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Crisis ? What crisis ?

Il y a les crises qu’on subit, et celles qu’on provoque. Le style BMW a déjà connu des crises involontaires. Celle, par exemple, qui toucha la marque en 1990 lorsque Claus Luthe, patron du style BM depuis 1976, condamné pour homicide involontaire, dut quitter ses fonctions, laissant la marque sans direction esthétique pendant deux ans, le temps de dénicher un certain Chris Bangle, qui allait provoquer une nouvelle crise, volontaire cette fois-ci, et purement esthétique celle-ci.

La crise que Bangle provoqua fut rude, parce qu’elle remit en question les fondamentaux longtemps constitués et cultivés par Paul Bracq et Claus Luthe, qui avaient fait de BMW la marque hyper classique et néanmoins « moderne » qu’on connaît, une sorte de Barbra Streisand automobile, appliquant un traitement contemporain et populaire aux grands thèmes classiques que sont la berline, le coupé, le cabriolet. On vit tout d’abord ce que Bangle détruisait, et on réalisa plus tard qu’en réalité, il ne faisait que dégager la place nécessaire pour construire à nouveau. On pensa avec l’E65, cette série 7 dont on pensa en la découvrant qu’elle était difforme, on crut qu’il passerait la marque toute entière au feu de son flame surfacing, on comprit, mais bien plus tard, que s’il retournait ainsi les terres et y jetait des cendres, c’était pour fertiliser les champs, afin qu’il y pousse de nouvelles essences. Il fallut, pour le comprendre, que sorte la série 5 signée Bangle, la fameuse E60, pour que tout le monde commence à comprendre ce qui était en train d’éclore sous nos yeux, dont la série 7 avait été, pour ainsi dire, l’embryon.

Depuis, ce sont les thèmes formels déposés par Chris Bangle dans l’héritage de la marque qui ne cessent d’être travaillés, repris, reniés, puis saisis à nouveau, et il est probable que le terrain sur lequel BMW fait pousser son design a de nouveau besoin d’être retourné, labouré, pour faire émerger des ressources nouvelles auxquelles les formes des futurs modèles pourront venir se nourrir. Il faut dire que les formes créées par Bangle ont été déclinées sur un tel nombre de modèles nouveaux, de silhouettes inédites, de créneaux de marché que la marque à l’hélice n’avait jamais investis qu’à force, on comprend que ce vocabulaire soit un peu épuisé.

La période que connaît la marque actuellement est ce genre de phase de quête de soi qui laisse tout le monde un peu sceptique, comme si designers et fans avançaient dans le brouillard, mains tendues en avant, à la recherche de quelque chose à quoi se raccrocher, une proposition, un repère. Et la crise semble importante, car elle s’étend aujourd’hui à un domaine dans lequel BMW avait réussi quelque chose de fort : sa gamme électrique.

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En effet, s’il y a une marque qui a réussi à négocier correctement son virage électrique, c’est bien BMW. Et ils l’ont négocié comme il se doit : au frein à main. Ne prenant aucune précaution avec le public, ils se sont dit que si les voitures devenaient électriques, alors il y avait deux trois choses dont on pouvait se débarrasser. Oh, trois fois rien, ça peut se résumer ainsi : la structure toute entière de la voiture. Rien que ça. Et par la même occasion, l’allure habituelle qu’est censée respecter une BMW. C’est ainsi que sont apparues les deux voitures électriques de la marque à ce jour : les i3 et i8, chacune déclinant l’électrification à sa façon, la petite se présentant vraiment comme une voiture électrique éventuellement assortie d’un groupe électrogène, l’autre entrant plutôt dans la catégorie des hybrides, avec son petit moteur thermique moulinant bravement, très bravement même, pour participer non seulement à la recharge des batteries, mais aussi à la propulsion de ce coupé qu’on pourrait prendre, au premier abord, pour un véhicule importé d’une autre planète, sur laquelle se serait aussi développée une vie intelligente, avec sa propre culture, et ses propres goûts esthétiques, un peu décalés par rapport aux nôtres. L’une comme l’autre laisseront une trace, que ce soit au sein de leur marque, ou de façon beaucoup plus générale, dans l’histoire du design automobile. Leur allure ne visait pas que la transgression, elle avait du sens, dans la mesure où leur forme avait pour racines leurs spécificités techniques. Elles furent ce terreau nouveau venu fertiliser une nouvelle fois le sol sur lequel se cultive le design automobile munichois.

