Géééant vert

In C5 Aircross MK2, Citroën
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Les grands remplaçants

Ainsi va le monde automobile aujourd’hui : les monospaces ont fait leur temps, leur silhouette simple comme l’écoulement du vent appartient pour le moment au passé parce que l’histoire avance comme ça : par à coups. On gagne du terrain puis on le perd franchement, de façon un peu catastrophique. Alors on prend conscience de ce qui avait été auparavant acquis et on ressuscite ce qu’on avait pris un malin plaisir à tuer en se disant qu’on est quand-même sacrément con, des fois. On n’en est pas encore à cette phase de résurrection.

A la silhouette simple et évidente des Espace, des Transport ou des Picasso s’est substituée une armée de SUV dont on pourrait penser qu’ils constituent une nouveauté alors que sur le fond, il s’agit en fait de breaks plus ou moins gros, au hayon plus ou moins incliné selon qu’ils veulent jouer, ou pas, sur la corde sensible et se présenter sous une apparence plus sportive, mais du coup moins utile. La seule véritable nouveauté, c’est la garde au sol juste assez peu augmentée pour ne pas concurrencer les véritables franchisseurs tout en évoquant subjectivement leur parfum d’aventure et de puissance supposée. A strictement parler, ce n’est qu’une apparence : l’écrasante majorité des SUV ne voient jamais autre chose que l’asphalte. Au pire, un jour d’audace, on leur fait grimper la bordure du trottoir histoire de vivre la grande aventure. Mais ça, à vrai dire, un aimable monospace le ferait tout aussi bien. C’est juste qu’à son volant, on n’aurait pas l’audace de le faire.

Dans l’aventure, l’automobile conviviale y a laissé pas mal de plumes. Ainsi, l’ancien propriétaire d’un C4 Picasso, rebaptisé Spacetourer grâce à la gourmandise des descendants de Pablo, ne retrouvait pas tous ses petits dans le C5 Aircross, aussi sympathique soit-il. Disparu en particulier le pare-brise hors normes qui remontait bien bien au-delà du rétroviseur intérieur, donnant l’impression aux occupants de rouler à ciel ouvert le jour, à la belle étoile la nuit. Adieu le meuble central amovible qui permettait de dégager le plancher entre les sièges avant, transformant l’habitacle en loft vidé se son mobilier pour pouvoir y réinventer l’espace. Abandonnés les rangements dans le plancher, les mille et une astuces qui faisaient d’un monospace un volume habitable à réagencer à chaque trajet. Et encore, un Picasso n’était pas, comme les générations plus anciennes, un salon potentiel : ses sièges avant ne pivotaient pas à 18O° pour tourner le dos à la route et se mettre en vis à vis des passagers arrière repoussés tout au fond de l’espace pour se retrouver à quatre autour du dossier su cinquième siège transformé en table basse pour un pique nique à l’abri un jour de pluie.

Le SpaceTourer, dans une conceptuelle déclinaison dénommée Hyphen

Cette modularité, il semble qu’elle ne soit plus désirée. A moins qu’on l’ait trouvée un peu étriquée dans des véhicules finalement pas si grands que ça, et que les véritables vans se soient peu à peu rappelés à notre bon souvenir, améliorant leurs performances, calquant leur tenue de route sur les « véritables » automobiles, jouant de leur taille contenue pour proposer de jouer, aussi, les voitures du quotidien. Ainsi, le véritable successeur des 806 et 807, c’est moins le 5008 que le Traveller. Donc chez Citroën, c’est l’Evasion qui constitue la suite logique de l’Evasion. Et chez Volkswagen, ça fait des décennies que le Combi, puis Transporter et, aujourd’hui, IDBuzz jouent les bons à tout faire, aussi à l’aise à la ville que sur les points Park 4 Night, proposant d’emmener les gosses à l’école ou de les embarquer en weekend à la mer sans prendre de chambre d’hôtel. On dormira sur le toit, on pissera entre deux dunes, on se réchauffera un plat chaud sur la dinette, on se changera pas pendant trois jours et on diluera les effluves corporelles dans l’air marin.

