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Je rêvais d’un autre monde

On est bien peu de chose.

On s’échine, pendant un siècle et demi, à convertir la planète entière à la production, à la vente, à la distribution, au financement, au crédit, à la production plus loin pour que ça soit moins cher, à la distribution à toute heure, n’importe quel jour, n’importe où sur la planète, au déplacement généralisé de tous et de tout, enfin, de tous ceux qui ont les moyens, et de tout ce qui est d’autant plus susceptible de se consommer ici que c’est en fait produit là-bas, on équipe tout le monde, mais vraiment tout le monde, de terminaux informatiques hyper performants, capables de rappeler à l’ordre ceux qui ne consomment pas assez, de leur rappeler qu’il y a de l’argent sur leur compte, et que ce serait dommage de ne pas le dépenser, qu’il y a un petit resto ouvert à deux pas, et une boutique à trois pâtés de maisons, et même s’il est 2h du mat’ c’est pas grave, on peut commander en ligne et être livré en même pas 24h, on colle aux poignets des bracelets bardés de capteurs qui vérifient que tout va bien et, par la même occasion diffusent à ceux que ça intéresse tout un tas de données qui deviendront à leur tour marchandise, objet d’échange, au point que le fait même qu’on consomme des marchandises est devenu en soi une marchandise. On se fait chier pour le dire comme on le pense. On y passe chacun plusieurs décennies de sa vie rien que pour la part « production » du mécanisme. Le reste, on le dépense dans la part « consommation ». Et quand on a fini, c’est qu’on est mort. Tout ça est très complexe. Tout ça est même parfaitement incompréhensible, au point qu’on doit bien admettre qu’on a construit quelque chose dont on n’a aucune représentation claire.

Et comme ce qu’on a construit s’appelle, en gros, « le monde », on finit par éprouver un mélange de vertige, de malaise, et même d’angoisse, simplement parce qu’on se rend compte qu’on a fait du monde quelque chose qui nous échappe totalement.

Norton ? We have a problem here

Alors, quand un virus, c’est à dire une des formes les plus discrètes que le monde biologique puisse générer, vient jouer son rôle de grain de sable dans l’industrie mondialisée, forcément, il met le doigt là où ça nous faisait mal depuis un bon moment. Soudain, tout ce qu’on planquait dans le placard, tout ce qu’on accumulait dans le vide sanitaire sous la maison remonte, et on se rend compte un peu brutalement que, pensant construire des routes pour notre usage personnel, on a en réalité ouvert très grand les voies de la dissémination d’un forme de vie dont nous sommes les hôtes.

Parmi les gros trucs qu’on a appris à produire, à distribuer, à vendre, y compris à ceux qui n’avaient pas les moyens de se l’acheter, et plus encore par ceux qui n’en avaient pas vraiment besoin, il y a la bagnole. A elle seule, et sans doute avec le smartphone, elle est l’exemple même de ce dont l’humanité est capable quand elle se met à faire les choses très sérieusement, c’est à dire sans aucune idées des conséquences que ça va avoir. On croit qu’on se contente de fabriquer des voitures, et qu’après les gens vont les acheter, et rouler avec. Mais non. Ça va sans dire, mais disons-le quand-même : pour qu’une automobile puisse prendre la route, il faut une route. Et à vrai dire ça n’a de sens que s’il y a des routes absolument partout, et sur le bord de celle-ci, de quoi ravitailler. Bref, il faut un monde entièrement conçu pour que s’y produisent, s’y distribuent, s’y vendent, s’y achètent et s’y déplacent des automobiles. A strictement parler d’ailleurs, cet objet porte mal son nom, tant il est incapable de se déplacer par lui-même, dépendant qu’il est de l’infrastructure mondiale qui lui permet de le faire.

C’est là le point commun entre la voiture et le smartphone : tous deux sont inséparables du monde qui va avec. Tout n’est que transmission. Et la transmission soudainement, c’est notre ennemi commun. Autant dire que notre monde souffre d’une maladie auto-immune.