Elles ont surtout installé cette idée : il y aurait, au sein de BMW, trois grandes familles de véhicules : la gamme classique, à laquelle on peut ajouter les déclinaisons « M ». Et puis une autre gamme, davantage séparée des deux premières, qui sont un peu consanguines : la gamme « i », la lignée de la famille branchée sur le 220 volts. Depuis, on attend un peu le développement de cette nouvelle branche de l’arbre généalogique, en se demandant quelles formes elle va prendre : berlines ? SUV ? Limousines ? Ce qu’on sait, c’est qu’une berline est en préparation avancée. Son allure, on ne la connait pas exactement, et on est évidemment curieux, parce qu’une berline, c’est une forme très classique, et on se demande un peu comment BMW va réussir à plier cette forme au design un peu excentrique de sa gamme électrique. En fait, on se demande tout simplement si c’est vraiment pertinent de proposer une berline de ce genre, si ça a du sens, au moment où cette silhouette attire de moins en moins à elle le public, et au moment où, architecturalement, cette forme qui est techniquement liée au principe du moteur à explosion (on met le moteur à un bout de la voiture, dans son compartiment, et les bagages à l’autre bout, dans un autre compartiment), n’a plus grand sens quand la voiture n’a plus de moteur à explosion massif qu’il faut bien caser quelque part. On voit bien sur l’e-208 que, quand on crée une voiture qui existe en version électrique et en déclinaison thermique, on utiliser le compartiment moteur pour y caser tous les éléments techniques nécessaires pour que la voiture fonctionne, à l’exclusion des batteties (en somme, ne rêvez pas, il n’y a pas de coffre supplémentaire à l’avant de la 208 électrique, ce n’est pas une Tesla). Mais pourquoi conserver cette architecture sur une voiture qui est conçue pour fonctionner exclusivement à l’électricité ?

Mauvais pressentiments

Soyons honnêtes. En fait, au-delà des questions de cohérence entre la définition technique des voitures et leur design, on veut surtout voir cette prochaine berline parce que ça fait quelques prototypes que BMW propose, qui sont censés explorer ce que pourrait être cette gamme électrique, et jusque là, ils sont tous plus inquiétants les uns que les autres. Ce ne sont certes que des prototypes, mais l’expérience du X7 a montré que chez BM on est capable de mettre dans la rue un véhicule quasi identique au concept-car qui l’a annoncé, allant jusqu’à en reprendre les traits les plus caricaturaux; du coup, tout le monde est méfiant maintenant. On regarde les concepts électriques proposés ces dernières années par la marque, et on tremble un peu, en se disant qu’ils pourraient mettre ce genre de menace à exécution !

Entre temps, il faut avouer qu’on a aussi un léger problème avec la gamme de voitures actuellement exposées en concession. Tout n’est pas raté, loin de là, mais le X7 semble décidément avoir été conçu trop près d’une source radioactive, et la série 7 ressemble désormais à un mauvais photoshop d’elle-même. Le Z4 n’est plus reconnu universellement comme une réussite, il lui manque une espèce de sincérité qui faisait le charme du tout premier Z3, la série 8, en simple coupé, laisse une étrange impression de « y a quelque chose qui n’va pas », la série 3 a « quelque chose », mais on souffre un peu de ce que les designers ont fait du fameux Hofmeister knick, modèle de pureté à l’origine, tout salopé par son découpage en plusieurs parties sur la série 3. Quant à la série 1… … Comment dire ? Pour l’apprécier, il faudrait n’avoir aucune mémoire de ce que furent les série 1 avant elle. Il faudrait oublier tout ce qu’est censé être une BMW, et là, à la rigueur, on pourrait regarder cette nouvelle série 1 sans fondre en larmes. Pour l’apprécier, on attendra donc d’être frappé, et durement, par une sévère crise d’Alzheimer.

En fait, les dernières BMW sont un peu comme les derniers albums de Madonna ou Mylène Farmer : on les écoute en se disant que, d’accord, il est sans doute nécessaire de coller à l’air du temps si on veut encore vendre des disques, mais est-ce que ça explique le fait qu’il n’y ait plus personne pour écrire un bon vieux morceau, du genre qui constituerait une playlist à lui tout seul ?

