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Venu du fond des temps, l’avenir de l’automobile double sa propre histoire, aidée par une mécanique elle-même alliance du bon vieux moteur à explosion, et de ce qu’on nous annonce comme le futur venu nous sauver : l’électricité. On pensait que seule une DeLorean était capable de telles distorsions temporelles, mais chez Toyota, on a une autre façon de pratiquer le voyage dans le temps : on fait revenir les noms anciens, et on les propulse vers l’avenir. Une belle façon d’assurer une certaine continuité. 

En Europe, on croyait ce nom disparu, parce qu’on préfère les compacte à hayon, et que chez Toyota, ce format s’appelait depuis 2006 Auris. N’étant pas trés amateurs de la version trois volumes, nous étions peu à savoir qu’en réalité, la Corolla existait toujours, sous cette forme de petite berline, et que ce nom venu du fin fond du 20ème siècle perdurait, aussi, sur de multiples marchés, dont le nord du continent américain. 

La présentation de la Corolla il y a exactement un an, au salon de Genève, a donc été l’occasion de propulser l’Auris, qu’elle remplace, simultanément vers son propre futur, et vers le passé de la marque. Et ce n’est pas  anodin, car le nom existe depuis 1966, et depuis, les Corolla ont tranquillement eu le temps de coloniser la planète entière au point de devenir, tout simplement, le modèle le plus vendu de l’histoire de l’automobile, ainsi que le modèle le plus vendu, chaque année, depuis des décennies. Encore aujourd’hui, elle devance, et d’assez loin, le F-Series de chez Ford, et le Toyota Rav4. 

Il aurait été étonnant que Toyota ne communique pas sur le renouveau de ce nom, et ce d’autant plus que, mine de rien, cette Corolla, qui remplace donc l’Auris chez nous, et redevient la voiture mondiale par excellence de Toyota (à l’exception de Taïwan, seul marché où le nom Auris perdurera), est plutôt réussie, comme si chez Toyota, une poignée de dessinateurs avaient retrouvé le sens commun, et qu’on les avait concentrés sur ce modèle, laissant les excités se lâcher sur le Rav4 nouvelle mouture, et on ne sait trop qui œuvrer sur la Supra pour en faire on ne sait trop quoi. L’auris avait jusque là à peu près échappé aux outrances dont la marque japonaise sait faire preuve en matière de design, mais là, cette nouvelle version est plus rablée, moins sage; c’est simple, elle semble faite pour la couleur, alors que l’Auris semblait avoir été dessinée pour être grise, beige à la rigueur. D’une ligne presque effacée, on passe avec la Corolla a une allure plus volontaire, à un caractère plus affirmé qui semble souhaiter épater, un peu, la galerie. 

Mais la Corolla n’est pas qu’une compacte, c’est aussi une automobile qui hérite de tout ce dont Toyota est capable techniquement. Et ce que Toyota maîtrise aujourd’hui sur le bout des doigts, c’est l’hybridation, au point de railler le plug-in et le full-electric dans des publicités qui mettent en avant le fait que les hybrides Toyota n’ont pas besoin d’être rechargées pour donner leur pleine mesure. Et, effectivement, on peut saluer Toyota pour cela : d’une part, ils ont été les pionniers dans cette technologie, d’autre part, ils ont été les premiers à mettre sur le marché une proposition efficace et fiable dans ce domaine, et surtout aujourd’hui, l’hybridation relève de la banalité pour ce constructeur, et c’est sans doute l’une des rares marques dont on puisse dire qu’elle n’aborde pas cette technologie de façon opportuniste. Et si d’autres, aujourd’hui, veulent se donner bonne conscience en nous faisant croire que le véhicule électrique sauvera la planète, on remarquera que Toyota garde ses distances avec ce discours, et n’oublie pas quel est l’usage réel que les gens font de leur automobile, et en tire la conclusion que l’avenir de la voiture sera, peut-être, mais plus tard, l’hydrogène (et la marque propose déjà une solution dans ce domaine, avec la Mira), mais que pour le moment, la solution, c’est l’hybridation. 

Alors la marque a une certaine légitimité à penser qu’elle a une place particulière dans l’histoire de l’automobile, et à vrai dire, il suffit de consulter le catalogue de Toyota pour s’en convaincre : à part les modèles très spécifiques (Aygo conçue en partenariat avec PSA et sans doute trop petite pour intégrer cette technologie), purs 4×4, véhicules utilitaires ou coupé sportif), tous les modèles sont, exclusivement, proposés en motorisation hybride. Seule la petite Yaris fait de la résistance en proposant, au choix, une motorisation thermique ou l’hybridation. Ce qui est, chez les autres, une exception, est chez Toyota la règle. Alors, oui, si cette solution est bien celle qui va mettre en mouvement nos voitures pendant un bon bout de temps, Toyota est bel et bien la marque du moment. Et c’est sans doute celle de demain aussi. 

Pourtant, dans sa communication, la marque japonaise se fait le plus souvent d’une grande discrétion, évitant d’aller sur le terrain de l’attaque personnelle envers les autres marques, de l’affirmation péremptoire selon laquelle tel modèle pourrait bouleverser la vie de ses propriétaires, ou sur l’absolue nécessité sociale dans laquelle les surhommes se trouveraient de posséder une Toyota. Généralement, cette marque semble faire profil bas. Mais là, on s’est dit que, tout de même, on avait quelques raisons de faire les malins et de communiquer de façon un peu plus tonitruante. 

