Grand 8

In 5008, Peugeot
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Si la taille importe ?

On aurait tendance à répondre que de façon générale il faut bien faire avec ce qu’on a, et que la dimension définit l’usage. Qui peut le plus, peut aussi le moins paraît-il. De fait, la règle est difficilement réversible.

Pourtant, tout le monde a pu observer que le changement de génération coûtait au Peugeot 3008 des centimètres cube qui, soustraits à la capacité de chargement en hauteur du coffre, rendent le nouveau venu un peu moins versatile que son prédécesseur. Délaissant le cubisme et passant du XL au L pour se donner des airs profilés de coupé, le SUV ne permet plus de loger dans son coffre une commode, un carton Ikea simultanément haut et profond, ou la caisse de transport d’un chien. Et si on voulait vraiment reproduire dans le nouveau 3008 les habitudes prises avec le précédent, on pourrait rapidement avoir à convoquer Carglass (sans oublier le .fr bien sûr) afin de changer vite fait la lunette arrière, explosée par une charge excessivement parallélépipédique. Même en grande section de maternelle on le sait : le rectangle, il entre pas dans le triangle.

Redistribuer les rôles

C’est que chez Peugeot on a probablement fait un petit calcul pas désintéressé : ceux qui ont pris leurs aises dans le 3008 MK2, auront sans doute du mal à restreindre leur espace vital dans la troisième génération. Ils pourraient dès lors être tentés d’opter pour la taille au-dessus, la version stretched histoire de garder les bonnes vieilles habitudes, en prenant carrément ses aises cette fois. Ca tombe bien, le 5008 New-Gen les attend avec impatience. On a envie de lui dire :

« Dites-donc Mère-Grand, comme vous avez de looooongues portes arrière !

-Oh, mais c’est pour mieux t’engloutir mon enfant. »

Il y a quelque chose d’ogresque dans ce 5008. Sa gueule tout d’abord, dont on ne saurait dire si elle est ouverte sur une dentition vraiment pléthorique ou si un orthodontiste un peu barré a réalisé là une masque en fer forgé, une camisole faciale placée là pour couper net les élans hannibalecteriens du bestiau, au cas où. Cette face pirahnienne ne lui est certes pas exclusive : le 3008 affiche la même voracité contenue. De pleine face, on a l’impression qu’un animal tout droit venu des fins fonds de la préhistoire nous regarde de ses yeux fins et perçants, la commissure de ses lèvres dessinant le rictus typique des prédateurs prenant par avance plaisir à déguster une proie qui ne pourra pas leur échapper. Mais là où le 5008 devient un peu flippant, c’est quand on constate qu’il a le ventre bien plus gros que les yeux, c’est pas que d’la gueule : ce qu’il engloutit, il est armé pour le digérer et le stocker.

Et on sait ce qu’on dit : quand l’appétit va, tout va. Tout semble bien aller en effet dans la dégaine du nouveau mastodonte Peugeot, qui perd l’allure de teckel qu’arborait la précédente génération. Celui-ci donnait l’impression de regarder une bagnole exposée au milieu de la galerie des glaces dans une fête foraine : l’image était-elle anamorphosée par un miroir déformant transformant tout être en une espèce de knacki, loooongue certes, mais trop fine justement pour qu’on puisse goûter pleinement à sa chair tendre ? Ou bien Mother Nature, passablement bourrée, avait-elle lancé la grande roue de l’évolution des espèces, embarquant les chromosomes dans une farandole hors contrôle, générant des formes au pif, distribuant les gènes au ptit bonheur la chance provoquant l’étrange impression qu’un designer avait appuyé son coude sur la tablette graphique et avait étiré tout l’arrière vers le bord droit de l’image avant de cliquer sur « Mettre en production », déversant aux abords des églises de France, par leurs portes arrière grandes comme des vantaux de portail, une ribambelle de petites familles fringuées en Tartine et Chocolat, prêtes à réciter leur chapelet, missel en main, scrutant quand même du coin de l’œil l’approche furtive du curé au cas où il l’approcherait d’un peu trop près, la marmaille bleu marine et vert émeraude vite entassée sur les sièges indépendants de la cariole familiale, lointaine descendante du chariot de Charles Ingalls.

Intermède MyHeritage1

Mais puisqu’il est l’heure de prononcer son oraison funèbre, rendons justice au physique du 5008 de deuxième génération. Certes, il était long comme un jour sans pain, et il avait l’allure un peu bizarre des patients du Dr Ilizarov. Pourtant, cette silhouette disproportionnée pouvait être regardée comme un hommage au passé. Je ne sais pas si la réf a été repérée par quelqu’un d’autre, quelque part, mais si on regarde bien le 5008 MK2 de profil, son vitrage et son empattement long font considérablement penser aux proportions pas tout à fait conventionnelles d’un lointain ancêtre dans la dynastie des breaks Peugeot : la 304.