Bref, les fans sont inquiets. En théorie, ce n’est pas forcément un problème, parce qu’en automobile, les fans ne sont pas forcément les clients. Mais dans le monde particulier des marques premium, ceux qui deviennent clients sont un peu motivés, aussi, par la conscience qu’ils ont que la voiture qu’ils achètent est désirée par les autres. Parce que, ne nous mentons pas : une voiture premium, ce n’est pas tant une voiture dont on a envie qu’une voiture qui doit faire envie aux autres. Alors, la marque n’a pas intérêt, à long terme, à ne plaire, strictement, qu’à ses acheteurs. Ça, c’est un choix que peut faire Citroën, mais pas une marque premium. Alors, même si c’est une marque solide, établie, sûre d’elle, il est possible qu’on soit en train d’assister à un petit moment de fébrilité de la part de BMW. Et comme souvent, on devine cette hésitation dans la façon dont le design choisit subitement de regarder dans le rétroviseur, et de chercher du regard, dans son propre passé, des repères.

Reprendre racine

Et ça tombe bien, parce que des repères, BMW est le genre de marque à ne pas en manquer. Elle peut ouvrir son grand album de famille, quasiment au hasard, et y puiser l’inspiration. Et dans une période d’incertitude, c’est après tout une façon assez efficace de retrouver ses bases, ses fondations, et d’y construire de nouveau. Mais le problème, c’est que construire de nouveau, ce n’est pas forcément construire quelque chose de nouveau. Et quand on a découvert le concept Vision M Next, c’est un peu l’impression qu’on a eue.

En croisant la gamme M et la gamme i, le concept Vision M Next a détruit les portes coupe-feu qui empêchaient jusque là le doute d’envahir la totalité de la famille BMW. Comment définir ce coupé ? Comme une synthèse entre le passé et l’avenir, l’alliage de la partie censée être raisonnable de BMW, et son démon intérieur. Le retour de celle qui ne connût pas de descendante dans l’histoire de la marque, la mythique M1, l’unique modèle M à n’être pas la déclinaison punchy d’un modèle de grande diffusion. La seule, paradoxalement, à être à ce point exceptionnelle dans la gamme, qu’elle fut à deux doigts de quitter celle-ci pour intégrer Alpina en tant que modèle à part entière. Depuis, plus jamais la division M n’eut droit à développer ses propres modèles.

Une fois, donc, BMW se tint sur le territoire superlatif des Ferrari, des Lamborghini, ou à l’époque des De Tomaso. Ensuite, il y eut des voitures d’exception conçues à Munich, mais curieusement, elles semblèrent toujours appartenir à la gamme, faire partie du quotidien. Est-ce parce que, chez BMW, toute voiture est inscrite dans une « série », quand bien même elle porte le numéro 8 ? La marque est habituée à jouer les premières de la classe, excellant dans les domaines qu’elle aborde. Mais la supériorité automobile est comme le génie, elle est un peu injuste, on en attend qu’elle soit carrément hors-classe, hors-série. Et la M1 est, dans l’histoire moderne de BMW, le seul modèle qui sembla propulser, pour de bon, la marque dans un ailleurs.

Mi8

Il n’y a donc rien d’innocent à voir ce mythe renaître sous la forme d’un concept dont on se dit qu’il pourrait bien préfigurer le successeur de l’i8. Mais l’histoire est étrange, parfois : parce que le concept est un peu rétro-futuriste, réactivant une ancienne conception de la voiture du futur, elle semble dès lors avoir physiquement un temps de retard sur la production, puisqu’un simple coup d’oeil suffit à s’apercevoir que l’i8 est le résultat d’un dessin beaucoup plus innovant que la Vision M Next. L’i8 est unique en son genre, à tel point qu’à elle seule, elle réussit à imposer des formes nouvelles comme spécifiques à l’identité BM. Tout le travail sur le dessin autour du vide, à l’arrière de la voiture, est non seulement magnifiquement complexe, mais surtout très novateur, et typique de la marque. Dès lors, on s’inquiète un peu de ne pas voir ce vocabulaire repris et développé dans le nouveau concept, comme si la marque faisait un pas en arrière, de peur d’aller trop loin.