Allez faire ça avec un SUV. A vrai dire, le seul qui y invite vraiment, c’est le Duster, parce qu’il semble matériellement conçu pour ça : accueillir une tente de toit, installer des modules de camping à l’arrière et partir en weekend en montagne pour dormir là où personne d’autre ne le fait. Les autres ont l’air bien trop précieux pour ça. Et quand on parcourt un peu l’Europe en véhicule récréatif, on se rend vite compte que dans les campings et sur les spots en pleine nature, si on voit bien d’authentiques tout-terrain équipés pour être de parfaits partenaires de bivouac, si on y voit aussi bon nombre de Dusters, le gros des véhicules familiaux auxquels on fait jouer ce rôle, ce sont les Ludospaces comme le Berlingo, surtout quand il est choisi dans sa version longue ; pas les fameux SUV dont on se demande bien à force, à quels sports correspond la première initiale de leur acronyme. Tout comme on discerne mal à quelle utilité spécifique correspond la deuxième. On a tous déjà vu sur le parking d’Ikéa des clients ayant eu le chariot plus gros que le coffre, se frottant le crâne, dubitatifs, devant le hayon automatique levé de leur 3008 avant de se rendre au comptoir du magasin pour demander combien ça coûte, de louer un Kangoo pour ramener le carton du canap’ SÖDERHAMN à la maison.



Bref, les SUV sont les berlines 2.0, affranchies de leur coffre proéminent et suffisamment perchées sur leurs roues pour ne pas donner l’impression de raser le bitume. Ce qu’ils concèdent en longueur, il se l’accordent en hauteur, ce qui leur permet d’ingurgiter dans cette épaisseur accrue les fameuses batteries qui sont l’accessoire indispensable de toute automobile moderne qui se respecte. Mais à strictement parler, si on croise autant de 3008 de dernière génération sur les routes, c’est bien qu’en réalité les SUV correspondent à un style, bien plus qu’à un usage. Ils peuvent perdre en praticité, la clientèle s’en fout un peu. Ces engins donnent les signes de l’utile sans avoir à rendre réellement service. Et le C5 Aircross, sur ce plan, ne déroge pas à la règle, on va le voir.

Gestion du patrimoine

Le renouvellement du grand SUV Citroën est doublement important car on donne deux missions à ce modèle inédit : remplacer celui dont il reprend le nom, mais aussi le défunt haut de gamme des chevrons, la malheureuse C5X, qui disparait sans fleurs ni couronnes, crématisée sur l’autel de la chrématistique. Trop longue, trop haute sur roues tout en étant trop basse de plafond, pas assez allemande, trop peu italienne, elle a en quelque sorte rempli à merveille son rôle de haut de gamme Citroën en constituant une bagnole sur laquelle on se retournait volontiers quand on en croisait une, qu’on pouvait même admirer, mais au volant de laquelle on ne se voyait pas vraiment, qu’on n’aurait absolument pas envisagé de posséder ni d’utiliser au quotidien.

C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le C5 Aircross New Gen prend 16 cm d’un coup par rapport à son prédécesseur, le plaçant ainsi à mi longueur de celui-ci et de la vénérable C5X. Si on veut plus grand encore, il faudra se rendre chez Peugeot, dont le 5008 est encore plus long pour proposer une troisième rangée de sièges. Et si on veut vraiment rester chez Citroën, on peut s’intéresser au Spacetourer, la version civilisée du Jumpy, qui existe de nouveau en motorisation thermique. L’idée du nouveau C5 Aircross, c’est de profiter de l’empattement long de la plateforme STLA Medium de Stellantis, sans pour autant devenir pachydermique. Du moins, pas trop.