Vacances prolongées

Mais bref. Ça fait un siècle et demi qu’on est convaincu qu’il faut qu’on bouge, et que pour ça il faut qu’on descende dans la rue, puisqu’on prenne la route. Et d’un coup c’est devenu, et pour une durée de plus en plus indéterminée, impossible. Et s’il y a bien un gros objet qui est devenu inutile dans ces conditions, c’est la voiture. Elle est là, dans la cour, dans la rue en bas de l’immeuble, le plein est fait, ça fait quinze jours qu’on ne la branche plus sur la wallbox quasiment neuve, la batterie affichant fièrement sa charge complète et on commence à comprendre qu’il est fort possible que cet été, on ne parte plus en vacances, soit parce que le déconfinement se fera certes, mais localement, soit parce qu’on aura claqué tous ses jours de congés en confinement, mais aussi parce que beaucoup vont manquer, tout simplement, d’argent. Alors oui, oui, il y aura bien un été 2021. Mais qui nous dit qu’on sera vraiment sorti de ce genre de situation, et qu’on aura davantage d’argent pour partir ? Qui nous dit, aussi, que les lieux dans lesquels on serait bien allé n’auront pas entre temps fait faillite, et seront encore disposés à nous recevoir ? Tôt ou tard, le concept même de vacances aurait été remis en question. Cette échéance est la seule qui soit à ce point au bord d’être anticipée.

Chacun, dans son coin, sent ce genre de doute se glisser dans son esprit. Et il ne faut se faire, sur ce point, aucune illusion : si ça se glisse dans un esprit, ça se glisse aussi dans les autres. Les idées qui nous traversent passent aussi chez les autres. Et mes doutes, les vôtres, sont en fait ceux de tout le monde.

Que devient la force de vente lorsqu’il n’y a plus de pouvoir d’achat ?

Le marketing peut être conçu comme l’art et la manière d’accorder un discours avec les idées qui se trouvent chez les gens. Et en temps normal, la difficulté vient uniquement de la concurrence, puisqu’il faut en gros être plus malin que les autres pour communiquer de façon plus percutante. Mais en période de crise, ce n’est plus contre les autres marques que les annonceurs doivent lutter, mais contre le monde lui-même et l’état d’esprit qui s’y répand. Et même si l’envie de consommation demeure, évidemment, le simple fait qu’il se passe quelque chose qui dépasse tout le monde produit un temps d’arrêt, et une brutale prise de conscience du fait que, p’t’et’ bien, on fait n’importe quoi. Et ça, c’est le genre de choses with lesquelles le marketing a du mal à dealer. Ajoutons un degré de difficulté supplémentaire au niveau que le marketing doit franchir désormais : ce monde en crise contre lequel il faut lutter, c’est le principe même selon lequel il faut tout produire et tout vendre qui l’a en bonne partie généré, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le marketing lui a prêté main forte. Et il va être difficile désormais de communiquer en jouant les innocents.

Pour autant, certains ne s’en privent pas; Ainsi, les spots mettant en scène le Mercedes EQC entre les mains et sous la musique de The Weeknd tournent toujours sur les chaines. Comme si de rien n’était. Et peut-être ont-ils raison. Cette campagne de publicité célèbre l’histoire de la marque toute entière, qui a traversé le 20ème siècle sans périr, peut-être parce qu’elle s’est toujours adressée à cette partie de la population qui, quoi qu’il arrive, s’en sort toujours. On reviendra bientôt sur ce petit film, parce qu’il est tout simplement bien fait. « Bien fait pour eux », a-t-on envie de préciser.

Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien

Mais pour le moment – et sans doute un peu parce que que la comm’ fait partie des budgets qui sautent le plus vite en cas de crise – les constructeurs automobiles sont globalement discrets, et ils se contentent le plus souvent d’ajouter à la fin des campagnes publicitaires déjà réalisées, un message du genre « Achetez nos voitures et au fait, en attendant que les choses reviennent à la normale, restez chez vous ! »

Le problème avec les retours, c’est qu’on ne peut pas retourner là où on n’était pas auparavant. Et nous savons bien que la vie que nous menions jusque là n’avait rien de très « normale ». C’est pour cette raison qu’on regarde par exemple le petit spot concocté par Seat en se disant que, quand même, on les voit un peu venir :

