Haute Fidélité ?

In Lancia, Ypsilon
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Right-hand drive ? You can read this in english, in a mix of deepl and self translation : www.conduite-interieure.fr/high-fidelity/

La communication à l’italienne est toujours un peu ampoulée ; Lancia respecte cette tradition en nous servant un sombre concept « Une voiture, quatre histoires » autour de l’Ypsilon. Une histoire pour la version Cassina, créée conjointement avec le pas si célèbre que ça créateur d’ameublement transalpin (façon de dire que ce fameux luxe, cette fameuse ascension vers le premium, c’est plus une « histoire » qu’autre chose), une histoire pour la gamme toute entière (là, on en est presque à avouer que dès la deuxième « histoire » on n’a carrément plus d’idée pour alimenter ce concept un peu foireux), puis deux autres histoires, liées à la révélation des versions HF de la petite Lancia.

Autant le dire tout de suite, ces deux déclinaison n’ont de commun que le petit nom : HF et Rally 4 HF ne partagent que l’allure générale et le logo. Pour tout ce qui est technique, on ne peut pas faire plus différent : l’Ypsilon HF est strictement électrique, la Rally 4 HF est tout ce qu’il y a de plus thermique. Dans ce théâtre à l’italienne, il n’y a pas d’unité d’énergie.

On savait, dès la présentation de ce nouveau modèle; qu’il serait décliné dans une version plus performante, ajoutant un peu plus de quatre-vingts chevaux aux 156 dont dispose la version normale, ce qui proportionnellement n’est pas rien, loin de là, et ce d’autant plus que c’est au seul train avant de digérer la hausse de puissance. Comme sur la Fiat Abarth 600e, c’est un différentiel mécanique à glissement limité qui officiera comme régulateur pour faire en sorte que l’avant joue toujours son rôle de direction au moment où le couple déferlera vers les pneus.

Pour le reste, les photos montrent une face avant un peu remaniée, avec un bon gros empiècement sombre en son centre, dans lequel se tiennent les prises d’air, selon une disposition dissymétrique en partie haute, façon Fiat Ritmo. Détail déconcertant : les quatre empiècements, dont on se disait qu’ils étaient peut-être le prélude d’ouvertures destinées à une version haute-performance, disparaissent totalement sur cette version haute-performance. C’est en fait plutôt naturel : sous le capot, il n’y a aucune mécanique à refroidir. Autant ne pas faire semblant. Précisons qu’en revanche, l’Ypsilon Rally 4 HF décapsule bien ces quatre opercules pour aérer, elle, son trois cylindres turbocompressé de 212 chevaux. 212, 212… 212… comme la 208 R4 ? Oui, exactement. Pour la bonne et simple raison que c’est la même voiture, et que c’est donc aussi un clone de la Corsa R4. Et là, on se dit que c’est bien beau le partage des plateformes, mais en compétition à un moment, il faut se demander si on ne tend pas vers une formule monotype, si seule l’apparence distingue des modèles censés être concurrents les uns des autres.

Difficile de bouder son petit plaisir, tout de même, à voir les couleurs du Martini Racing posées de nouveau sur la carrosserie cintrée de cette Lancia. C’est un peu comme voir ses vieux parents séparés se donner rendez-vous pour un dîner en tête à tête. On n’est pas tout à fait certain que ça ressuscitera les merveilles du passé, mais on a quand même l’impression que Kevin vient de nous mettre quelques paillettes dans la vie, et c’est déjà ça.

La version civile, elle, se la joue davantage profil bas. Si ce n’est son avant, le reste de la voiture évite d’en faire trop. Sans doute pour des raisons de budget (la carrosserie reste strictement identique aux autres versions de l’Ypsilon, seul l’accastillage est un peu adapté), sans doute aussi pour des raisons de style : la version d’origine est déjà fondée sur un design copieux en éléments de style, en ajouter davantage pousserait peut-être le bouchon au-delà du goulot. Mais il s’agit aussi de rester dans une position équilibrée entre la célébration du sport et l’allure chic que l’Ypsilon a toujours revendiquée. C’est une petite voiture bourgeoise, qui ne pourrait pas adopter une attitude de spartiate bodybuildé.

A l’extérieur, à vrai dire, les petites modifications cosmétiques font le job. Ce qui fonctionne et se suffit presque à soi seul, c’est le petit élargissement des voies. Avec les jantes sombres de 18 pouces, dans les passages de roues un peu augmentés par de discrètes extensions d’ailes, la voiture prend une allure plus trapue, mieux posée sur ses roues, qui lui va bien. Elle n’a plus le côté frêle des versions plus sages, tout en conservant l’aspect mignon que lui confèrent ses courbes et ses optiques soigneusement détaillées.

Notons que cet élargissement qui donne de nouvelles épaules à l’Ypsilon, on ne le retrouve pas sur la version destinée au rallye qui, du coup, fait moins costaude que la version civile, ce qui impacte un autre artifice de style : sur l’Ypsilon HF électrique, les designers ont intégré un déflecteur sur le versant postérieur de l’aile avant, un peu comme sur un Duster. Sur l’Ypsilon destinée au rallye, il ne s’agit plus que d’une finition noire qui reprend la forme du déflecteur, sans en être un.