Visuellement, la prise de volume se perçoit quand-même aisément, et ce d’autant plus que le design ne cherche pas vraiment à la masquer. A tous points de vue, le nouveau venu fait plus massif que son prédécesseur. Les concepts respectifs qui ont annoncé chacune des générations le montraient clairement : le showcar de 2017 aurait pu être une création Sbarro, avec des proportions spectaculaires, une silhouette assise sur le train arrière mettant en valeur un compartiment moteur laissant présager des performances pas vraiment sages. Le modèle de série était, évidemment, un peu plus raisonnable dans son allure et dans ses prestations. Le concept de 2025, lui, aurait pu être le fruit d’une marque comme Skoda. Et il ne s’agit pas de médisance : on considère que Skoda fait, plutôt, du bon boulot. Le premier C5 Aircross était un peu « bagnole ». Le nouveau rentre dans le rang, d’un double point de vue : il reprend à son compte les codes récents du style Citroën, et il se rend aussi conforme aux critères du marché automobile actuel. Bref, le nouveau SUV chevronné est une Citroën consensuelle, ce qui a priori peut sembler tout à fait contradictoire.

Hello d’Oli

A vrai dire, il fait penser à d’autres marques. Par exemple, il y a une façon un peu toyotesque de dessiner de nombreux détails selon des angles plutôt que des courbes, et ça, c’est a priori plutôt inhabituel chez Citroën qu’on associe davantage aux longues surfaces polies par le souffle du vent. Ainsi, les contours de passages de roues, noirs, adoptent une géométrie un peu inhabituelle, arrondis à l’intérieur, anguleux à l’extérieur avec un méplat horizontal qui les chapeaute. Le tout s’inscrit dans un embouti de l’aile dont le dessin se trouve lui-même à mi-chemin de l’arrondi et de l’anguleux, synthèse des deux formes qu’il accueille. Si on la compare aux ailes d’un Kia Tasman, la proposition Citroën peut sembler très sage, mais elle est en réalité le fruit d’un travail qu’on avait auparavant découvert sur le concept OLI, qui présentait des extensions d’ailes qui ont manifestement donné leur esprit au C5 Aircross, à défaut de lui transmettre par la même occasion leur radicalité formelle.

Autre héritage du même concept, ce travail qui prend lui-même ses racines plus loin encore dans l’histoire plus si récente que ça du design de la marque, autour des optiques arrière, celles-ci se développant en extension du volume de la voiture, comme des éléments ajoutés (à l’ancienne, finalement). On avait vu cette proposition sur le concept-car AMI, l’idée avait été développée aussi sur 1919. Elle trouve ici un aboutissement industrialisé, à la surprise presque générale : on se disait que la forme allait buter contre les normes d’homologation. Ce sont d’ailleurs, sans doute, ces normes qui ont eu raison d’une disposition semblable en face avant : si on imagine des ailerons lumineux identiques en façade, on a une idée assez précise du découpage en frites que subiraient les éventuels piétons imprudents traversant sous le nez des futures Citroën. D’où une proue nettement plus sage que la poupe, au point qu’on puisse ne pas reconnaître d’emblée une Citroën dans le visage de ce nouveau C5. Sans pour autant qu’on y reconnaisse une autre marque non plus.