Soudain, il faudrait penser aux autres. Pourtant, il y a quelques mois, la même marque célébrait l’individualisme et l’absence d’engagement, espérant que le monde de demain remplace vite fait bien fait celui d’hier :

Alors, quand la marque espaglemande commence à mettre en scène des gamins trop mignons qui communiquent en morse depuis leur fenêtre, et nous promet que demain, tout reprendra comme avant, on ne sait plus trop où, temporellement, la marque nous propose de nous emmener : cet « avant » dont on nous disait il y a quelques semaines qu’on avait hâte de le quitter ? « We’ll get you moving again ». Ok ok Seat. Mais pour quelle destination exactement ?

Seat n’est évidemment pas la seule marque à jouer ce jeu là. C’est peut-être même l’une des seules qui soit populaire, et qui fasse comme si tout allait revenir à la normale. Et on sent bien, dans un pays meurtri comme peut déjà l’être l’Espagne, en quoi il y a là un risque non négligeable d’énorme erreur de communication. Cette stratégie est plutôt le fait de marques destinées à des clients plus aisés, qui ne sont que peu touchés par la crise en cours : ils sont mieux soignés que les autres, ils sont mieux confinés aussi. Gageons que peu de clients Porsche ou Rolls-Royce sont réquisitionnés par le supermarché dans lequel ils sont caissier, ou caissière, ou par la plateforme Amazon qui compte bien continuer à tourner à plein régime. Pour ces marques, le message est simple : Patientez.

Evidemment, le risque, c’est de passer pour un prédateur. Mais l’avantage, c’est aussi de passer pour un prédateur. Après tout, certains ont la franchise de l’admettre : dans le monde capitaliste, les crises sont des phases de grandes opportunités, et ce d’autant plus qu’on peut miser sur les crises elles-mêmes. Agnes Pannier-Runacher, l’une de nos secrétaires d’Etat, le disait le lendemain du premier dévissage de la bourse de Paris : « c’est le moment de faire des bonnes affaires en bourse ». Et c’est pas faux. Rien n’est jamais perdu pour tout le monde.

Reste que la plupart des annonceurs publicitaires s’adressent à ceux qui regardent les pubs. Et pour la plupart, ils ne sont pas actionnaires majoritaires d’une quelconque entreprise, et en sont plutôt à se demander si les mois qui viennent ne vont pas être, un peu, la saison 2 de Years & Years. Alors, quand on vise ce genre de clientèle qui a quelque chose à perdre, mieux vaut être un peu rassurant.

Urgences – Saison 16

Or, ces temps-ci, quoi de plus rassurant que le corps médical ? Qu’à cela ne tienne, associons-nous aux héros de cet épisode ! Parmi ceux qui optent pour cette stratégie, il y a deux camps. Le premier se met au service de la médecine, et fait ce qu’il sait faire : fabriquer des chose en série. Et c’est ainsi que de très nombreux constructeurs mettent la main à la pâte, et font bosser leurs ouvriers sur des produits inhabituels, qui vont du masque de protection confectionné par les ateliers sellerie, au respirateur en passant par les écrans de protection. Bien entendu, et c’est de bonne guerre, cette participation se fait avec photographies à l’appui, ce qui provoque deux genres de réflexion. La première, c’est que mine de rien, on peut supposer que ceux qui fabriquent ces temps ci ce genre d’équipement peuvent être fiers de savoir à quoi ça va servir. Et le risque évidemment, c’est qu’ils se disent ensuite, quand il faudra de nouveau assembler des essuie-glace ou des comodos de régulateur de vitesse, que leur travail habituel manque un peu de « sens ». La seconde réflexion concerne le client à qui est destinée cette communication : il y a un risque non négligeable que lui aussi se dise qu’en fait, c’est plus utile de fabriquer des respirateurs, et que l’usage habituel de ces usines est un peu vain. Bref, à jouer à ce jeu là, on risque tout bêtement de provoquer une prise de conscience, et un ré-échelonnement des priorités. Et ne nous voilons pas la face : le commerce a tout à gagner à ce que notre ordre des priorités soient complètement déficient. Plus l’industrie automobile communiquera sur le fait qu’elle produit actuellement des choses plus utiles que des voitures, plus on aura en tête que les voitures ne sont finalement pas si utiles que ça.

