Sortie de champ

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Juste une salutation à Alex Lamarque,
que je ne connaissais pas.
Avec une pensée pour ceux qui l’ont connu
ses proches, sa famille
ceux qui ont travaillé avec lui

Vous savez quoi ? On va essayer de faire assez court. Par respect, et pour éviter, pour une fois, de faire passer les mots avant l’image.

Un photographe, c’est quelqu’un dont, à la fin, le portrait sera constitué par ce qu’il aura vu, ce qu’on aura vu à travers lui. Il est possible qu’on ait un portrait de lui, mais sa véritable image, ce seront les photographies qu’il nous aura données à voir. Pensez à ce prénom et à ce nom : William Klein.

Vous voyez ?

Il existe une catégorie de photographes qui se dédient, paradoxalement, à l’image en mouvement. Ce paradoxe n’en est pas vraiment un : une image en mouvement n’a longtemps été qu’une suite d’images fixes donnant l’illusion du mouvement. Et puisque Godard demeure, qu’il le veuille ou non, de ce monde, on va rappeler ce principe : « La photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde ». Pour faire du cinéma, il faut des photographes et Godard le savait tellement bien qu’il mit Raoul Coutard, son directeur de la photographie, à l’écran, derrière sa caméra en translation vers le spectateur, dans le vertigineux miroir cinématographique que constitue l’ouverture du Mépris.

On devrait lire les génériques de façon plus approfondie. Ca éviterait de passer à côté du nom des gens et de n’être sensible à leur existence qu’au moment où on apprend, tout à fait par hasard, qu’ils ne sont plus de ce monde. Hier, j’apprenais sur les « murs » de certains des réalisateurs dont je partage parfois le travail, le décès d’Alex Lamarque. Il y a toujours quelque chose d’étrange à apprendre la mort de quelqu’un dont on ne savait pas qu’il avait existé. On a beau êtres de milliards d’êtres humains sur Terre, chaque disparition donne l’impression d’avoir frôlé quelqu’un sans l’avoir connu, d’être demeuré aveugle et indifférent à une présence dont on n’avait jamais eu conscience. J’ai croisé, plus souvent que je ne le soupçonnais, le nom d’Alex Lamarque, parce que j’ai tendance à lire le nom de ceux qui participent à la confection de ces films qui alimentent mon regard et mon clavier. Et sans doute parce qu’on accorde plus d’importance aux chefs d’orchestre qu’aux musiciens, je retiens le nom des réalisateurs, et je délaisse connement celui des artisans qui, pourtant, permettent à ces visions de devenir une expérience réelle, un métavers en acte, un univers parallèle venu miraculeusement tangenter avec ce monde ci, dont il est la projection transfigurée.

Je ne connais pas Alex Lamarque. Je ne sais même pas quel est son visage. Mais je sais, depuis hier soir, que si mes yeux voient le monde, c’est un peu par le filtre de son propre regard. Parce que s’il apparaît au générique d’un très grand nombre de spots mettant en scène des automobiles, il a aussi travaillé à la construction de l’image de nombreux clips, longs métrages, et d’une ribambelle de spots pour des produits de toutes sortes, au point que nous avons tous déjà regardé les choses avec ses yeux. Nous avons tous déjà vu ce qu’il a vu. Aussi horrible que ça puisse sembler, il est fort probable que son nom s’affiche sur nos écrans lors de la prochaine cérémonie des César, au moment où nos écrans plats diffuseront tous en chœur l’Adagio pour cordes de Samuel Barber, un extrait de l’œuvre de Ludovico Einaudi ou une impro de Camelia Jordana.

Un photographe, c’est quelqu’un qui écrit avec de la lumière. Un cinéaste, c’est quelqu’un qui écrit avec le mouvement de l’image. Un directeur de la photographie, c’est donc quelqu’un qui écrit avec de la lumière en mouvement. Le premier des films que j’ai choisi est un des plus anciens travaux d’Alex Lamarque, et il a tout l’air d’avoir été une forme de manifeste. Une définition en acte de ce travail consistant à sculpter la lumière dans toute sa fluidité. La suite, les autres films – et ce ne sont que quelques uns parmi tant d’autres, juste choisis parce qu’on y voit des bagnoles évoluer devant son objectif – montrent toute la diversité de son art, oscillant entre les deux bornes de ce territoire : le noir complet, et la pleine lumière. J’ai placé en conclusion le film consacré au concept E-Legend, parce qu’il est aussi une forme de signature : le concept est superbe, mais l’image qui le met en scène est absolument parfaite, parvenant à nous projeter simultanément dans une forme de nostalgie tout en nous projetant en avant vers un avenir qui semble, du coup, se conjuguer au futur antérieur. Artisanat parfois discret, le travail d’Alex Lamarque est pourtant, toujours, la racine de ce qu’on regarde : sans image, pas de film, et sans photographe, pas d’image.

Bref, voici quelques bagnoles en mouvement, saisies par l’objectif, et donc l’œil et la vision d’un certain Alex Lamarque, que nous n’avons pas connu, et dont nous sommes tous, pourtant, des greffés du regard.


Pour ceux qui se demandent jusqu’où leur propre vue a pu être colonisée par les visions d’Alex Lamarque, il est possible de s’en faire une idée en allant sur son site, qui propose un panorama beaucoup plus large sur son oeuvre :

http://www.alexlamarque.com/

On peut aussi consulter la page que le site IMDB lui consacre. Dépliez l’onglet Camera and Electrical Department, vous verrez apparaître des titres édifiants, qui donneront envie d’aller fureter dans ces heures d’images, qui sont un peu les siennes.

https://www.imdb.com/name/nm0482834/

Un jour ou l’autre, on chroniquera forcément l’un de ses clips.

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