Mais à vrai dire, c’est le propre de Citroën de proposer régulièrement une refonte de ses codes esthétiques telle qu’il faille un temps pour s’y faire. La nouvelle direction que suivent les chevrons, c’est l’utilisation d’éléments simples, positionnés eux-mêmes de façon élémentaire afin de créer une signature visuelle reconnaissable sans pour autant engager un dispositif lumineux complexe et coûteux. Sur C3 et C3 Aircross ainsi que sur le profond facelift de la C4 on avait l’impression que la marque allait opter pour un jeu effectué sur des éléments visuels génériques, et on aurait apprécié de la voir suivre une telle voie, qui aurait été simultanément cohérente avec l’objectif de demeurer simple et efficace dans le cadre d’un budget limité, de susciter un jeu avec ces éléments, qui est toujours un moteur de créativité, et de faire un clin d’œil à un passé lointain durant lequel les marques parvenaient à se singulariser en recourant toutes à des projecteurs ronds parfois très similaires, parfois totalement semblables, rivalisant d’ingéniosité et d’inventivité pour intégrer ces formes simplissimes à un dessin et des volumes singuliers afin de leur donner une véritable personnalité. Ici, c’est un choix différent qui a été fait, consistant à apporter au C5 un soin dans le détail spécifique dans la gamme, donnant lieu à des éléments optiques spécifiques. Et si l’avant est très proche du concept qui avait été précédemment révélé, il en diffère précisément en ceci que, désormais, les modules ayant pour objectif d’éclairer la route sont visibles sous le sourcil lumineux, ce qui excentre un peu le regard de l’engin. Pour le dire simplement, sur le concept, on avait l’impression que chez Citroën on avait observé le style du constructeur américain Rivian, et on s’était dit que c’était intéressant, ce regard recentré loin des ailes. Sur le concept, la présence des pavés lumineux assez près du logo central contribuait à donner une impression similaire, étroitisant la face avant pour faire la part belle à des ailes bien bien larges. C’est trois fois rien, mais les optiques de série atténuent un peu cette impression et ça contribue grandement à rendre l’avant moins singulier, comme si on avait préféré le faire rentrer dans le rang histoire de ne pas se priver des clients un peu timorés, capables d’assumer un arrière étonnant, mais préférant que le premier regard qu’on dirigera vers eux sur le parking provoque un effet plus, disons, conventionnel.

Ce qui nous plait, nous, c’est qu’en regardant le C5 Aircross, on devine à quels designs ses auteurs ont été sensibles ces dernières années. Et il y a un petit truc qui, personnellement, me fait bien plaisir : on avait déjà émis l’hypothèse que chez BMW on soit très intéressé par la façon dont Citroën travaille, et ce tout particulièrement pour la conception de l’iX. Et on a l’impression que ce C5 Aircross est partiellement une réponse en forme d’échange de politesse, du berger à la bergère : il y a dans le traitement des surfaces de l’avant du Citroën quelque chose qui fait cette fois-ci penser à ce que fait BMW, tout particulièrement dans cette façon de structurer visuellement les volumes par de grands à-plats contrastés en noir laqué. Il ne s’agit pas d’une ressemblance, plutôt d’un principe esthétique commun consistant à assumer les surfaces pleines, laquées et striées, un traitement des surfaces qui fait penser aux tours de PC customisées, aux consoles de jeu hightech, aux mobilier de Data Center, au centre de commandement informatique d’un vaisseau spatial savamment dessiné pour assurer le refroidissement des machines.

Même de profil, on a l’impression de voir une inspiration allemande dans la façon dont la vitre de custode remonte vers le toit (qui n’évoque plus, ici, le dessin du vitrage, pourtant achétypique, de la XM (on parle de Citroën, là, pas de BMW !)), les angles qu’adopte les pourtours de vitres, une certaine façon de sculpter la tôle pour pouvoir y insérer des appendices, tels que le déflecteur sur la portière avant. Pour autant, cette façon d’épauler le compartiment moteur en l’étirant vers l’habitacle, augmentant ainsi artificiellement la cote de prestige perceptible de plein profil, n’est pas une référence externe : la C4 utilise déjà ce subterfuge. Mais ce faisant, le C5 rejoint d’autres modèles plus costauds qui ont recours à cet artifice de style : le Range Rover et ses ouïes de portières, et le Duster. Simplement, ici, il s’agit moins de donner une allure « tout-terrain » au gros Citroën qu’à muscler son apparence histoire qu’on ait le sentiment qu’il est costaud, protecteur, d’où sa façon d’être posé un peu comme une masse sur ses roues, s’éloignant un peu de l’idée qu’on se fait habituellement d’une Citroën. Mais après tout, l’iX est, aussi, extrêmement étranger à l’idée qu’on se fait d’une BMW.