On l’a déjà évoqué de multiples fois : à la différence de Renault, qui ne peut évoquer son passé stylistique qu’en réinjectant un modèle tout entier dans une époque qui n’est originellement pas la sienne, Peugeot constitue peu à peu un vocabulaire global dans lequel la marque peut puiser pour dessiner ses nouvelles voitures, alimentant son lexique avec des formes toujours nouvelles, qui donneront lieu plus tard à leur propre réinterprétation. Disons ça autrement : la R5 nouvellement venue est en réalité sans avenir. Elle récupère le physique de sa devancière, mais elle ne génère aucune forme qui puisse être récupérée dans 20 ou 30 ans. Au contraire, le 3008 que nous avons juste découvert, et le 5008 tel qu’il nous est révélé aujourd’hui sont suffisamment singuliers dans leur vocabulaire stylistique pour qu’on puisse parier que dans plusieurs décennies, la marque pourra y puiser des formes et des signes qui seront réinvestis dans des déclinaisons nouvelles.

Beau Cul Belle Gueule

Intelligemment, le nouveau 5008 fait en sorte d’être nettement plus séduisant que celui qu’il remplace, parce que l’enjeu désormais, c’est de capter les anciens propriétaires de 3008 MK2 un peu intimidés par le MK3. La norme d’aujourd’hui, c’est l’audace d’hier : ce qui semblait très novateur dans le 3008 MK2 est aujourd’hui considéré comme parfaitement convenable. Mais dans le même temps, ce à quoi le 3008 et le 5008 ont ouvert la porte, c’est l’attente de quelque chose d’un peu transgressif dans un nouveau modèle. Le nouveau 3008 joue à fond cette partition, au risque de perdre un peu la part de la clientèle qui pourrait être un peu frileuse devant une telle proposition. Le 5008, lui, est une sorte de croisement entre l’ancien et le nouveau : clivant à l’avant, consensuel à l’arrière. S’il est nécessaire de se faire à l’intégralité de la physionomie du 3008, la majeure partie du 5008 est, elle, immédiatement appréciable.

Profitant de son allongement, il parvient à rééquilibrer son empattement et son porte-à-faux arrière, s’offrant une allure plus solide, une stature plus posée sur le sol. Cette fois-ci on n’a plus l’impression que les roues avant trainent l’essieu arrière comme un poids mort. A le regarder statiquement, massif, costaud, on se dit qu’il paraît presque taillé pour les grands espaces américains. On le verrait tout à fait se garer le long de Wisteria Lane. Sa présentation en blanc ajoute à ce côté puritain : il reste le véhicule identitaire des familles bien bien chic, et de bon genre. Mais cette fois-ci il ajoute à son allure un petit coup de frime. Disons ça comme ça : jusque là, rouler en 5008, c’était un peu comme enfiler un poncho Quetchua un jour de pluie, et dire au monde « J’m’en fous ! J’suis au sec ». Désormais, la petite famille aura davantage l’impression de sortir sapée en Helly Hansen, ou en North-Face. Finie cette honte déjà bue typiquement bourgeoise, indifférente au regard des autres pour la simple raison qu’on les méprise un peu. Désormais, on pourra déposer la progéniture devant le presbytère, au départ du weekend scout, et repartir sourire aux lèvres, en faisant exprès un détour devant une grande vitrine, roulant au pas pour mieux kiffer la fière allure qu’on a dans le reflet. Adieu la bétaillère, bonjour le paquebot de croisière.

Et si le vrai luxe c’était l’espace ?

Plus on regarde le 3008, puis le 5008, plus il semble que les commentateurs qui, très tôt, ont vu dans le petit modèle un dérivé du gros, renversant la hiérarchie des normes dans le haut de gamme Peugeot, avaient raison : Il faut voir le 3008 comme un dérivé coupé du 5008. Alors qu’avant, c’était le 5008 qui était un dérivé allongé du 3008. C’est peut-être pour cette raison que la planche de bord semble ici prendre tout son sens et sa véritable dimension, alors qu’elle paraît presque démesurément grande dans le 3008. A vrai dire, avec son air râblé, on serait tenté de disposer dans le petit modèle d’un cockpit moins spacieux, plus proche du corps. Pour un peu, en entrant dans le 3008, on éprouverait une sensation qui nous rappelle la petite déception, quand on se glissait dans le RCZ, de découvrir un tableau de bord de 308. De fait, aujourd’hui, si 3008 et 508 partagent encore en frères un visage commun, c’est une fraternité adulte qui les lie, un peu plus distante, un peu plus autonome, un peu moins gémellaire.

