Paint it black

In Bugatti, Constructeurs, La voiture noire
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« Oh, Mère Grand, 
Comme tu as de grandes roues ! »

Peut-être que le paradoxe du monde automobile à venir tiendra au fait que tout en devenant plus problématique, cet objet connaîtra une sorte de renaissance à travers la multiplicité des formes qu’il prendra. Et le salon de Genève qui s’ouvre, là, en sera peut-être un témoin. 

Entre les projets de Citroën, qui font du pied à ceux qui n’ont pas le permis, le concept de Buggy de Volkswagen, qui met en évidence la plasticité de sa plateforme MEB, que la marque met à disposition de tous les constructeurs, dans une démarche qui fait un peu penser aux licences libres, ce qui pourrait relancer le concept même de carrossiers, et les modèles très exclusifs proposés par les marques qui se situent tout en haut de l’Olympe automobile, on pourrait connaître un avenir automobile plus florissant, moins terne et ennuyeux que ce que nous craignons souvent. 

Parmi ces tendances, on a donc la réapparition de modèles produits en très, très petite série. Et l’ultime en ce domaine, c’est le modèle unique. Et c’est précisément ce que propose Bugatti, aujourd’hui, avec ce modèle qui semble être un hommage à Karl Lagerfeld : La voiture noire. Et que cette voiture qui semble tout droit destinée à ce personnage apparaisse au moment où celui-ci n’est plus de ce monde constitue, voila pour ainsi dire, un signe qui témoigne de son incompatibilité avec ce monde ci, comme si elle était faite pour un ailleurs qui, en fait, n’existe pas.

On a ici l’habitude de faire long, mais ici, il y a finalement peu de choses à dire, parce que les lignes dépassent, et d’assez loin, toute interprétation possible. On pourrait disserter sur les références à la Bugatti Atlantic, mais comme la marque en dit beaucoup à ce sujet, on ne va pas paraphraser et la voiture, et le discours officiel qui la surligne déjà. Rien que les jantes, dont les branches sont prolongées par des pneus spécifiquement peints pour donner l’illusion de leur propre absence, pourraient être très longuement commentées. Evidemment, on est dans l’excès, et bien sûr, on est au point où un tel objet est presque condamné à la pure virtualité, tant on imagine mal son unique propriétaire en faire, réellement, usage. Que le film de présentation nous montre uniquement des images de synthèse, certes plutôt réussies, est sur ce point symptomatique. Et c’est peut-être dans cette mesure là qu’une telle démesure est acceptable. Parce que ce niveau d’exclusivité réclamerait, en fait, des routes qui soient elles aussi exclusives, des parkings qui le soient tout autant, des destinations fermées au plus grand nombre. De tels lieux existent, certes, mais il est sans doute préférable que notre espace de vie soit, lui, commun, que nous persistions dans la préservation du bien public, et que dès lors, notre vie réelle soit, finalement, incompatible avec ce genre d’objet. Ce qui n’empêche pas, comme pour une oeuvre d’art, d’en reconnaître la sombre beauté. 


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