Profitons de cette mise en parallèle de ces deux profils pour observer ceci, qui est spécifique au Citroën : bien que ce modèle utilise incontestablement un grand nombre de segments de droites, cet ensemble est articulé autour d’une longue courbe qui dessine la ligne latérale de la voiture. Et s’il y a une signature Citroën dans ce dessin, c’est là qu’elle se trouve. On reconnait là une ligne caractéristique qui se retrouve sur la plupart des hauts de gamme de la marque, de la DS à la C6, la C5X ayant rompu avec ce profil, comme l’avait fait auparavant la XM. La différence ici, c’est que cette ligne surplombe un élargissement plus spectaculaire qu’il n’en a l’air des ailes, en particulier à l’arrière. Et cette musculature est une donnée nouvelle dans le vocabulaire de la marque qui privilégiait jusque là des flans plus lisses, moins rebondis. On sait même que par le passé, la marque affectionnait les trains arrière plus étroits qu’à l’avant. Mais justement, il est intéressant de voir comment le design a réussi à conjuguer dans une même grammaire des signes venus d’un passé assez lointain et l’expression d’une certaine forme de modernité. Il est probable que cette syntaxe, on n’en prendra pleinement conscience qu’en présence physique de la voiture, observée sous des angles jusque là impossibles, en volumes plutôt qu’en lignes.

On l’a dit plus haut, la voiture regorge de détails qui font penser au design informatique, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Parmi ceux-ci, de façon manifeste, on trouve ce que chez Citroën on appelle les « peignes » situés à la fonction entre la porte arrière et la custode, qui font la transition du vitrage vers la carrosserie. Beaucoup de commentateurs ont signalé que c’était là une tradition chez Citroën de soigner de façon particulière cette zone de la voiture. On va se permettre de reprendre l’argument, dans la mesure où on y avait consacré tout un article il y a longtemps. La BX proposait un traitement particulier de cet élément sur les versions haut de gamme, la C6 reprenait cette tradition, tout comme le fit le premier C3 Aircross. Ici, le motif est aérodynamique mais on peut considérer ce détail comme un héritage, réinvesti d’une façon nouvelle.

Quant à l’arrière, il est complexe, soit. Mais ça ne signifie pas qu’il s’affranchisse de tout héritage de la marque. Parce qu’à strictement parler, c’est loin d’être la première fois qu’une Citroën propose un postérieur compliqué à lire. Ainsi, on se souvient que la DS était une berline qui semblait avoir été dessinée par un souffle de vent plutôt que par un crayon. Mais on a un peu oublié qu’il en avait été tiré une version commerciale dont le hayon était, lui, un bel exercice d’assemblage de volumes, lignes, formes et matériaux qui avaient tout, eux, du disparate. L’Ami 6 break était loin d’être, elle non plus, un hommage à la simplicité visuelle. Il faudra attendre la génération des GS et CX pour avoir enfin des Citroën à grand volume dont le look soit nettement moins baroque. Ainsi, l’arrière de la C5 Aircross est suffisamment compliqué pour qu’on ait besoin d’un peu de temps pour s’y faire. Mais au moins, il est reconnaissable entre tous et il réussit à témoigner simultanément d’une recherche d’aérodynamisme et de la volonté de proposer une allure solide. Ca ne signifie pas que ce dessin ne s’inscrive pas dans l’air du temps : on a déjà montré que Citroën observe manifestement ce que fait Toyota, particulièrement sur l’arrière de ses modèles et on retrouve dès lors chez ces deux marques une façon comparable de poser les dispositifs lumineux en extension du volume de la carrosserie, comme s’il s’agissait d’un élément ajouté au dessin de l’ensemble. Ici, Citroën pousse simplement le principe plus loin encore, sans véritable équivalent dans la production automobile actuelle.