Mais c’est précisément en essayant d’inscrire le 5008 dans son arbre généalogique qu’on saisit à quel point tout a changé depuis que Peugeot s’est lancé dans la production de voitures familiales. Ca ne date vraiment pas d’hier et je ne vais pas appuyer sur la touche Rewind jusqu’à voir apparaître sur l’écran les breaks 403, 404 et 504, même si on pourrait aller jusqu’à ces lointaines racines. Mais il se trouve que devant chez moi se trouve un vénérable monospace bleu gendarmerie, un 806 dans son jus, acheté il y a quelques années comme véhicule de transition et finalement conservé comme bon à tout faire, factotum manifestement éduqué chez les scouts, répondant « toujours prêt ! » à la moindre solicitation au point que, manifestement, nous ne sommes pas prêts à nous en défaire, et qu’il ne semble pas avoir l’intention de nous lâcher immédiatement. Le 806, je l’avais découvert juste à sa sortie. Engagé dans une association qui avait parfois besoin de minibus pour emmener des équipes à droite à gauche en France, je conduisais régulièrement des Renault Trafic et des Ford Transit, entassant les huit passagers et leur sac à dos à l’arrière, pour tailler la route dans le bruit et les vibrations. Un jour, le loueur nous accueillit en nous disant que les deux fourgons promis n’étaient pas disponibles mais pas d’panique ! Deux 806 flambant neufs nous attendaient, le plein fait, la clé dans le Neyman. Pour compenser la neuvième place qui manquait dans chacun d’eux, on nous confiait une Clio. Nous n’avions plus qu’à charger les paquetages et à prendre la route. Evidemment, à huit dans une 806, tout ce qui n’est pas humain se retrouve sur les genoux, entre les cuisses, empilé en hauteur dans le maigre espace restant entre le dossier de la banquette de troisième rang et la porte du coffre. Je savais que mes sept passagers étaient installés de façon pas très confortable, mais sans le leur dire je m’en foutais un peu : j’avais entre les mains le volant d’une bagnole qui n’avait pas tout à fait l’allure purement monospaciale d’un Espace, mais qui ressemblait du coup à un petit van un peu soigné, avec ses jantes alliage à cinq branches et… hmmm… c’était tout. Et c’était peut-être ça son charme : se contenter d’être une boite avec des chouettes roues, jouer juste sur les proportions pour que l’œil discerne qu’on n’est pas dans l’univers utilitaire, que l’engin n’est pas fait pour le boulot, qu’il a soif d’autoroute, de vacances, de montée en station de ski. Ca fait évidemment marrer aujourd’hui, trente ans plus tard, mais je me souviens encore, à 23 ans, du plaisir pris à balancer la musique à tout l’équipage, à pouvoir se parler pendant qu’on traçait aux alentours des 140 km/h, à faire les piss-stops sur les aires d’autoroute, calant les 4,45 m du monospace sur un emplacement, faisant glisser les portes latérales le long de leur rail, basculant les sièges arrière pour libérer les prisonniers engourdis sur la banquette postérieure, profitant que tous les passagers soient sortis pour mettre à l’envers ces sièges avant et se dire que c’était cool, de ne plus avoir besoin de table de pique nique. En 2024, il faudra un emplacement un peu plus long pour garer le 5008 : presque 40 cm séparent l’ancêtre et l’héritier. 600 kg, aussi, si on compare le haut de gamme de l’époque au haut de gamme aujourd’hui. Et encore, ça devrait monter plus haut sur les versions dual motors. Comme si entre temps on avait intégré la masse des huit passagers à celle du véhicule.

Esprit pratique, es-tu là ?

