étais gamin, mon prof d’EPS, au collège Sainte-Anne du Blanc, dans l’Indre, roulait en coupé Alfasud Sprint. Et bon sang, je me serais inscrit au club de sport du collège, j’aurais galéré sur les pistes d’athlétisme et les terrains de handball juste pour avoir l’espoir de monter à bord de ce coupé rouge. Ce que je fis. L’inscription, la galère sur le terrain, les vestiaires, mais aussi parfois, la place à l’arrière de l’Alfasud. Et le pied incroyable d’être conduit dans cette petite bagnole si désirable. Les trois années que je passais dans ce collège, j’aurais pu réciter par cœur l’emploi du temps de ce professeur, l’heure de son arrivée sur le parking, l’heure à laquelle il chargeait dans le petit coffre les filets plein de ballons, l’heure à laquelle il démarrait le petit quatre cylindres, enclenchait la marche arrière pour manœuvrer habilement dans le parking, et s’en extraire d’un petit coup de gaz nerveux.
Et dans ma tête, je me disais que la vie allait être belle : si un prof d’EPS pouvait se payer un coupé Alfa, alors je pouvais espérer un jour m’en payer un, quand je serais grand. Entre temps, les clients potentiels de la marque ont compris le message : on n’était plus assez bien pour elle.
Hors-sujet
Alors, pour se faire pardonner, Alfa s’est dit que la solution pouvait résider dans un nouveau modèle, produit en 33 exemplaires, à un prix qui se situe quelque part entre un, et deux millions d’euros. Un modèle qui serait déjà inaccessible au moment de sa révélation, ses clients véritables ayant été les seuls à en connaître la définition générale et les caractéristiques, bien avant tout le monde. On vous la montre, mais elle est pas pour vous.
Circulez, on n’a rien à vous vendre.
Exceptionnelle, donc, et à ce point exclusive qu’on pourrait presque se demander si elle existe vraiment. Sans doute n’en verrons nous jamais dans la vraie vie.
A strictement parler, cette voiture n’est donc pas exactement la bonne réponse au problème concret que la marque rencontre dans sa relation au marché. On pourrait même penser qu’en réalité, ce faisant, elle creuse le problème au lieu de le résoudre. Mais imaginons un instant qu’Alfa cherche en réalité autre chose, que la marche souhaite s’installer pour de bon dans cet univers fait de distance avec le commun des mortels, et d’exclusivité, alors il faudrait admettre que dans cette perspective aussi, elle fait fausse route. Parce que si la 33 Stradale est indéniablement impressionnante, il n’est pas certain que, pour autant, elle soit suffisamment inespérée pour incarner à elle seule le renouveau de sa propre marque.
Mauvaise réponse, essaie encore une fois
D’abord parce qu’elle n’est pas un renouveau, mais une redite. La 33 Stradale est la paraphrase de son ancêtre de 1967. Si celle-ci n’avait pas existé, la nouvelle venue n’aurait aucune raison d’être à son tour. Elle n’est pas une pionnière comme sa devancière. Pure héritière, elle est un peu a patrimoine Alfa ce qu’Arnaud Lagardère est à l’empire qu’il a reçu : elle n’entreprend pas, elle exploite.
Mais admettons qu’il s’agisse de rendre hommage à l’ancêtre en la rééditant. A ce compte là, on peut se demander si la réinterprétation est pertinente. Or sur ce point aussi, on peut se poser quelques questions.
Tout d’abord, le choix mécanique, qui consiste pour Alfa à ne pas choisir : le client peut opter pour un moteur thermique, un V6 turbo dérivé de celui qu’on connait chez Maserati, ou pour un bloc électrique. Hommage ? Vraiment ? D’une part on peut se demander comment la voiture peut être également efficiente alors qu’elle est censée obéir à des contraintes mécaniques tout de même extrêmement différentes. La 33 originelle était une auto de compétition. Son apparence était donc dictée par les lois intérieures de son fonctionnement. Pour se faire une idée du genre d’hommage que constitue la 33 newborn, il suffit de méditer les mots que Larry Dominique, vice-président de la marque, a livrés à Motor-1 : « tant que le véhicule est d’abord une Alfa Romeo, le groupe motopropulseur est, d’une certaine manière, secondaire« . Peu importe l’ivresse, pourvu qu’on ait le flacon, en somme. On voulait célébrer le passé, en réalité on met en lumière la décadence du présent, puisque la 33 n’est plus qu’un produit vidé de sa substance. La preuve, celle-ci est interchangeable.