De ce côté du véhicule, on remarque que par rapport au concept, si le principe des feux en ailettes a été conservé, les volumes généraux ont été un peu assagis, au sens où sur le concept, on avait l’impression d’un pavillon davantage sculpté dans sa partie haute, descendant plus bas au-dessus de la lunette au point de former au-dessus de celle-ci comme une casquette. A l’origine, on trouvait au-dessus de la lunette une finition qu’on retrouve finalement en série sur l’arrière du pavillon de la Renault 5, et qui n’a pas passé le cap de la mise en série chez Citroën. Sur les sketches qui accompagnent la révélation du modèle final, cette caractéristique est encore accentuée. C’est intéressant, car il y avait là une filiation avec d’autres modèles, dont la version deux portes de la C4 MK1, avec sa lunette coupée en deux pans, mais aussi la fameuse DS commerciale qu’on a évoquée plus haut, dont le hayon était, sur sa partie haute, une prolongation du pavillon flottant, agrémentée d’une impressionnante charnière extérieure permettant son mouvement vers le haut. On devine que l’orientation initiale des designers aurait eu quelque chose d’un peu clivant, que la conception du modèle final a amplement lissé jusqu’à la neutraliser. Au point toutefois que dans le modèle produit, on a du mal à lire l’intention d’origine.

Enfin, si on veut chercher des détails inspirés de récents concept-cars, on en trouvera par exemple dans la façon dont le bas de caisse, en arrière de la roue, présente un dessin qui pourrait faire penser à un volet mobile (ce qu’il n’est évidemment pas), à la façon de ce que proposait le concept Cxperience.

Ecran total

Mais si ce concept a pu servir d’inspiration, c’est sans doute à l’intérieur qu’il a constitué une véritable influence. Pas tant sur la forme elle-même que sur la façon de reléguer la matière plastique au second plan afin de proposer un univers intérieur différent de ce qu’on peut rencontrer chez d’autres marques. Au sein de Stellantis, on sent cette tendance chez DS avant tout, consistant à proposer au regard et aux doigts d’autres textures que le caoutchouc lisse ou strié. Le problème pour Citroën, c’est de le faire sans recourir à des matériaux coûteux. C’est le textile qui vient proposer ici une solution qui permet au C5 Aircross de se donner un petit air de salon sur roues. On sait qu’une part non négligeable de la clientèle a pris l’habitude de jauger les planches de bord en enfonçant ses doigts dans les surfaces, mesurant ainsi la qualité de l’intérieur. En gros, plus les phalanges disparaissent dans le pelliculage plastique, plus le degré de finition est élevé. Dans le C5 Aircross, cette part experte de la clientèle va pouvoir s’en donner à cœur joie : la majeure partie de la planche de bord est aussi moelleuse qu’un sofa. Si les tableaux de bord des semi-remorques étaient ainsi faits les routiers pourraient s’en servir de couchettes.

A cet ensemble inspiré du mobilier de salon s’ajoute une dalle vitrée de très grandes dimensions, dont le premier intérêt est de manifester la volonté de Stellantis de ne pas délaisser Citroën : là où certains reprochent au groupe de laisser les chevrons accommoder les restes des autres marques, ce modèle répond en montrant que lui aussi a droit à des exclusivités, ou du moins à une primeur, en l’occurrence l’écran le plus grand que ce groupe tout entier ait jamais proposé. Celui-ci est installé de façon assez spectaculaire comme une lame de verre posée en une surcouche sur le mobilier, au point de rendre un peu complexe l’accès aux rangements qu’il surplombe. Si le passager pourra saisir son mug dans le range gobelets, on peut craindre que le conducteur ait du mal à effectuer un mouvement similaire.

En fait, vous savez quoi Citroën ? J’ai presqu’envie que vous me proposiez une version « Eaux et forêts » de ce C5 Aircross. Sans l’écran central. Juste un support pour le smartphone, le minimum vital comme équipement, un intérieur lavable, un toit sur lequel on puisse venir fixer tout ce dont on pourrait avoir besoin, un espace en arrière des sièges avant qui serait polyvalent et en échange de tous ces équipements, une transmission intégrale, un moteur avec du couple et des pneus capables de sortir du goudron. Et à la place des oreilles abritant les haut parleurs (petite excentricité soooo Citroën), de véritables poignées permettant d’attraper l’engin pour s’y hisser, ou pour le pousser en saisissant directement le tableau de bord. Et pour le revêtement de celui-ci, un textile prêt à affronter les éléments. Après tout, l’Evasion avait sa version utilitaire. On pourrait imaginer que le C5 fasse de même.