Ainsi, une Corolla newborn, forcément hybride puisqu’il n’existe pas d’alternative, se paie l’histoire entière de l’automobile, de la diligence à la BMW i3 (déguisée, certes, mais reconnaissable, et de façon évidente (elle n’est pas présente dans toutes les versions du clip, et pour voir ce passage polémique, rendez-vous en fin d’article, vous y verrez un autre montage, où elle se trouve)), en passant par tous les genres qui ont fait les plus ou moins belles heures de la voiture depuis son apparition, le bolide des premières heures, le hot rod, le break woody, L’isetta ou la Ferrari époque Magnum, carrément insultée sur son camion de dépannage, chargée dos à la route sur le plateau, le cul tourné vers l’avenir, le turbo-diesel s’effaçant dans son  propre nuage de suie… La Corolla va jusqu’à doubler deux modèles de sa propre marque, sa propre version originelle, et une Supra MK1, comme si ces modèles historiques saluaient sur son passage celle à laquelle elles passent aujourd’hui le relais. 

Tout le spot se situe à égale distance de l’hommage et de l’ironie. Et c’est, somme toute, une position à laquelle l’histoire de l’automobile elle-même nous contraint : on est bien obligé, quand on est amateur de cet art, d’avoir conscience, aussi, des conséquences de la prolifération des voitures, et de constater aujourd’hui « qu’on en est là ». Et chez Toyota, on a cette espèce de distance vis à vis de l’objet même qu’on fabrique qui permet de communiquer sans être tout à fait dupe. Oui, on aime faire des bagnoles, mais oui les bagnoles posent problème, alors on va essayer de continuer à en faire, mais de façon si possible raisonnable, parce qu’il n’y a quand même pas que ça dans la vie. Mais bon, c’est de la comm’, quand même, alors on ne se prive pas d’égratigner un peu la concurrence au passage : les occupants des véhicules qui ne sont pas des Toyota sont aimablement caricaturés, et donc un peu ridicules, le partenaire BMW est, par deux fois, doublé par la Corolla, une fois sous la forme de la Supra (et c’est un peu comme si Toyota nous disait « oui oui, on a fait ce genre de choses par le passé, mais ce n’est plus une priorité, alors oui, on y touche encore un peu, mais on laisse les bavarois faire le sale boulot, et nous on se concentre sur l’essentiel), et une seconde fois sous la forme de cette copie presque conforme de l’i3, bêtement attachée à sa borne de rechargement, dont la plaque d’immatriculation affiche un A555 WOW, qu’il faut évidemment lire ASS WOW, exclamation ironique qui dit tout du respect que la marque japonaise a pour son partenaire allemand.

On sent que, pour une fois, la boite de production a été entendue, et que les petites piques que le scénario de départ prévoyait ont été, au moins partiellement retenues. Et Mark Jenkinson, le producteur de ce spot pour le compte de Rogue/Carnage, peut légitimement être assez fier du résultat, parce qu’il crée de l’enthousiasme à partir d’un constat plutôt sombre. Et on sent bien que l’enjeu est en ce moment là : ne pas affronter brutalement des passions humaines qui, de toute façon, sont là, et avec lesquelles il faudra faire, et tenter, plutôt, d’accompagner la passion là où elle posera un peu moins problème. Chez Toyota, chez Volvo, chez PSA dans une certaine mesure, on sent qu’on a compris ce propos, et qu’on tente de faire quelque chose qui soit simultanément raisonnable et passionnant. Et ça n’a rien de facile. 

En fait la marque japonaise passe à autre chose, et si le design de ses voitures est si particulier, c’est aussi, sans doute, pour nous le signifier, la Corolla étant la main que la marque tend pour que ceux qui appartiennent encore à l’ancien monde puissent la saisir et passer, à leur tour, à la suite de l’histoire. 

Reste que, dans tout ce spot, la Corolla roule dans le désert, comme si de toute façon c’était déjà trop tard, et qu’elle se dirige vers la ville, qui semble être le refuge vers lequel cette course façon « fous du volants » se rue. C’est alors que le postulat de Toyota perd un peu de son sens, car s’il y a bien un territoire où le full-electric a un sens, c’est le milieu urbain, parce que les trajets y sont courts, parce qu’on peut imaginer y partager l’automobile, et parce que c’est là que les conséquences immédiates de la pollution due aux moteurs thermiques se concentrent. Et là dessus, le spot n’en dit pas plus, tout concentré qu’il est sur la promotion de l’hybridation, et sur la critique de la seule énergie électrique. Mais il ne faut pas prendre les publicités pour paroles d’Évangile : quoi qu’en dise Toyota, et aussi vertueuse que puisse paraître cette entreprise, la question de l’impact de l’usage de l’automobile, mais aussi de sa construction, et de son recyclage demeure, et comme toutes les questions concernant ce qui se consomme, et ce qui consomme des ressources, elle demeurera posée, non pas tant qu’on sera en quête de solutions pour continuer à consommer de la même manière, mais quand nous aurons compris qu’il faut changer complètement notre rapport à la consommation, et sans doute aussi à nos déplacements. 

Et de ceci, il ne sera sans doute pas question, avant longtemps, dans une publicité automobile. 


Le spot existe dans des longueurs variables, de trente à quatre-vingt-dix secondes. Je propose ici trois versions, mettant en scène la Corolla compacte et sa déclinaison break, mais aussi deux montages différents, qui selon les marchés mettent en scène, ou pas, le véhicule électrique, et mettent l’accent, plutôt sur la Supra, ou plutôt sur la première version de la Corolla. 

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