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à propos de :
Iconic, Partners in reinvention
Film publicitaire réalisé par Toby Dye
pour le Combi Volkswagen électrifié par ABT

Pays froid, mais gens talentueux

Automobilistiquement, la Norvège est ce genre de pays qui manie d’autant plus volontiers les paradoxes qu’elle ne fait pas partie des nations dont l’économie soit viscéralement liée au cycle de la production / consommation de bagnoles. Si le voisin suédois est riche d’une tradition industrielle en ce domaine, la Norvège peut prétendre avoir les mains doublement propres : d’abord parce qu’elle n’a pas produit d’automobiles, et elle n’a donc avoir la bonne conscience de ceux qui n’ont pas cherché à envahir la planète avec des engins notoirement bruyants et polluants, d’autre part parce qu’encore aujourd’hui, la Norvège est championne du monde d’achat de voitures électriques. Et pas n’importe lesquelles : faire la queue pour prendre le ferry à Hirtshals en direction de Larvik, Oslo ou Bergen, c’est se croire à un salon de l’auto au sein duquel Tesla aurait réservé, et de loin, le plus gros stand. C’est la foire au Model X, portes grandes et hautes ouvertes sur des habitacles futuristes dans lesquels des vikings et valkyries miniatures sanglés dans leur siège enfant grignotent leur sandwich au saumon fumé en attendant l’heure de l’embarquement. Le parc automobile norvégien témoigne d’autant plus du pouvoir d’achat local que pour un grand nombre d’autochtones, la voiture est presque le second véhicule, après le bateau, toute maison donnant sur l’un des innombrables fjords possédant son propre ponton, les ports étant aussi répandus que peuvent l’être, chez nous, les parkings. Voitures chères et puissantes comme peuvent l’être les modèles électriques les plus chers, et conduite pourtant ultra paisible. Il faut dire que le réseau routier norvégien incite un peu à la retenue : tracés très sinueux, virages sans visibilité, alternance de tunnels et de ponts, quand il y a un pont car, souvent, c’est le bac qui permet de passer d’une plaque terrestre à une autre. Autant dire qu’en Norvège, il ne faut surtout pas se fier à l’indication d’une distance à vol d’oiseau. Certes, il y a peut-être un cinéma à 18 km, mais il vous faudra peut-être 6 heures pour le rejoindre. On comprend que dans un pays si vaste, on puisse privilégier des bagnoles confortables, et vastes. Il faut dire que le stationnement n’est pas vraiment un souci. Le croisement, en revanche, en est un, surtout avec des modèles Tesla dont les mensurations ont été conçues pour les USA. Autant le dire aussi simplement que ça : il n’y a pas la place pour que deux voitures passent de front. Mais ce n’est pas vraiment un problème : les norvégiens n’ont aucune intention de se montrer les uns les autres à quel point ils sont habiles dans l’art subtil consistant à se croiser le plus vite et le plus près possible, les rétroviseurs cherchant à s’embrasser dans la manœuvre. Si vous tentez ce genre d’acrobatie routière, le conducteur local vous regardera avec ces yeux qui disent « toi, tu viens d’Europe du sud ». Et aucun doute là-dessus, ce n’est pas un compliment. Ne l’oublions pas : nous sommes aux norvégiens ce que, en gros, les roumains sont pour nous. Il faut croire que le norvégien a trouvé d’autres motifs de fierté personnelle : il se contrefout que vous passiez avant lui la zone de croisement. Aussi est-ce bien volontiers qu’il se rangera sur le côté pour laisser passer le véhicule arrivant face à lui. Et aussi étonnant que ça puisse sembler pour nous, pauvre peuple latin, si tout le monde se comporte ainsi, les choses se passent plutôt bien. Incroyable, non ? Plus étonnant encore : alors que la ligne droite allant d’un point A à un point B n’existe pas en Norvège, les routes sont le plus souvent limitées à 70 km/h; parfois moins encore. Et non seulement tout le monde les respecte, mais en plus, si on roule moins vite, personne n’aura l’idée saugrenue de coller au pare-chocs arrière en espérant qu’une espèce de force de répulsion magnétique permettra de faire accélérer la tête de file.