Je regarde aujourd’hui mon 806, qui ne sert plus qu’à faire des petits parcours dans les environs : De temps en temps, je vais chercher la famille à la gare, et tout le monde grimpe, valises entassées à la place d’un des deux sièges tout à l’arrière. Régulièrement, j’entrepose les cinq fauteuils arrière dans le garage, je mets le VTT et le chien derrière moi et je pars en virée dans les environs, deux fois par an, je bâche la moquette et j’emmène tous les branchages de la taille printanière à la déchetterie. La portière avant droite n’a plus de garniture ces temps ci, parce qu’on l’a démontée le temps de réparer nous-mêmes le mécanisme de la vitre électrique, le vitrage tenant en place parce que nous l’avons carrément scotché sur la carrosserie le temps qu’on fixe ce problème. A chaque arrêt prolongé j’ouvre le capot pour déconnecter la batterie, parce que quelque chose quelque part absorbe la charge, sans qu’on sache exactement quoi. J’ai l’impression qu’il me regarde comme un vieux chien qui réclame un peu moins les promenades, manifestant une sérieuse envie de rester peinard sur son tapis. Quand j’approche, clé en mains, il semble me dire « vraiment ? ». Et pourtant il démarre. Et si je le lance sur une voie rapide, au passage de la cinquième il toussote un certain temps, comme un ouvrier crevé pousse juste un soupir au moment de faire quelques heures sup’, sans pour autant refuser de rendre encore une fois service au patron.

Et c’est exactement ça, la question que je me pose en observant le 5008 MK3 : comment il sera dans trente, quarante ans ? Est-ce qu’un heureux propriétaire le regardera, garé devant chez lui, avec cette espèce de tendresse qu’on peut avoir pour les vieux compagnons de route ? En m’arrêtant sur les détails, je me dis qu’après tout si le couvercle qui ouvre en basculant le rangement sous la console ne fonctionne plus dans quelques dizaines d’années, ça ne sera pas si grave que ça. Mais you know what ? Une des évolutions du nouveau 5008 indique que sa nature change, l’usage qui en sera fait aussi, et le genre de relation qu’on pourra établir avec lui enfin.

C’est un détail qui n’en est pas un : la troisième rangée de sièges ne se démonte pas. Ce n’est pas nouveau à vrai dire : sur la précédente génération ils restaient à l’intérieur aussi, qu’on en ait besoin ou pas. Mais, en configuration cinq places, ils disparaissaient sous un faux plancher qui permettait carrément de les oublier. Désormais, y compris repliés, ils sont bel et bien là, immédiatement accessibles, perpétuellement visibles. A vrai dire, leur vue ne pose pas problème. Mais ils sont désormais directement exposés aux multiples usages qu’on peut faire d’une telle soute. Ainsi, on hésitera davantage à enfourner un VTT à l’arrière au retour d’une virée un peu humide dans les sous-bois. De même, il devient plus difficile d’isoler le chien de tout ce qui, dans l’habitacle, peut être envahi par son système pileux : sellerie des sièges, moquette, interstices divers. Les interstices, sur le nouveau 5008, il y en tout autour du dossier rabattu. Autant dire que le moindre déplacement de M. Toutou chez le véto va réclamer, ensuite, de tout déployer pour aller chercher dans les recoins bien planqués les poils et poussières qui s’y seront glissés. Au lieu d’avoir un coffre aux surfaces régulières à nettoyer après une promenade en forêt, une journée à la plage, un weekend camping ou une virée printanière chez Truffaut, ce sont les Cleaners de C’est du Propre qu’il faudra apitoyer pour espérer pouvoir asseoir de nouveau quelqu’un dignement sur les sièges arrière.

Voiture de fonction, ou voiture fonctionnelle ?

Autre signe des temps, l’élément de langage, généreusement repris par toutes les présentations du nouveau 5008 : au deuxième rang, la place du milieu est plus étroite que les autres. Peugeot met ainsi fin à cette habitude prise sur le 5008, de disposer à ce rang de trois sièges indépendants de largeur identique. Désormais, ce sont deux places solidaires qu’on trouve d’un côté, l’une de taille normale soudée à celle du milieu, de largeur réduite, et un siège normal de l’autre. Pour le dire tel qu’on l’a toujours dit, c’est du deux-tiers / un-tiers. Raison officielle de cette nouvelle disposition : 80% des propriétaires de 5008 ne roulent qu’avec deux personnes à l’arrière. Soit, mais alors, pourquoi contraindre à rouler en permanence avec sept places assises ? En réalité, cette disposition acte l’embourgeoisement de ce modèle, et de la gamme « véhicules particuliers » de Peugeot : cette voiture est faite pour un usage civilisé, pas pour l’aventure. On s’y déplace propre, on n’y grimpe pas avoir pataugé dans la boue. Paradoxalement, le manque de versatilité de son agencement intérieur montre que c’est bien un remplaçant du 3008 : parce qu’il ne s’agit pas de fournir des prestations de déménageur, le mastodonte peut se permettre de sacrifier une partie de son esprit pratique et de son volume de chargement en installant à l’arrière des sièges qui ne peuvent pas s’enlever, et ce même si ça semble un peu bizarre d’imposer ces deux sièges supplémentaires à des clients venus d’un 3008 qui s’en passait bien. Ils seront tout à fait satisfaits d’accéder à un volume amplement suffisant pour eux, dont la plupart des propriétaires de 5008 MK2 se contenteront aussi. Pour les quelques uns à qui ça ne conviendra pas, Peugeot n’aura rien à proposer. Et pour cause : le Traveller, qui existait jadis en version Compact, avec ses trois rangées de sièges pour 4,60 m, était le successeur parfait des monospaces de jadis. Mais voila : ce chassis n’est plus proposé, sans doute parce qu’il n’est pas compatible avec l’électrification sur laquelle Stellantis semble se concentrer du côté des utilitaires. Pendant ce temps, Hyundai déploie son Staria, qui est tout de même, aujourd’hui, ce qui se rapproche beaucoup de l’idée qu’on pourrait se faire d’un grand monospace contemporain.