Bilan, si ce concept était présenté en 1990, tout le monde applaudirait. Ce n’est pas tant qu’il fasse penser à une supercar italienne qui pose problème; c’était déjà le cas de la M1 originelle, qui développait quelques thèmes transalpins, comme la ligne très en pointe, la lunette arrière à lamelles, ou un arrière qui fait un peu penser à celui de la De Tomaso Pantera. Et c’était très bien, dans les années 70, que BMW ose donner une allure très latine à une sportive allemande. Mais que la marque le fasse aujourd’hui est un peu plus étrange, car en Italie, depuis, on est un peu passé à autre chose. Dès lors, ce concept semble avoir un train de retard sur les Lamborghini qui, elles ne sont pas de l’ordre du concept, mais du modèle disponible. Et si on compare le projet au design actuel qui est développé chez Ferrari, on entre directement dans un jeu un peu sadique consistant à ridiculiser l’élève qu’on questionne précisément parce qu’il n’a pas compris la leçon.

« Don’t look back »

Ce n’est pas que cette Vision M Next soit laide. Pas du tout. Ses lignes ont un bel équilibre, elle est posée sur ses roues, elle a une présence. De ce côté tout va bien. Ou presque. Il faudrait la voir « en vrai », mais on craint que ses naseaux un poil tendus vers l’avant ne lui donnent un petit air de fourmilier, ou de tapir. On a vraiment un problème, semble-t-il, chez BM, avec cette calandre dont on a l’air de ne plus savoir quoi faire. Evidemment, on est un peu sensible aux clins d’oeil à la M1 historique, la forme singulière que forme l’angle entre les ailes et la face arrière, la ligne ouverte qui vient appuyer, au dessus de l’aile arrière, le capot moteur, les lamelles sur la lunette. Ce sont autant de madeleines de Proust pour nos yeux. Mais bon, on ne fait pas une pièce montée avec des madeleines non plus, et ce n’est pas en parsemant une forme sans inspiration d’une poignée de détails en ce genre qu’on peut, non plus, proposer une véritable vision de l’avenir.

Problème supplémentaire : les effets graphiques de contrastes colorés produisent sur les flancs des obliques qui font, désormais, intensément penser à Peugeot et au principe de la « coupe franche ». Du coup, en regardant le concept BMW, on devine, comme en transparence, le concept Onyx, de Peugeot, qui ne devait pas s’attendre à une telle descendance. On éprouve alors une impression encore plus étrange, en découvrant qu’à l’intérieur, BMW rend quasiment hommage à la disposition actuelle du tableau de bord Peugeot, tel qu’on la trouvait déjà théorisée… dans le concept Onyx. Certes, BMW pousse plus loin la recherche sur les matériaux, en proposant un joli travail autour de textures translucides, mais la forme générale, et l’idée consistant à lire les compteurs par dessus la jante du volant, elle est clairement identifiée à Peugeot. Il est probable que du côté de Gilles Vidal et de ses équipes, on soit tellement confiant dans le bien fondé de la disposition spécifique à l’i-cockpit qu’on attende patiemment que les autres marques plagient ce modèle. J’attends ce moment aussi, à vrai dire. On peut considérer qu’ici, BMW fait le premier pas dans cette direction, qui tombe sous le sens quand on l’a testée. Un jour, la simple idée qu’on puisse aller chercher des informations à l’intérieur de la jante du volant semblera aussi délicieusement rétro que le positionnement du rétroviseur en bas du pare-brise, vissé dans le tableau de bord.

Du coup, on ne sait plus trop ce que nous annonce ce concept. Et ce n’est pas le film de présentation qui va nous aider à y voir plus clair. Parce que lui aussi semble proposer une relecture à l’ancienne des thèmes censés être la vision qu’on a de la voiture du futur; ou plutôt de la vision qu’on en aurait si on était un designer des années 70-80… Les couleurs utilisées, rouge bleu électriques, dans un univers où les noirs ne le sont jamais tout à fait, donnent l’impression de regarder le spot sur un téléviseur cathodique, saturation poussée à fond. Comme jadis, on pense aussi que le futur sera hyper individualiste : la voiture est seule au monde. Elle roule sur des routes préalablement privatisées. Ou alors elle est la dernière voiture au monde à pouvoir rouler, sur des routes dès lors inexplicablement entretenues… Une nouvelle fois, BMW met en scène ses voitures dans un milieu qui n’existe pas, comme si la marque entérinait totalement l’idée que, pour rouler encore en bagnole, il faut désormais une autre planète, et s’y exiler. Au-delà d’un certain seuil, le discours publicitaire dit manifestement n’importe quoi, et ce seuil est, dans ce spot, atteint plusieurs fois, par exemple quand il nous dit de ne pas regarder en arrière, alors que la voiture dont il fait la promotion, elle, nous impose de garder les yeux dans le rétroviseur de la marque, et ne propose aucune perspective d’avenir.