Comment parviennent-ils à une telle sérénité ? D’une part, ils sont capables de patience. Mais peut-être qu’un peuple qui doit attendre plusieurs mois que le soleil passe de nouveau la ligne d’horizon apprend dès l’enfance ce genre de vertu. D’autre part, vraiment, leur puissance et leur gloire personnelle ne se fonde pas sur le fait de s’imposer aux autres. Mais là aussi, quand les conditions de vie sont rudes, et qu’elles le sont moins pour des raisons économiques que parce que la nature ne fait pas exactement de cadeaux, on sait que, parfois, la survie tient plus aux autres qu’à soi-même. Alors on évite de les mépriser ouvertement. Pas con, hein ? Ainsi, on laisse une lumière allumée, dehors, sous le porche, afin que le voyageur trouve toujours refuge quelque part dans la loooongue nuit, et on se range sur le côté pour laisser passer le conducteur qui arrive en face. Autant dire que tout en sachant très bien conduire, l’automobiliste norvégien ne connaît pas très bien le plaisir qu’il peut y avoir à mettre le pied au plancher en ligne droite. Si c’était là un « art » de conduire, la musique serait définie comme l’art et la manière de jouer de la musique le plus fort possible.

entre les falaises noires et les cascades étincelantes

Alors, paradis simultanément automobile et écologique, la Norvège ? En apparence, oui. En réalité, peut-être un peu moins. Disons plutôt que c’est un paradis local, qui applique sur son territoire une vie vertueuse qu’il contribue à rendre impossible ailleurs. Parce que, d’où vient cette richesse, quelle est la source de cette noble façon de regarder de très très haut les mauvaises habitudes des pays du sud ? On le sait bien : de l’extraction et de la vente à l’international de cette bonne vieille ressource non renouvelable et polluante qu’est le pétrole. La Norvège est à la planète ce que la bagnole électrique est à l’automobile : une façon discrète d’avoir l’air propre tout en salissant, oui, mais « ailleurs », plus loin, là où ça ne se voit pas, et là où on n’en subit pas les conséquences. Eldorado, donc, oui, mais dans tous les sens du terme : paradis perdu, mais aussi territoire de nouvelles opportunités. Le beurre et l’argent du beurre.

Pour les constructeurs automobiles, il est alors tentant de voir en ce pays si vaste, et si beau, le paysage rêvé dans lequel ils pourront se refaire une virginité. D’abord parce qu’au moins, ici, on n’a à affronter aucun constructeur local, mais aussi parce que pour tout le monde, la Norvège est à peu près à égalité avec l’Islande sur l’échelle de la vie saine et respectueuse « de la planète ». Mais aussi parce qu’il y a des routes en Norvège. Et elles sont superbes. Certes, une bonne partie d’entre elles est fermée pendant plusieurs mois mais au dégel, c’est un la foire internationale des courbes, des descentes au ras du niveau de la mer alors que quelques centaines de mètres plus tôt on se croyait en haute montage, c’est le grand concours Eurovision des surfaces topologiquement improbables et des reliefs impossibles ; autant dire que les drones s’en donnent à cœur joie, et qu’on pourrait ouvrir là un festival du travelling en vue plongeante sur toutes sortes de véhicules se déplaçant paisiblement à la surface d’une belle planète toute neuve, à peine créée, intacte, intouchée, une croûte terrestre tout juste caressée par un simple trait de bitume noyé dans l’immensité du chaos originel.

Le troll marin provoque la mort de l’idiot qui passe

Mais le paysage n’est pas la seule ressource locale que la Norvège peut mettre à disposition des services marketing. Il y a, dans le pays des trolls, une autre richesse immatérielle : A-ha.

Et ce groupe est deux fois survivant. Une fois parce que les années 80 sont LA décennie du musicalement périssable. Une seconde fois parce que, généralement, tous ceux qui ont composé ou interprété un générique de James Bond disparaissent après ce qui semble devoir être leur chant du cygne. Duran Duran. Non seulement, A-ha semble être à l’épreuve du temps, proposant de temps en temps, sans se presser, et sans réduire cela à un simple commerce, des albums étonnants de construction, de maîtrise musicale et vocale, en même temps classiques et inspirés, mais il y a mieux que ça : même les tout premiers titres, qu’on pourrait croire excessivement marqués par le son particulier des eighties, résistent à l’épreuve du temps, et supportent des réinterprétations contemporaines débarrassées de tout ce qui en faisaient des singles qu’on pouvait écouter, en prenant son pied, sur un poste radio mono, ou sur une télé de tout petit format, dont le haut-parleur bas de gamme était noyé dans une carrosserie en plastique trop grande, mal ajustée, transmettant au tube cathodique ses vibrations à chaque note censée être jouée par une basse. Et bien même sur ce genre de poste de réception, Take on me, c’était un bon moment.

Mais pour savoir si une chanson est belle, il faut la déshabiller. Pendant longtemps, on n’a pas pu entendre Take on me sans sa panoplie synthétique, jusqu’à ce que A-ha se décide à proposer quelques concerts construits autour d’instrumentations unplugged, comme on disait dans les années 90. Et c’est ainsi que cette chanson pop efficace a pu se révéler pleinement, et connaître une seconde vie sous la forme d’une complainte amoureuse beaucoup plus mélancolique, comme si ces mots avaient pu inaugurer une relation il y a quarante ans, et racontaient aujourd’hui une liaison effilochée qu’on tenterait de faire survivre encore un peu, une avant-dernière fois, puis une dernière, avant de voir les routes se séparer pour de bon.