Je résume ça en deux images, simples : dans ce 5008, je suis certain que je ne mets pas mon VTT en hauteur une fois les sièges rabattus. Et si le couche, je ne mets plus la caisse du chien. Et je ne peux pas non plus mettre les sièges avant dos à la route pour faire de cet habitacle un salon. Mais avouons-le : en 13 ans de vie commune avec mon 806, je ne l’ai jamais fait non plus.

Next Big Thing

Le 5008 est donc une voiture d’intérieur. Beaucoup se sont un peu moqués du teasing mettant en scène une baleine. A vrai dire, si l’image peut sembler au premier abord peu flatteuse, elle porte en elle un référentiel parlant : la baleine, c’est l’être vivant capable d’engloutir des gens tout entiers. Qui n’a pas rêvé, enfant, d’un petit plan à la Jonas, embarqué dans l’estomac grand comme un loft d’un cétacé transformé en sous-marin ? On peut parier sur une communication à l’opposé de ce que peuvent proposer Citroën, Dacia ou Volvo2 : aucune référence à ce qu’on peut vivre à l’extérieur du 5008, aucune vue sur les espaces auxquels on peut accéder grâce à lui. On misera tout sur la vie en son sein, et sur le regard qu’on lui porte quand on n’est pas dedans.

Le 5008 est dès lors conçu comme une demeure, son intérieur semble un peu indifférent au fait qu’il s’agisse d’une voiture, et qu’elle soit censée nous déplacer. Ce point devient peu à peu secondaire. On entre en lui, on y séjourne, et à la façon des personnages du film de Luis Bunuel, L’Ange exterminateur, on pourrait imaginer qu’on n’en sorte plus jamais. Là encore, les photographies officielles sont parlantes : peu importent les surfaces vitrées, chacun a au moins un écran à regarder. Le plus jeune, lui, joue sur la moquette du coffre avec des modèles réduits. Un jour, ceux-ci seront plus mobiles que l’original, à l’échelle 1.

Le Charme pas si discret de la bourgeoisie

L’embourgeoisement du 5008, on le saisit plus précisément à un élément significatif de son design : la crosse métallique qui ceinture son vitrage3. Au niveau du montant C, cette finition évoque Mercedes parce que le pied de cette arche, plus étroit que son sommet, associe une vitre de custode inclinée et une face arrière très verticale, comme on le faisait à Stuttgart sur la classe GL, comme on le fait encore sur le GLC, comme ose le faire en réalité depuis longtemps cette marque, sur de très nombreux modèles. Mais ici, cette manière de surligner cette organisation des formes par le chrome évoque d’autres constructeurs qui utilisent comme signature latérale ce jonc métallique surlignant le vitrage. On pense à Audi en particulier, et plus particulièrement encore au concept Prologue sur lequel cet élément était particulièrement large sur le montant postérieur, venant couvrir et, du coup, affiner partiellement celui-ci. Et comme sur le 5008, sa surface était biseautée afin de le rendre moins massif, sans pour autant diminuer son impact visuel. Ici, les trois barres indiquant l’électrification du modèle sont beaucoup mieux intégrées qu’elles ne le sont sur la custode de la 208 restylée.

A vrai dire, cette ceinture de chrome est reprise du précédent 5008, mais elle devient cette fois ci un véritable élément de style, une signature visuelle qui apporte du caractère au profil là où sur le précédent elle apparaissait comme un simple élément de finition. Elle embarque à ce point le regard qu’on ne remarque presque pas qu’en partie basse le vitrage reprend le décroché typique du 3008 MK3, sans le souligner pourtant, mettant en valeur la ligne supérieure qui joue le contraste avec le toit noir surélevé par ses barres de chargement, détail qui distinguait les 3008 haut de gamme sur la génération précédente, et qui a disparu sur le nouveau modèle.