Conséquence, tout l’arrière du modèle originel était dessiné de façon à mettre en scène sa puissance mécanique est contredit par l’hommage censé lui être rendu. Vitre de capot exposant le V8, grilles latérales postérieures révélant, comme le ferait une lingerie finement brodée, les entrailles infernales de la bête, tout est réinterprété sous la forme d’un contresens. Si on voulait un indice intéressant de la façon dont est conçu le lointain écho vendu à prix d’or aujourd’hui, on pourrait observer ceci : aucun des visuels proposés par la marque ne montre la mécanique. Et sur les modèles dont les acheteurs auront opté pour une propulsion électrique, on est curieux de savoir ce qu’on découvrira en faisant basculer la partie arrière de la carrosserie ; espérons que la lunette arrière sera suffisamment fumée pour ne pas montrer qu’en réalité, il n’y a rien à voir.
Comme pour assumer le fait que la mécanique passe désormais au second plan, les grilles latérales laissent désormais la place à des espèces de tuyères dont on ne sait trop si elles miment des pots d’échappement particulièrement hypertrophiés ou des réacteurs qui n’ont évidemment pas leur place sur une bagnole. Ici, le design se met, vraiment, à raconter des histoires. Ce n’est pas que ce soit forcément laid, la lame qui court le long de ces tubes, qu’on retrouve dans les admissions d’air situées juste en arrière des portes semble traverser le corps de la bagnole et unifient cette partie du profil. Mais ces formes n’ont, en réalité, aucun sens véritable. On passe d’un engin qui, dans les années 60, voit son physique dicté par son agencement mécanique, à une forme un peu vide qui n’est en réalité qu’une apparence, un faux semblant.
Même sur un plan purement esthétique, et même en acceptant cette idée vraiment discutable, selon laquelle les formes pourraient être tout à fait indépendantes de leur fonction, certains détails semblent inexplicables. Ainsi, les tubes constituent, sur leur extrémité arrière, le carénage des optiques. Le dessin intérieur de celles-ci est, en soi, intéressant, recherché, et même sophistiqué. Mais cette sophistication semble un peu déplacée sur un engin censé évoquer une ancêtre totalement dédiée à la course, dont les feux étaient, eux, extrêmement minimalistes. A cette minutie un peu excessive dans ces circonstances, s’ajoute le fait que cette forme ronde est tronquée par la carrosserie, qui y découpe une oblique qui semble n’avoir strictement aucune justification, ni technique, ni esthétique, comme si deux formes se contrariant l’une l’autre coexistaient, parce qu’on n’aurait pas réussi à choisir entre l’une, et l’autre.
Pique-assiette
Cette étrange préciosité se retrouve à l’avant, de nouveau dans les projecteurs. Leur forme générale parvient à évoquer la 33 originelle, mais ces blocs se trouvent agrémentés de filaments lumineux qui font, dans l’absolu, leur petit effet, mais n’ont en réalité pas du tout leur place sur un tel engin. On a, en regardant la face avant de la 33, l’étrange impression qu’un jour, Thierry Metroz a fait une petite visite de courtoisie dans les bureaux du style Alfa, et qu’entre deux verres de pétillant il a proposé de dessiner les optiques de l’engin, comme ça, par pure générosité, et qu’on a sous les yeux le résultat de cette étrange collaboration. Que DS et Lancia puissent avoir en quelque sorte un territoire commun, ça pourrait s’entendre. Mais entre Alfa Romeo et DS, on est supposé être dans des univers tout de même très distincts, ce qui rend d’autant plus étrange le maniérisme dont fait preuve le dessin des optiques de la Stradale.
V/Y
Autre étrangeté : quand on regarde un peu attentivement le capot avant de cette voiture, on se rend compte qu’il n’est pas simplement bombé comme celui de son inspiratrice. Le dossier de presse aime évoquer le dessin en « V » de cet élément, « typique du style Alfa », selon la rhétorique du document. Passons sur le fait que, justement, la 33 originelle ne présente pas ce type de dessin, et intéressons-nous plutôt à ceci : en réalité, c’est un « Y » qui est sculpté dans la masse avant de la voiture, et non un « V ». Du coup, ironiquement, la 33 Stradale adopte une figure qui évoque le style géométrique adopté par les futures Lancia. Bonne idée dites-donc ! Alors que dans l’esprit des gens l’identité de ces deux marques est pour le moins floue, alors que Lancia tout particulièrement se cherche en repartant quasiment de zéro en générant un nouveau vocabulaire esthétique, de piocher à droite à gauche des éléments de style provenant des autres marques du groupe Stellantis et de plagier par avance l’identité visuelle de la marque voisine, histoire d’ajouter de la confusion à la confusion ! Comme ça, certains pourront croire qu’Alfa est la division exclusive de Lancia, ce qui n’aurait en réalité pas grand sens.