C’est à l’intérieur que Lancia n’essaie même pas de faire illusion. Les détails distinguant la version HF sont trop rares et discrets pour faire la différence. Une branche inférieure de volant qui arbore le logo HF , une sellerie qui s’applique à être oblique sur les sièges. Voila. En fait, tant qu’à ne pas faire de dépense inutile dans cet intérieur, on se dit qu’on aurait pu faire l’économie du guéridon posé au beau milieu de la console centrale, dont la préciosité s’accorde mal avec la sportivité revendiquée par cette déclinaison, d’autant qu’on aimerait bien que le tunnel central soit débarrassé de cet artifice, pour le regarder plonger vers l’avant sous le tableau de bord, sans davantage d’effet de style. Et tant pis pour la recharge à induction du téléphone. Si c’est bien la batterie de 51kwh qui est livrée avec ce modèle, le vrai enjeu sera de recharger la voiture, pas le smartphone.

Ce que tout le monde a en tête, en regardant la Lancia, c’est la projection sur la Peugeot 208 de ses passages de roues plus musclés, et par extension, l’introduction sous le capot de ce moteur électrique plus puissant. Mais voila, on sait que cette évolution de la 208 n’existera pas. Sans doute parce qu’il faut bien laisser quelque chose à l’italienne qui, sinon, n’aurait pas de spécificité à faire valoir pour s’attirer des clients. Cela peut-il coûter quelques clients à Peugeot ? Sans doute. Mais tant qu’ils restent chez Stellantis, ce n’est pas si grave. On a compris le principe de ce mode de production : Peu importe qu’on achète une Peugeot, une Opel ou une Lancia. De toute façon on achète du Stellantis. Ce qu’une marque ne gagne pas, une autre marque le fera gagner à l’entité globale. Bien sûr, il faudra que Peugeot puisse disposer de spécificités susceptibles de faire venir vers le lion des clients qui trouveront là ce qu’ils n’auraient pas trouvé ailleurs. On le sait, la spécificité de la prochaine 208 ne tiendra pas à une puissance spécifique délivrée par son moteur. Ce sera l’Hypersquare, cette interface qui remplacera le volant, profitant de l’introduction d’une direction steer-by-wire, ce qui autorisera sans doute une architecture intérieure encore plus novatrice que celle qu’on connaît déjà chez Peugeot. Ceci compense-t-il l’absence de 208 GTI 2.0 ? Pas vraiment. Mais une 208 électrique de 240 chevaux serait-elle, vraiment, une nouvelle GTI ? On peut en douter. Les véritables fans de l’ancêtre seraient probablement dubitatifs devant ce qu’on aurait du mal à considérer comme un hommage sincère. Et sur ce genre de modèle, si on est dubitatif, on n’achète pas. A strictement parler, la Lancia n’a pas ce souci : l’Ypsilon n’a jamais existé en version HF. En quelque sorte, elle ne peut pas décevoir car elle n’a pas de mètre-étalon auquel elle sera comparée. Les choses seront plus compliquées, car les regards seront beaucoup, beaucoup plus critiques, quand la marque sortira une Lancia HF. Ce jour là, tout le monde se souviendra que ces initiales signifient, ici aussi, Haute Fidélité, et on voit mal comment une prochaine Delta HF pourrait être autre chose qu’une déception, comparée à son ancêtre.

Pour le moment, l’ancienne Ypsilon ayant été ce qu’elle a été, il est difficile pour la nouvelle de décevoir, car Lancia revient de très, très loin. C’est ce qui surprend un peu dans cette stratégie consistant à lui accorder des privilèges. Mais c’est finalement plutôt logique : si la marque doit retrouver son lustre d’antan, il faut qu’elle se distingue du tout venant. L’enjeu de Stellantis, c’est de décliner l’exclusivité de façons suffisamment différentes pour que plusieurs marques exclusives puissent coexister sans se marcher sur les pieds. On peut le regretter, on peut être déçu, on peut même ne pas être d’accord ; ça ne change rien au fait que ce soit, tout de même, assez logique. Est-ce le bon pari ? Seul l’avenir nous le dira. Mais après tout, en ne mettant pas tous ses oeufs dans le même panier, Stellantis dilue le succès certes, mais elle répartit le risque aussi. Tout le monde a compris que la 208 peut être une des meilleures ventes de sa catégorie, et même la toute meilleure, sans avoir à recourir à une version sportive. Lancia a, plus que Peugeot, besoin d’un modèle tête de gondole pour attirer l’attention et reforger son image, même si celle-ci est désormais un peu artificielle. L’Ypsilon HF fait tout pour ne pas être une prise de risques inconsidérée, tout en donnant l’impression de ne pas être conventionnelle. Dans la Préface de son Histoire de la folie, Michel Foucault place trois citations dont il ne donne pas la source, trois passages un peu mystérieux, qui semblent dépasser tout auteur possible. Le dernier dit ceci : « Développez votre étrangeté légitime ». Aux yeux des membres de Stellantis, et aux yeux du monde, c’est mine de rien ce à quoi s’applique l’Ypsilon HF, en n’étant fidèle qu’à elle-même.


Post scriptum

On parlait des ouïes d’aération sur la face avant. On a, depuis la mise en ligne de cet article, découvert les photos des versions essence de l’Ypsilon. Et celles-ci répondent aux questions qu’on se posait sur ces empreintes d’ouvertures : elles sont désormais ouvertes, afin d’aérer le moulin à trois pâles qui tourne derrière. On découvre aussi de nouvelles jantes, et une nouvelle sellerie, très rouge. Très, très rouge.

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