S’il fallait un signe de la distance prise entre les deux frères Peugeot, ce serait celui-ci : le 3008 perd cet accastillage typique des SUV, pour mieux s’insérer directement sur la file de gauche, là où filent les véhicules conçus pour affronter les éléments à la façon dont les destroyers se heurtent aux déferlantes. Le 5008, lui, indique d’autant plus qu’on peut fixer une galerie sur son toit que, contrairement aux apparences, son volume intérieur est un peu comme un club privé : le physio à l’entrée refoule tout ce qui n’est pas un être humain. Sur les photographies fournies par Peugeot, on ne voit jamais plus de quatre personnes à son bord. Elles sont assises, certaines sur leur siège, d’autres sur le seuil de coffre. Aucun bagage, nul carton de déménagement. Les environnements sont neutres, un peu stériles : ni terre, ni végétation. Le ciel, délavé, et au sol du béton ciré. Rien n’est laissé au hasard : si on veut de la verdure, c’est dans l’éclairage d’ambiance intérieur qu’on la trouvera.

Être de taille

Finalement, la taille importe bel et bien : Plus c’est gros, moins ça passe ? Ca dépend où. Un engin de cette taille et de ce poids commence à se situer à la limite de la mobilité. Il lui faudrait un élément spécifique, un monde qui ne soit que le sien. Les baleines sont les lointains descendants génétiques d’animaux terrestres devenus trop massifs pour demeurer sur le sol sans être écrasés par leur propre poids, leurs organes internes explosant sous la pression de cette masse. Ce n’est pas un hasard si déjà deux énormes mastodontes, l’un chinois, l’autre américain, prétendent pouvoir voguer sur les flots : ils commencent à migrer vers le monde aquatique. Ce n’est pas un hasard non plus si les passagers officiels du 5008, ceux que Peugeot nous montre sur les visuels commerciaux, ne mettent pas le nez dehors. S’ils s’aventurent à l’extérieur, ils ne regardent que leur voiture, pas le paysage. C’est que leur bagnole ne va pas sauver le monde, elle a plutôt pour mission de les en protéger. A terme, le mouvement deviendra l’apanage de dispositifs mécaniques plus légers, plus petits et du coup plus agiles sur leurs appuis. C’est après tout ce qui est arrivé aux dinosaures quand ils ont été supplantés par les oiseaux et les petits reptiles.

A terme, le paysage automobile sera peuplé d’un côté de pachydermes à l’arrêt à l’intérieur desquels des passagers ébahis fixeront, hypnotisés, les écrans dont ils disposent ; de l’autre, des flottilles de subvoitures, des escadrilles de quadricycles légers et des armadas de Kei Cars slalomeront entre ces blockhaus échoués sur le bitume, allant et venant dans un monde figé, derniers vestiges de véritable mouvement dans un monde stoppé net dans son élan.

Le présent est au Grand 8. L’avenir est aux miniatures.


  1. Pas d’inquiétude : il n’y a toujours pas de placement produit sur ce blog, pas de publicité, ni visible, ni planquée ! ↩︎
  2. Je vais vous en montrer, prochainement, un très bel exemple. ↩︎
  3. A vrai dire, il semble qu’elle ne soit pas systématiquement chromée. Les visuels disponibles montrent parfois du chrome, parfois une finition plus mate, et on peut même se demander s’il n’existe pas une finition black. ↩︎

6 Comments

  1. Le 806, au masculin pour monospace, de par sa forme cubique d’armoire simple, avec une seule subtilité au niveau de la petite vitre avant, a naturellement vraiment vieilli et se comprend aisément comme un outil de chargement très pratique 25 ou 30 ans après, d’autant que sa version utilitaire s’est beaucoup vu aussi. Mais son remplaçant le 807, magie du design , est encore parfaitement dans le coup pour qu’une famille bourgeoise n’ait pas du tout honte de déplacer sa marmaille dedans. De 806 vite daté, à 807 presque intemporel, la perception très longtemps après leur sortie est à l’opposé. Et les nouveaux 5008 actuel et donc le dernier en date n’entreront jamais non plus dans la catégorie des boites à chaussures pour loisirs difficiles ou jardinage…il faudrait qu’ils soient très très décatis par les années et une utilisation peu soigneuse pour parvenir à ces mauvaises manières!
    D’ailleurs en revoyant le tableau de bord du 807, c’est marrant car on voit déjà une préfiguration de l’immense lame du dernier 3/5008 ! Et même si elle était en grande partie vide sur le 807, cette lame était encore plus grande, avec cette sensation de flotter au dessus du tableau de bord, et déjà un semblant de tablette au centre sur certaines versions.