We don’t need another Guitar-Heroe
Il y a un seuil au-delà duquel les exigences du marketing, et ceux de la compétition, ne peuvent plus coïncider. La 33 Stradale originelle était cohérente parce qu’elle répondait aux critères de la course en délaissant les attentes du marché. D’où son succès sur la piste, et son échec commercial. Peu importe : l’histoire retient qu’elle fut une bête de course. En faire un pur objet de marketing ne sert ni l’histoire de la marque (l’exploitation est rarement compatible avec le respect), ni la poursuite de son aventure. Certes l’existence de la nouvelle 33 est due aux allers-retours techniques entre Alfa et Maserati, mais ce qui semble être ici une opportunité n’est en réalité que le signe d’une trop grande confusion dans la distribution des rôles chez Stellantis : il est dans le fond incompréhensible que sur des bases techniques extrêmement proches, le prix de vente de l’engin soit stratosphériquement plus élevé à Turin qu’à Modène et que la logique de positionnement de ces deux marques sur l’échelle du prestige soit à ce point inversée.
Alfa Romeo fait un peu penser aux guitar heroes des années 70-80, qui ne se sont pas rendu compte qu’ils exécutaient encore au 21e siècle leur bon vieux même solo au point de n’être plus que leur propre anthologie aux yeux d’un public nécessairement chaque année davantage amputé de ceux qui passent musicalement à autre chose, et de ceux qui plus définitivement encore passent de vie à trépas. Alfa Romeo semble rater la suite de sa propre histoire en nous jouant une fois de plus la même scène, comme si la marque tournait en rond après sa propre queue, toute contente d’attirer encore un peu l’attention sur elle. « Je le fais bien encore, hein ? » Ouais ouais, tu le fais encore bien ton p’tit numéro mais on doit avouer qu’à force, on se lasse un peu. On se lasse d’autant plus qu’on ne voit rien, dans cette 33 Stradale, qui puisse indiquer une quelconque orientation pour les futurs modèles qui, eux, pourraient permettre à cette marque de ne pas devenir un simple musée.
Stradale, c’est la rue en italien. Le nom est génial parce qu’il sonne rauque, juste comme le petit coup de gaz au moment de la descente de rapport, avec le craquement de la boite qui résonne sur les murs et reviennent en écho dans l’habitacle. La rue, puis la route, ce sont les rubans où les Alfa Romeo sont censées déployer leur existence, c’est leur milieu naturel. La ville et la traversée de sa proche banlieue pour atteindre ses extensions départementales, afin d’y tracer de belles trajectoires sonores dans la campagne, vers les cols. Rien, absolument rien qui soit vraiment envisageable dans l’engin qu’on nous montre, qu’il marche au pétrole, ou aux électrons.
Il ne s’agit plus pour Alfa de bien faire. Quand on vend une bagnole un tel prix, elle est évidemment bien faite. Les matériaux sont nobles. A l’intérieur, ils sont même beaux. Mais on s’en fout un peu pourtant : ce n’est ni ce qui est nécessaire, ni ce qu’on attend. Sur les images en mouvement fournies par la marque, pauvres en émotion, avares en véritable mouvement, comme si l’engin était, même virtuellement, destiné à être conservé précieusement et donc jamais vraiment mis à l’épreuve de ses propres performances supposées, un couple doit, pour observer la 33 Stradale, regarder en arrière. On aimerait bien pouvoir contempler un modèle Alfa dans la lumière rasante d’un à venir.
Comme on n’est pas foncièrement méchant, et qu’on préfère en réalité partager de chouettes choses, je profite de cet article pour citer cet autre texte à propos de la 33 Stradale, écrit par Jean-Philippe Théry, qui a cette double qualité : il sait écrire, et il sait de quoi il parle :
https://www.autoactu.com/actualites/dites-33
alors oui c’est « juste » un bel objet, mais totalement un bel objet. En ça c’est parfait et une réussite totale! Si Imparato lisait ton texte il en fulminerait un petit peu, un petit moment, mais bon pas longtemps tellement ce personnage est imbu ….mais…comme depuis un rêve cette 33 parle à l’imaginaire et entourée de brumes toutes les contradictions s’estompent devant sa beauté. L’analyse la démonte, mais sa plastique parle pour elle, et c’est plus fort que les contre sens de la bête! Ce qui compte c’est qu’il en reste dans le souvenir un splendide objet. C’est peut être plus fort que s’il avait été un concept novateur ! A mon avis, seuls les cils à la Sophia Loren sont en trop !!
Pour l’histoire récente des Alfa, même si la 156 est en effet la plus remarquable, la 159 et la Giulia resteront également dans l’histoire des berlines comme des modèles plus beaux, plus chargés d’âme, que toutes les concurrentes premium lors des 30 dernières années, qui ont produit quelques jolies voitures pourtant ( je vois l’Audi 80, l’avant dernière classe C et…aucune série3). A mon avis elles font donc honneur à cette marque malgré tout.