Soyons juste, tout de même, avec cet intérieur. Et reconnaissons qu’il est en fait d’autant plus réussi qu’il a quelque chose des grandes Citroën telles qu’on les aimées jadis. Parce que, finalement, quel était le sujet du mécontentement envers la C6 ? Son tableau de bord, simplement, et tout particulièrement sa console centrale bien trop verticale qui était une insulte au pan spectaculairement incliné que formait la planche de bord de la CX phase 2. Depuis cet ameublement aérien, rien d’équivalent n’avait été proposé par Citroën. Mine de rien, cet écran qui se poursuit en console centrale courant jusqu’à l’accoudoir/vide poche joue ce rôle, et visuellement c’est très réussi, sans en faire trop. Ainsi, le compartiment destiné à recevoir le smartphone en position inclinée est très bien conçu. Il n’en fait pas trop sur les matériaux, et la position proposée est parfaite. Un peu comme dans la 208, on peut avoir l’écran en vue sans pour autant l’avoir sous les yeux. Ajouté à la dalle gigantesque, au combiné derrière le volant et à la vision tête haute, on peut dire qu’on dispose d’une certaine surface d’écran. Peut-être même trop finalement. Il y a là une nécessaire redondance dont on se dit finalement que Citroën gagnerait à l’épurer un peu. Et franchement on aurait des commandes de chauffage physiques, on s’en contenterait.

Petit détail qui n’en est pas tout à fait un : le volant, avec ses pads placés sous les pouces, fait un peut penser aux expérimentations que la marque faisait jadis autour du remplacement des bons vieux commodos. Il y a, là, une petite réminiscence de la période des « satellites » qui fait plaisir à voir, même si bien sûr on est tout de même loin d’un volant monobranche à moyeu fixe. Quand on sait ce à quoi Peugeot aura droit dans un avenir proche, on se dit que le volant de ce C5 est un peu classique pour cette marque. Mais encore une fois il s’agit de n’effrayer personne. Et ce volant devrait plaire au plus grand nombre.

L’intérieur de ce C5 Aircross exprime tout compte fait la façon dont la marque le positionne : là où tout le monde pronostiquait une descente aux enfers du low-cost, on constate que ce modèle n’est pas un SUV au rabais : quand bien même il devrait coûter moins cher à l’achat que son prédécesseur, il n’a pas l’air de vouloir jouer en seconde division. Et pour autant, il ne prétend pas faire entrer son acheteur dans le monde merveilleux du Premium.

Géant, mais pas trop

Peut-être a-t-on trouvé, chez Citroën, le bon dosage. Ni trop peu, ni trop non plus, juste ce qu’il faut pour ne manquer de rien sans pour autant tomber dans l’ostentatoire. Cette C5 Aircross est conçue pour respecter les usages tout en tenant compte du fait qu’en réalité la clientèle ne fait pas vraiment usage de ce genre d’engin, se contentant de rouler à leur bord comme si c’était une voiture comme une autre. D’où la disparition des sièges individuels au deuxième rang. D’om l’impossibilité de disposer d’une troisième rangée d’assises. Parce qu’en fait, la majorité des clients n’utilisent jamais la modularité de ces engins, qui coûte cher à la production, et en volume, surtout depuis qu’il faut bien loger les batteries, aussi. Mais c’est précisément cet assagissement qui déçoit les citroënistes : pour eux, dès lors qu’un engin porte les chevrons il est impossible que ce soit un modèle lambda. Ils oublient qu’à eux seuls les fans des chevrons ne sont pas suffisamment nombreux pour assurer une clientèle à la marque, et ce d’autant moins qu’une part d’entre eux n’achète même pas les modèles actuels. Il faut conquérir, et ce d’autant plus que le C5 Aircross a aussi pour but de permettre aux anciens clients du 3008 de trouver un refuge s’ils trouvent la nouvelle proposition Peugeot un peu too much. Citroën propose ici une bonne grosse dose de sérénité. Ca aurait pu être Hulk, c’est finalement le Géant Vert. Un brave gars, aux épaules larges sans avoir l’air de sortir de la salle de muscu, un corps protéiné sans carburer aux hormones de croissance, un bon à tout faire capable d’avaler une famille sur les pistes de skis pour la régurgiter en région parisienne le cul pas trop meurtri par les kilomètres. C’est pas la bagnole avec laquelle on frimera le plus, mais après tout, on espère plus ou moins que le temps de la frime soit un peu résolu.