    Marrante aussi cette idée de comparer la vitre du break 204/304 au 5008 ! Personne n’y aurait pensé sauf toi. Et c’est pas faute de l’avoir vue, l’institutrice de CE1 CE2 passait devant nous chaque matin pour se garer dans l’école primaire avec un modèle neuf en 1970 je pense! Chacun ses anecdotes et petite madeleines!

    Pour ce qui est du remplacement par les propriétaires de 3008 par un 5008, plus proche finalement de leur perception, de leur statut ou de leur usage, il faudra tout de même sauter le gap de 25 à 30 cm de longueur en plus, et d’un prix qui devrait être assez nettement plus conséquent. Sans parler de la version électrique. Tu avais acheté un 3008 à 35000 euros j’imagine, prendrais tu un nouveau 5008 à probablement autour de 48/50000 en thermique? La magie des LOA ne peut pas non plus tout escamoter, comme désormais pas plus les strapontins arrières donc!

  2. Alors j’ai vu aujourd’hui successivement le 807 puis le 806, et il y a un vrai monde entre les 2…..la montée en gamme est phénoménale, à l’extérieur en tout cas; mais j’aimais bien son tableau de bord poétique, comme une demi lune se reflétant en décalé dans un étang sous l’effet d’une brise !
    Il y a bien le premier 5008 qui me semble avoir atrocement vieilli aussi, avec son allure de camionnette vaguement civilisée…selon son état il peut encore passer pour présentable, mais alors très furtivement au coin de la rue et pas devant le presbytère! Les enfants ont raison de ne pas souhaiter qu’on les voit associés!

    C’était aussi un 806 couleur gendarmerie qui a tourné vers le parking, tu vas rire, il pénétrait dans l’enceinte de la mairie d’Agde…tu vois où je veux en venir? Pourtant il ne venait pas y chercher le maire corrompu pour le mettre en cabane avec sa voyante adorée, puisqu’ils y sont déjà ! Un C5 aircross, esseulé, seul véhicule garé derrière la mairie, attendra comme un bon chien son futur maître….

    • C’est marrant, l’évocation des deux monospaces Peugeot te fait venir pas mal d’images et métaphores poétiques très bienvenues pour décrire ces véhicules familiaux. Et ce qui est drôle, aussi, c’est que je réalise en te lisant que les raisons pour lesquelles je préfère le 806 à son successeur, sont justement celles qui font que tu parais préférer le 807. J’apprécie le travail fait sur les compteurs de la première version, quasiment en suspension sous l’arche à travers laquelle on peut voir la lumière venant du parebrise. Mais je trouve ça presque un peu trop recherché. Et c’est un peu pareil pour l’extérieur : ce qui me plait dans le 806, c’est qu’on soit précisément à la limite du simple fourgon, sans aucun chichi. A vrai dire, il me fait l’effet des Volkswagen Transporter quand ils sont juste un peu embourgeoisés par l’usage familial : des boucliers peints, deux paires de jantes, une baguette de finition latérale, des vitres teintées, et c’est à peu près tout. Ce qui me plait aussi dans le 806, c’est qu’on connaît la déclinaison utilitaire, et que celle-ci sert, du coup, de diapason au regard porté sur le modèle familial.

      C’est un peu comme les Skoda : il y a une sorte de validation de la qualité de l’engin parce qu’on sait qu’on peut en faire un usage professionnel. C’est comme un outil qu’on aurait rendu confortable et esthétique sans changer sa forme globale. D’instinct, c’est ça que je préfère. Mais c’est vraiment une question de goût ! Le 807 me semble un peu plus précieux, et je le désire moins du coup, tout en reconnaissant qu’il fait l’objet d’un soin supérieur, et de davantage de dessin.

      Le premier 5008, sans doute pour des raisons un peu semblables, je le trouve encore désirable. Et puis il y a son intérieur vraiment chouette, pas du tout dans l’esprit de ce qu’était censé être un habitacle de monospace.