Et comme chez Tesla, on ne fait pas les choses comme les autres, pour le moment, (on ne fait pas de publicité, on EST une publicité, on ne fait pas sport auto, mais de la conquête spatiale), pour le moment, on met juste en ligne une vidéo faisant le point sur la recherche et développement en interne pour produire un respirateur. On est presque étonne que l’idée soit si « normale »; on s’attendait presque à ce que l’incinérateur soit intégré au dispositif.

Il y a pourtant une solution simple : faire ce qu’on sait faire. Et quand on est un constructeur automobile, ce qu’on sait faire, c’est des voitures, et les mettre à disposition. Chez JLR (c’est comme ça que les intimes et les gens un peu aisés appellent le groupe Jaguar – Land Rover), on s’est manifestement dit qu’on allait miser là-dessus avant tout. Si le prêt de véhicules électriques Jaguar aux services de santé est assez anecdotique, en revanche Land Rover a proposé quelque chose de nettement plus conséquent, et sans doute utile : constatant que la campagne d’essais par la presse de son tout nouveau Defender était très légèrement remise en question, et se disant qu’après tout, tout un parc de tout-terrains était disponible, et qu’on s’apprêtait de toute façon à en laisser le volant à des inconnus, autant se rendre utile à quelque chose et refiler les clés des bagnoles aux équipes de la Croix-Rouge et des services de santé de plusieurs pays dont, évidemment et principalement, le Royaume-Uni. Et à vrai dire, pour ce qui concerne cette marque précise, on se dit que ça tombe sous le sens, et qu’elle est peut-être l’une des seules à pouvoir se permettre une telle campagne : si on imagine Peugeot prêtant des 3008, on a tout de suite en tête que ceux qui vont les utiliser vont les abîmer, rayer des plastiques ou casser une manette de réglage en hauteur du siège. Rien à craindre de ce genre avec un Defender. L’engin est paré pour les plus mauvais traitements, on peut le prêter sans avoir de mauvais pressentiment. Alors, évidemment, il est possible de se demander s’il faut vraiment rouler dans un engin aussi volumineux pour mener une mission qui est majoritairement urbaine, et se dérouler très très majoritairement sur des axes viabilisés; et même si on se dit quelque chose comme « qui peut le plus peut le moins », il est possible aussi que l’aide soit, en l’occurrence, un peu surdimensionnée. Et c’est ce qui rend la démarche de Renault peut être un peu plus juste, même si elle est moins spectaculaire, puisque la marque propose des Zoé au personnel actuellement en première ligne de la lutte contre le virus. Et à vrai dire, comme on devine que ces temps ci, ils ont autre chose en tête que « faire un tour en Land Rover », il est probable que ce soit amplement suffisant, tout comme le sont sans doute les Duster mis à disposition, sur le même modèle, par Dacia. Mais évidemment, en termes de comm’, l’effet ne soit pas tout à fait le même.

Précisons une petite chose concernant Land Rover : ce qui rend possible ce partenariat avec la Croix-Rouge, c’est le fait que celui-ci ne date pas d’hier. Et c’est important de le mentionner au moment où on pourrait croire que la marque fasse simplement preuve d’opportunisme. Elle n’est pas désintéressée, évidemment, mais elle n’est pas non plus en train de profiter de la situation présente, car c’est depuis longtemps qu’elle est associée à la Croix-Rouge, et fournit celle-ci en véhicules :

Alors, évidemment, certaines marques ont un peu plus de mal que les autres à proposer leur propre production pour « aider ». Par exemple, Ferrari n’a pas, dans sa gamme, de modèle vraiment pratique pour les secours ou le transport sanitaire. Mais qu’à cela ne tienne, la marque offre une ambulance aux services de santé de Modène. Pas de V8 mélodieux sous le capot, pas de cheval cabré on plus. Mais c’est marqué « Ferrari » sur le côté et, surtout, ça sauve des vies. Mais bien sûr, au-delà du geste, qui s’impose, se pose la question des raisons pour lesquelles le monde du luxe, qui aime être mis en scène dans ce genre d’opération de charité, n’est pas aussi pressé de payer des impôts. Et Ferrari n’est pas la seule marque concernée par ce genre de paradoxe.