Tandis que le Nökken, ou le lutin d’eau douce…

Quel rapport avec les bagnoles ? Celui-ci : ça fait un moment que Volkswagen tisse des liens avec A-ha en général, et avec Take on me en particulier. Ainsi, en 2013, la marque reprenait le fameux clip des années 80, mi dessiné, mi filmé, qui plongeait une jeune femme dans l’univers cloisonné d’une bande-dessinée, pour faire la promotion de sa Passat. Aujourd’hui, c’est un partenariat plus serré qui se tisse entre le groupe et le constructeur, puisqu’il s’agit, dans un spot beaucoup plus long, de regarder Morten Harket et ses deux partenaires prendre la route, très très calmement, au volant d’un combi Volkswagen électrifié par ABT.

Evidemment, dès qu’on voit un Combi on pense à l’ancêtre, qui dévoila ses formes rondes dès 1949 avant de connaître l’incroyable carrière qu’on lui connaît. De celui-ci, l’actuel combi conserve fort peu de choses : la possibilité d’embarquer du monde, l’éventuelle déclinaison en petit camping-car, et le logo. Pour le reste, on est vraiment très loin de l’original, que ce soit sur le plan des formes, ou sur celui des tarifs. Parce qu’évidemment, on peut se demander qui va mettre 50 000 € dans un véhicule qui atteint péniblement la centaine de kilomètres d’autonomie, plafonne à 90 km/h (la possibilité d’atteindre 120 km/h est une option, et oui, je sais, ça laisse songeur) et met plus de 5 heures à se recharger sur une wallbox.

Autant dire qu’on comprend que la campagne associant VW et A-ha joue à fond la carte de la lenteur et de l’art de vivre, délaissant toute notion de performance, de vitesse ou de rythme effréné. On prend la route en mode lambinage, on aborde les virages en les voyant venir de super loin, et c’est tout juste si on y sent une quelconque force centrifuge. Pour un peu, on pourrait se demander s’il est encore bien nécessaire de mettre sa ceinture de sécurité. Mais la Norvège cultive l’art de prendre son temps, parce qu’il est une ressource dont chacun dispose en quantité limitée, et qu’il importe d’en profiter sans le perdre à le gagner.

L’intelligence de cette association s’exprime pleinement dans le motif du spot, le concept qui lui sert d’axe principal : Iconic. Take on me est une icone pop musicale. Le Combi est icone pop automobile. Mais ce que montre le spot, ce sont des reprises de l’une, et de l’autre, et c’est une façon de mettre en scène la conscience, claire, qu’on ne peut pas être iconique deux fois. Parce que la première fois est celle qui ne peut se réitérer telle qu’elle, la chanson chantée de nouveau n’a nécessairement plus la fraicheur de sa version originelle, et le combi 2020 n’essaie même plus de mimer sont lointain ancêtre, se contentant d’en être l’énième réinterprétation, pour le moins éloignée de la première génération. Ce n’est pas en suivant cette voie que Volkswagen imprimera sur le monde une nouvelle forme, qui sera le modèle auquel, des décennies plus tard, on se réfèrera.

Mais peut-être y a-t-il dans cette campagne publicitaire un avant-goût de ce que pourrait être, pour certains d’entre nous, un certain avenir. N’étant que de passage en cette vie, il n’est pas certain que la bonne option consiste à traverser celle-ci le plus vite possible. Après tout, pour bénéficier de ce que chaque instant nous propose, il est peut-être plus malin de lever le pied, et de faire mine de s’arrêter sur chacun d’entre eux, de s’accrocher au présent sans se précipiter sans cesse, pied au plancher, vers un futur qu’on consomme par avance en oubliant qu’il deviendra passé plus vite qu’on ne le voudrait.

Et mis à part son prix, peut-être que la modestie du combi électrique convient pleinement à cette évidence rappelée par le refrain : Dans un jour, je serai parti. C’est une façon de dire qu’on n’est pas d’ici, qu’on part demain, et que s’il y a à vivre quelque chose « ici », c’est maintenant qu’il faut le faire. Après est trop tard.

Le spot est, donc, signé Toby Dye, et il faudra un jour que vous parle de certaines de ses plus anciennes réalisations. Le set de photographies est, lui, signé par la photographe Julia Marie Werner, dont je vous reparlerai un jour aussi, parce qu’elle vaut le déplacement.

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