      Pour la 304, en fait, c’est en tombant sur la photo de ce magnifique exemplaire vert émeraude que ça m’a sauté aux yeux. Je me souviens très très bien, dans la deuxième moitié des années 70, de voisins qui avaient ce modèle. Gamin, je trouvais vraiment étonnant ces feux arrière triangulaires, et le fait qu’ils roulet en break, alors que mon père avait une Chrysler 180 que j’adorais, mais dont je voyais bien qu’elle ne répondait pas tout à fait aux exigences de nos départs familiaux en vacances. Un jour, comme ils avaient des enfants de notre âge, ils ont proposé de m’emmener avec eux voir Bernard et Bianca. Ca a été ma première virée au cinéma, et mon premier déplacement dans une voiture que, à l’époque, je trouvais « moderne ». je crois qu’il m’est resté quelque chose d’indélébile de cet après-midi.

  3. https://www.carjager.com/blog/article/simca-chrysler-160-180-et-2-litres-espece-en-voie-de-disparition.html
    je l’avais oubliée. Sur cette photo en noir elle claque terriblement! Pourquoi ce choix « exotique » plutôt qu’une 504? Etonnant. En break, vous auriez fait la nique aux voisins et leur petit modèle!

    Alors je n’aime pas spécialement le 807 et son intérieur encore moins, mais il me semble qu’il coche même encore à l’heure actuelle les codes d’un déplaçoir d’une famille bourgeoise nombreuse. Je me souviens vaguement que l’Auto Journal avait préfiguré un véhicule bien plus séduisant, mais je trouve que pour sa fonction essentielle, il n’est pas démodé. En effet, sans déclinaison utilitaire, ça peut aider, mais le premier 5008 non plus et pourtant il a un style étroit, étriqué, quand le 807 « respire » l’aisance, et finalement , puisqu’il n’est pas du tout spectaculaire de type premium, il est même tout autant aristocratique discret que bourgeois installé sans ostentation.

    Pour l’anecdote véhicule neuf et colonie de vacances, le marchand de journaux du village m’avait amené à la gare de Toulon avec un break R18 neuf beige horrible (alors que la berline était super!), mais ayant des problèmes de lentilles que je ne supportais déjà plus, je fis demi tour aussitôt pour ne pas être moniteur à lunettes (la honte) ! Rappelé par le directeur, j’y suis allé avec double paire de lunettes sur le nez, une de vue, et une de soleil par dessus! Non mais allo !! Le niveau de n’importe quoi était déjà bien installé!

    • Parfois, les raisons sont simplement pragmatiques : un de mes oncles étaient concessionnaire Simca, puis Simca-Chrysler, puis Talbot-Chrysler, etc… Et c’est ainsi qu’enfant ma famille roulait en 1100 Ti, et qu’enfant encore, on roula en 180. Je garde un excellent souvenir de cette voiture qui était pourtant rudimentaire dans sa définition technique, mais elle inspirait confiance. Et tu vois assez juste puisqu’après des années de bons et loyaux services, elle fut remplacée par la 504 qu’un autre de mes oncles vendait 🙂

      Bon, pour le break 18, c’est vrai qu’il n’était pas tout à fait un premier prix de beauté.

  4. 5008 ou Espace?
    Je suis retourné voir le 3008; des gens sont arrivés en actuel restylé bleu, qui pète déjà pas mal et se sont garés devant, les sans gêne ! Le vendeur est ressorti avec eux en disant: « ya des cons qui se sont garés juste devant….. je déconne je sais que c’est vous!  » Bref il y avait donc moyen de les comparer, et évidemment il n’y a pas photo. Mais on voit tout de m^me très clairement la relative continuité sur la face avant, le développé latéral, avec cette crosse chromée, et un peu la face arrière, l’ensemble très nettement modernisé, dynamisé, avec des jantes énormes qui lui donnent l’aspect d’un gros jouet. Tout beau tout neuf qu’il soit on voit un 3008, à la rigueur un 3008 coupé mais très haut.
    Alors s’il fallait choisir avec le sage Austral, ça pencherait quand même assez nettement vers ce 3008 autrement plus sexy.
    Mais pour le 5008 par rapport à l’Espace, je dirais que ça s’inverse. On va dire attendons de le voir lui aussi en vrai….mais l’Espace a une ligne souple et subtilement sophistiquée, à première vue qui ne paie pas de mine, mais qui me paraît assez nettement plus réussie ou discrètement classe que ce que propose le 5008, clairement bien dessiné, mais qui m’apparaît bien sec; un peu comme un suv Skoda, on peut les trouver corrects ou bien, mais froids et insipides finalement. Pour le moment c’est cet effet là qu’il me fait…allongé et pas assez modifié sur sa partie arrière, un peu finalement comme l’actuel 5008, il perd une bonne part de son attrait; alors que l’Espace, au delà de son appellation et différente et usurpée, a beaucoup plus d’allure qu’un Austral pourtant déjà très satisfaisant.
    Peugeot/Renault 1 partout!

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