Si une voiture devait incarner ces temps ci le principe de réalité, ce serait peut-être celle-ci. Mais méfions-nous. Depuis Gainsbourg on sait ce que peut devenir un gars loyal, honnête et droit. Les Citroën sont, un peu comme les Dacia, des paris sociologiques, et on n’est pas à l’abri que la société les abime, définitivement. Si c’est une voiture à vivre, c’est à nous d’inventer politiquement le monde qui va avec.


On s’est gardé, pour la fin, quelques illustrations montrant comment, en jouant sur les stries, sur les motifs de « peigne », le design fait en sorte de produire un effet de matériel électronique, ce qui après tout, pour des voitures qui sont de plus en plus électrifiées, a finalement plutôt du sens. Mais ce n’est pas, a priori, qu’un effet de style : c’est aussi ce qui contribue à guider les flux d’air, et grapiller des points de pénétration aérodynamique. C’est aussi de cette façon que Citroën respecte sa propre tradition. Cette marque reste, mine de rien, dans l’air du temps.



2 Comments

  1. tu as dégainé bien vite sur ce scoop là ! Si on ne sait pas quoi penser d’ un nouveau modèle, il suffit d’attendre ton blog et même si on n’est pas d’accord, ça a le mérite d’amener des axes, points de fuite, pistes qui renforcent ou amenuisent notre plus ou moins vague première impression….

    Bon pour moi c’est une totale réussite un peu décevante, ce qui génère un flou !…..Très justement moderne, parfaitement exécuté, vraiment exactement dans la cible SUV familiaux, plutôt plus joli que tous les autres SUV du segment C, littéralement saupoudré de détails qui pour une fois n’attendent pas aussitôt le restylage dès la sortie, comme souvent chez Citroen….intérieur assez formidable.

    Et pourtant, aussi bizarre que ça puisse paraître après tous ces éloges, s’il n’est pas vu en vert pétant, il a quelque chose d’assez anonyme et ennuyeux, c’est vraiment assez étrange cet effet, qui n’est même pas de déjà vu, mais comme en deça de la vue. Comme s’il lui manquait à l’inverse du précédent, ou des Picassos successifs (sauf les 7 places ), une idée force de conception et de design ensuite. Peut être le signe d’un succès probable. Les Skoda récentes sont pas mal mais franchement n’existent pas du tout, là c’est tout de même un cran en dessus, il y a de la beauté, du style, de l’élégance et de belles signatures. On dirait qu’il lui manque un effort supplémentaire pour être percutant. La première photo officielle sortie est parlante. En gris foncé, la vue de face ressemble à une Golf haute sur patte, la vue de 3/4 dos semble être un Espace5 , on se dit mais où est le nouveau C5 aircross,! C’est un peu le souci et je trouve que ça résume un peu cette affaire.
    Et pourtant probablement une Citroen très aboutie et qui mérite le succès. Concept spectaculaire, modèle de série très étonnament proche comme rarement (nettement plus que le précédent suite à son concept car rouge si attirant aussi), pour déboucher sur un SUV assez consensuel.
    Peut être est il lui, finalement en avance, et faudra t’il du temps pour l’apprécier vraiment.

  2. ps: la vignette du bas renvoyant à BX répétita, ça me fait penser que j’ai doublé sur la route du lac un jeune en vieille BX, il était seul mais ça m’a bien sùr rappelé Idiot Fish !

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