D’autres marques ont aussi manifesté leur désir de servir la cause commune pendant cette période un peu troublée, mais de façon plus vague. Ainsi, en un simple visuel, PSA a fait savoir qu’ils faisaient un peu tout ce que font les autres : prêts de véhicules, fabrication de masques, don de matériel de sécurité. Evidemment, le problème, c’est que cette communication se heurte par ailleurs à la volonté qu’a le constructeur de remettre ses salariés au travail le plus vite possible, alors qu’on sait les risques qu’il y a à faire se rencontrer physiquement des êtres humains ces temps ci, ou même simplement à les faire sortir de chez eux. Mais voila : ce qui se joue pour PSA, c’est la fusion avec FCA, et la mariée a l’intention d’être bien dotée. Résultat : c’est bien beau d’aider, la main sur le cœur, le personnel soignant en période de crise, mais en réalité, cette crise est aussi due au fait qu’une bonne partie de la richesse produite par le pays ne revient pas à celui-ci. Or l’entité formée par la fusion de ces deux groupes est censée s’installer aux Pays-Bas, pour des raisons qui ont tout à voir avec les avantages fiscaux que ce pays procure. Il n’aura échappé à personne que ce genre de préférence fiscale n’est pas pour rien dans la difficulté qu’a notre pays à financer son service public. Ces derniers jours, un mot d’ordre était affiché sur bon nombre d’hôpitaux : « Payez vos impôts. L’hôpital se fout de la charité ». C’est un peu ce qu’on pourrait répondre à la main tendue par PSA ces jours ci.

Et accessoirement, il n’est pas très conseillé de tendre la main ces temps ci. Surtout sans gant de protection. Comme quoi, la communication ça se pense et ça se conçoit un peu.

Vanilla sky

Enfin, il y a tous ceux qui n’avaient pas d’idée particulière et se sont dit qu’il fallait au moins faire quelque chose sur les réseaux sociaux. Dès lors, tout le monde s’est rabattu sur l’idée que tout le monde a eue, de route vide, de rues désertées et de parking longue durée. Il y a des jours où on pourrait tous travailler dans une agence publicitaire. Enfin, non, même pas, car on se serait soi-même censuré alors que manifestement, être « pro », c’est oser quand même.

Bienvenue, donc, au festival du roadmovie sans bagnoles, du goudron inutile, de l’asphalte abandonné et du plan fixe sur des voitures immobiles :

Notons un truc marrant : Maserati a eu l’idée de lancer un défi à sa clientèle : photographier leur Maserati confinée à la maison, et la mettre en ligne sur Twitter, avec le hashtag #athomewithmymaserati . Bon, vu le peu de succès de l’opération, on peut dire que : soit les proprio de la marque au trident ne sont pas sur Twitter, soit ils trouvent cette idée bien vulgaire, ou bien ils ne tiennent pas à afficher leur richesse, par les temps qui courent… … Une chose est sûre aussi, ce n’est pas la créativité qui étouffe le client Maserati, à en juger par la poignée de clichés proposés. Chez FCA de façon générale, on pousse les curseurs de l’excès dans le rouge : la petite 500 devient voiture de course confinée dans les stands, le SUV Stelvio est un meuble précieux exposé dans le salon. Et je ne dis rien de Jeep, que je garde pour la fin, pour une apothéose.

On ne passe évidemment pas sur le spot Mercedes sans en dire un petit mot. A strictement parler, s’il se contentait de ce plan fixe sur un SUV sagement garé devant une maison, la nuit tombée, alors que seul l’aboiement d’un chien résonne dans le quartier plus que silencieux, ce serait parfait. Mais le mieux est souvent l’ennemi du bien, et il a fallu qu’ils rajoutent un propos derrière l’image, qui remercie les livreurs, les pompiers, le personnel soignant et tous ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’aller travailler, de se sacrifier ainsi pour que les autres puissent rester chez eux. On applaudirait volontiers, si tous ceux qui sont cités n’étaient pas, précisément, ceux qui ne peuvent pas se permettre d’acheter une Mercedes. A part ce très léger détail, ce spot est vraiment très réussi !