Quant aux SUV, mine de rien, le Stelvio claque bien au milieu de l’avalanche de modèles de toutes formes. Presque SUV coupé sans l’être, gros bébé modelé et sculptural, jusque dans ses défauts il met tout le monde d’accord. Tu prendrais un Urus ou un Grecale plutôt qu’un Stelvio? Moi non ! (et là il est bcp moins cher, plus populaire, que les 2 autres, et bien sùr de loin)
Le Tonale, assez éloigné de la beauté du concept, est pourtant joli tout en restant un produit trop aseptisé. Rien n’est perdu pour Alfa… il faudrait une nouvelle berline, mais comment faire s’il s’agit maintenant de la survie de la marque….pas simple.
La bonne nouvelle, c’est que je doute très fort qu’Imparato lise ce blog. D’une part parce que je ne pense pas qu’il en ait le temps, d’autre part parce que je ne suis pas persuadé qu’il ait un rapport littéraire à l’automobile. Et c’est d’ailleurs très bien comme ça. Je ne connais rien de l’homme lui-même, mais je trouve son personnage public intéressant, un peu à l’ancienne, on pourrait même dire « tel qu’il ne s’en fait plus beaucoup », et j’apprécie y compris ce qui pourrait sembler chez lui un peu excessif, un peu « trop ».
Je dois avouer que les modèles que tu cites ne me font, en fait, pas grand chose. Et c’est d’autant plus étonnant que je suis a priori vraiment fan de cette marque. J’ai amené mon père à s’acheter une 156, j’ai aimé le voir rouler dans cette voiture, j’ai aimé la conduire à mon tour. Mais je ne retrouve pas dans les modèles actuels ce qui a créé en moi l’attirance pour les modèles des années 70 80. A vrai dire, même une 75, qui avait pourtant un physique particulier, me semble avoir aujourd’hui davantage de charme qu’une Giulia. Sans doute parce qu’elle assumait une certaine maladresse, qu’elle avait encore quelque chose d’artisanal, de « bricolé ».
Autant je pourrais dire un peu ce que j’imagine être la voix que pourrait suivre Lancia aujourd’hui, autant j’avoue que j’aurais plus de mal à proposer une ligne directrice pour Alfa Romeo aujourd’hui. Peut-être parce que l’époque cadre mal avec ce qui a fait la singularité de la marque jadis. Mais je dirais quand même qu’un peu de modestie peut contribuer à nourrir une certaine forme de charme.
On a entrevu les premières images de ce que pourrait être un petit SUV Alfa dans les temps qui viennent. Je remarque deux choses dans ces images : ce véhicule n’a esthétiquement rien à voir avec la 33 Stradale. Mais il ne constitue pas non plus une proposition fraiche et charmante. Le plus étonnant dans l’histoire, est ceci : il évoque, particulièrement sur son arrière, le Nissan Juke. Et c’est marrant parce qu’à la sortie du Juke, je m’étais dit que, intérieurement comme extérieurement, la marque japonaise avait réussi à trouver une forme qui serait celle d’un SUV tel qu’Alfa aurait pu en concevoir.
On en est un peu là aujourd’hui : la marque se fait griller la priorité sur son propre territoire, et cherche maladroitement à suivre une voie qu’elle devrait ouvrir elle-même.
Alors je verrais une 75 aujourd’hui, je dirais probablement un peu comme toi. Dans le souvenir c’était pourtant pour moi une horreur et un copain qui l’avait achetée m’est apparu bien téméraire. Mais c’était pour son moteur je présume. Le déséquilibre de cette voiture avec son serpentin noir latéral qui rejoint un béquet peut apparaître maintenant tellement brutal qu’il peut générer beaucoup de nostalgie, de sympathie. A son époque, la 75 n’était elle pas déjà source d’inquiétude, d’errements de la marque? A la voir en photo on est sous le charme, tous les défauts s’estompent, elle devient aussi désirable qu’un GTV ou presque….
https://www.carjager.com/blog/article/alfa-romeo-75-desirable-sparadrap.html
Franchement elle a de l’allure!
Peut être es tu en train de faire un article sur la BMW vision New Classe et sa recherche de simplicité à l’ancienne…d’épure automobile rappelant les années 70, l’Alfetta puis la Giulietta chez Alfa. Ca va être intéressant de voir le véhicule de série, et ce serait une voie pour Alfa Romeo qui pourrait dans la foulée avec légitimité inventer sa propre berline rétro futuriste.
Si Imparato lit ton blog et les commentaires donc!