The Driver

Le spot a un côté fausse modernité, avenir factice. Un peu à la manière dont on a compris que la flèche de Notre-Dame, conçue au 19ème siècle par Violet-Leduc, avait été dessinée dans un style « faux moyen-âge », c’est à dire tel qu’on imaginait le style du moyen-âge depuis le 19ème siècle, la Vision M Next et le spot qui la met en scène sont un exercice de design fiction, consistant à représenter le futur tel qu’on l’imaginait avant. On met un moment à saisir ce qui se passe quand on le regarde, et soudain, on se demande si on n’est pas en train de regarder un écho de la publicité tournée par Jean-Paul Goude pour la Citroën Cx, mettant en scène Grace Jones. Les attitudes, les ambiances du spot BMW y font beaucoup penser, dans la façon de fantasmer les plans, d’amener tout de suite le spectateur dans une fiction formelle, où les personnage se contentent de prendre des poses, d’adopter des attitudes. Ca fait évidemment de jolies images, mais c’est totalement déconnecté du rapport qu’on peut véritablement entretenir avec l’automobile : En théorie, le spot est une célébration du « driver ». On ne s’explique pas vraiment pourquoi, dès lors, on met en scène un mannequin à qui on a manifestement demandé de « faire comme si  » elle conduisait, mais en le faisant pour le regard des autres, comme si elle ne se comportait de cette façon que si quelqu’un la regardait faire. Là, on ne comprend plus rien : le conducteur, l’automobiliste, c’est celui qui est en rapport avec sa voiture, avant d’être en rapport avec les autres. C’est celui qui a pour voiture cette voiture précise qu’il aurait, aussi, s’il était le dernier être humain sur Terre et qu’il n’y avait plus personne pour le regarder, lui et sa bagnole. Et une BMW est censée être ce genre de voiture faite pour ceux qui veulent tisser un lien intime, quotidien et puissant avec une voiture. Et s’il y eut du génie chez Chris Bangle, ce fut celui-ci : lancer un défi à ceux qui aimaient BMW : aimez-vous la voiture ? Ou aimez-vous être regardé en sa compagnie ? On va faire une voiture qui ne va pas plaire aux autres, mais qui aura pourtant toutes les qualités d’une BMW, et on verra si, en amour, vous êtes fidèle. Le clip de présentation de la Vision M Next est le contraire de cette attitude de défi, il est, de part en part, hyper complaisant. Comme un film porno, une chanson de Céline Dion ou un nouvel épisode de Hunger Games, il fournit au public ce qu’il a envie de voir, pour que la marque soit encore désirée, et que l’acheteur soit davantage motivé par l’attirance générale du public que par les voitures elles-mêmes.

D’une certaine façon, BMW dit la vérité sur ce que sont, désormais, ces voitures, souvent allemandes, qui appartiennent à l’étrange catégorie qu’on appelle « premium », qui n’est pas une catégorie automobile, mais le nom que le marketing donne à un certain type de rapport aux objets, qui est fondé sur l’envie qu’on en a, c’est à dire sur le fait qu’on rende envieux les autres quand on les possède. Le risque, évidemment, dans ce genre de démarche, c’est qu’à force, on cesse de créer des voitures, et qu’on ne sorte plus que des produits et des plans comm’. On est conscient, certes, que c’est ainsi que va le monde, mais on espère, aussi, que ce monde ne dure qu’un temps.

Et après tout, BMW nous rassure, ce que la marque confirme ici, c’est que ce monde appartient désormais au passé. Mais inévitablement, la question qu’on se pose, alors, c’est : à quel temps la marque appartient-elle ?


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