Distance de sécurité

Reste une option, la plus simple, qui consiste à jouer sur les formes et les mots, en récupérant les mots d’ordre du moment. La solution de facilité consistait à mettre en scène l’exigence de distance que nous sommes censés respecter pour ne pas nous contaminer les uns les autres. J’avoue ne pas avoir mené de recherche archéologique pour discerner laquelle des marques a eu l’idée en premier. Ce qui est sûr, c’est que les autres ont emboîté le pas, comme si c’était une rudement bonne idée :

Prix spécial du jury pour DS qui, non content de ne rien inventer ici et de faire le service vraiment minimum, parvient aussi à proposer un slogan qui conseille d’être asocial au moment même où il faut faire preuve de solidarité. A lui seul, ce visuel mériterait d’illustrer une expérience de pensée connue, chez le philosophe Schopenhauer, sous le nom de « fable des porcs-épics » : un troupeau de hérissons essaie de se proteger du froid en se rapprochant, mais les piquants des uns et des autres les blessent réciproquement, ce qui les fait s’éloigner, mais alors ils ont froid, alors ils se rapprochent… … Disons simplement qu’on reconnaît bien là DS et sa… communication.

L’Aventure intérieure

Mais si j’évoque pour finir les jeux de logo, c’est pour conclure sur Jeep, qui est sans doute la marque dont les communicants ont le mieux su saisir le ton à employer ces jours ci. Evidemment, il n’est pas évident de faire de la pub alors que personne n’a le droit de sortir et que soi-même, en tant que marque, on est quasi uniquement porté par l’esprit du loisir et des activités Outdoor. La première force de Jeep est d’avoir compris tout de suite que ça allait être difficile, et que le mieux était dès lors d’accompagner l’effort des clients, en le reconnaissant, et en le partageant vraiment. Et le mieux, pour ne pas tomber dans la mièvrerie et le mensonge, c’est de jouer sur ce qu’est la marque aux yeux du public : une forme, comme toute autre marque. Et cette forme est facilement représentable : une Jeep, c’est avant tout une calandre.

Donc :

Et ça pourrait presque suffire. Mais chez Jeep, les marketeux avaient d’autres idées, et comptaient bien faire entrer la bagnole dans le salon pour qu’elle y accompagne la vie famille en espace confiné. On ne sait pas si quelqu’un a eu la même idée que chez Alfa « Hey ! Et si on mettait la bagnole au milieu du salon ? » Toujours est-il que même aux USA on semble s’être dit que ce serait d’un goût discutable. Du coup, on a juste fait entrer la forme de la calandre dans la maison, et ce avec les moyens du bord. Ça donne un jeu, qui pourra être développé pendant tout le confinement s’il le faut :

Et puisqu’ils en étaient à s’amuser un peu, ils ont poursuivi leur aventure off road :

Et puisque nous sommes dans la rubrique DIY, partageons ce petit moment de vidéo domestique entièrement goupillé par Honda. Je n’en dis pas plus, c’est tout simplement réussi. Mais tout en la regardant, gardez Jeep à l’esprit, on y revient dans la foulée :

L’avenir dans le rétro

Est-on pour autant devenu raisonnable chez Jeep, chez FCA et dans le reste du monde automobile ? Hmmmm… On ne peut pas tout à fait le dire en ces termes là. Disons plutôt que, comme partout ailleurs, on attend des jours meilleurs, et qu’on est dans les starting-blocks, prêt à reprendre la route que ce virus nous a fait quitter; celle de la production, celle de la commercialisation, celle des ventes et des profits. Et ici comme chez Seat, aux USA comme partout dans le monde, « aller de l’avant » signifie en réalité « revenir en arrière ».


Dédicace spéciale à Frédéric Euvrard, qui oeuvre tout particulièrement aux destinées du site www.theautomobilist.fr, car la majeure partie du matériel utilisé ici a été patiemment collectée par lui. Je n’avais plus qu’à mettre tout ça en sauce !

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