Substantielle

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Départ anticipé

La comm’ est une guerre, et comme toute guerre, elle réclame des stratégies, des rétro-plannings, une synchronisation de multiples intervenants dont on ne peut pas tout à fait être certain que, parmi eux, il n’y en ait pas un qui fasse une erreur, ou cède à la tentation de la précipitation, réduisant à néant les belles tactiques, les plans d’attaque, les jolis préliminaires, les splendides flux d’informations qu’on avait savamment concoctés. 

Et c’est dans ce genre de tapis que les pieds d’Opel se sont pris avant-hier, quand un site a, a priori malencontreusement, publié un article qui ne devait l’être que des jours plus tard, brisant un embargo qui impose à ceux qui disposent avant tout le monde d’images encore secrètes, de les garder pour eux et de ne surtout pas les diffuser, afin de donner l’impression que, soudainement, le même jour à la même heure, tout le monde ne parle que de ce fameux nouveau modèle que tous attendaient tant. Et pour que tout le monde l’attende tant, il faut tout bêtement que personne ne le connaisse encore. 

Bon, ben là, il était inutile de faire durer le suspens plus longtemps : les images de la nouvelle Corsa ayant été diffusées avant-hier, et ne disposant d’aucun moyen pour les retirer des réseaux, des blogs artisanaux, des échanges de fichiers par mails ou dropbox, ne pouvant pas, ni techniquement ni éthiquement, envoyer les Men In Black effacer la mémoire de tous ceux qui avaient vu ce qu’ils ne devraient pas avoir vu, Opel n’avait plus le choix, et décida donc, sans doute un peu contraint et forcé, de mettre fin à cet embargo, et de révéler au grand jour une Corsa que tous ceux qui traînent plus ou moins sur les forums auto avaient sous les yeux depuis la veille. 

Les infos techniques, il y a d’excellents sites qui reprennent à la lettre les données constructeur qui vous les donneront. Si vous lisez cette page de temps en temps, vous avez compris qu’ici, on n’est pas vraiment dans la retransmission des fiches constructeur. Et comme la version révélée aujourd’hui est la déclinaison électrique de la Corsa, on en connaît déjà très bien les données, puisque la Corsa récupère toute la définition technique de la Peugeot 208 MK2. Or celle-ci a déjà fait l’objet d’essais presse, qui indiquent qu’elle est performante, très suffisamment, qu’elle bénéficie d’une conception qui a prévu, dès le départ, cette électrisation, qu’elle est certes lourde (300 kg de plus sur la balance), mais que ce poids est situé principalement sous le plancher, permettant ainsi un centre de gravité très bas, favorisant tout de même un certain dynamisme. 

Du coup, ce qui est plus intéressant, c’est l’allure de cette nouvelle Corsa. 

Cousinades

A vrai dire, ce n’est pas Opel qu’on attendait au tournant. C’est PSA. Parce qu’en intégrant un groupe dans lequel on décline déjà les plate-formes selon une distribution des cartes d’identité un peu compliquée, on se demandait un peu comment Opel allait trouver sa place dans ce nouveau groupe. Chacun a déjà vécu des grandes réunions de famille, et c’est un peu partout pareil : débarque une fratrie qui est manifestement la vedette des cousinades, une autre qui tente de lui tenir tête, forte en gueule elle aussi, blagueuse et à l’aise avec tous; il est probable que se soit invitée la famille des cousins originaux, un peu décalée, un peu ironique envers l’ambiance « concours d’enfants » de ce genre de réunion de famille, leurs gamins sont artistes, l’un mixe à droite à gauche en Europe, l’autre danse pour Jeanne Added, la petite dernière ne sait pas trop quoi faire et les parents ne comptent pas la contraindre à décider tout de suite. Et puis il y a les autres, les cousins ternes, issus des oncles et tantes fades. Les timides, les pas dégourdis. Ils mangent un peu dans leur coin, assis sur une souche, les pieds écartés, les genoux serrés. Ils ont posé leur assiette en carton sur leurs cuisses et tentent de manger avec les couverts en plastique sans salir leurs habits du dimanche. Ils rient aux blagues des cousins vedettes, ils s’intéressent à leur parcours brillant, mais ils ont du mal à entrer pleinement dans la conversation, d’ailleurs on ne les écoute pas vraiment, et ils sont bien conscients qu’ils n’ont rien de bien passionnant à proposer. Pour Opel, arriver comme ça dans la famille PSA, pile poil au moment où la famille Peugeot, clairement vedette de la famille, est du genre à avoir envoyé tous ses gamins en prépa, au moment où chez DS on encourage la progéniture à intégrer le monde de la jet-set pour gagner en notoriété et, peut-être, aller tutoyer la noblesse à laquelle elle espère être assimilée, sur un malentendu, alors que les cousins Citroën commencent à trouver leurs marques, avec leur univers bohème et décalé, grimpant aux arbres et construisant des cabanes malignes, les gamins jonglant – ils sont venus avec leurs poneys, qui les suivent partout – évidemment super forts en slackline, pour Opel donc, arriver au milieu de ces vedettes, c’est potentiellement un peu intimidant.

Mais voila : alors que pour la première fois la marque à l’éclair prend la parole au beau milieu de cercle familial reconfiguré, on s’aperçoit un peu fébrile que, tout bêtement, Opel a un truc à dire.

La Force, tranquille

La Corsa, elle aussi, est du genre à être première de sa classe. Elle n’est pas spectaculaire, elle ne provoque pas le fameux wow-effect, parce que celui-ci réclame d’être saisi à rebrousse-poil, de tomber sur le cul devant une forme qui en met plein la vue, et ce n’est pas ce que provoque la Corsa. Mais, contrairement à ce qu’on pouvait craindre, elle ne provoque pas non plus l’indifférence. On espérait qu’elle ne soit pas ratée, et on la découvre intéressante. On craignait qu’elle soit trop proche de ses cousines, on s’aperçoit que, tout en partageant des entrailles communes, elle ne souffre d’aucune consanguinité. 

Tout d’abord, elle gagne en stature. Les précédentes Corsa faisaient « petites voitures ». Elles donnaient l’impression de devoir se faire petit pour y entrer, et de devoir s’y serrer pour y rouler à plusieurs. Le modèle qu’on découvre a une toute autre allure : large, élancé, il ne semble étriqué dans aucune de ses dimensions. La Corsa entre dans la cour des grandes. Finie la marelle et les jeux d’élastique. Les artifices de style concourent à cette allure : l’association de courbes et de lignes brisées semble emprunter au langage stylistique de plusieurs autres marques : Skoda pour la ligne de care sculptée de façon rectiligne; Mercedes pour le trait qui remonte du bas de caisse vers le sommet de passage de roue arrière, qui dynamise le p’tit cul de la Corsa, le capot autoclave qui fait penser à la façon dont la nouvelle 208 fait elle-même penser à l’audi A1. Un peu de Citroën aussi, dans l’aileron de requin qui constitue la custode, comme sur une C4 Cactus, le dessin du vitrage latéral faisant évoquant aussi les réussites esthétiques récentes de Kia. Seul élément qu’on demande à voir en vrai, pour en juger, car il laisse un peu dubitatif, c’est un étrange relief qui s’échappe de l’optique avant, sous le capot, qui surligne l’aile pour remonter subitement vers le vitrage. Ce trait semble un peu improvisé, comme si on n’avait pas gommé une ligne de construction du dessin lui-même. On comprend qu’il s’agit de diviser la hauteur, importante, de l’aile avant, mais on n’est pas absolument certain que ce soit la façon la plus subtile de réaliser cette mission esthétique. 

Et tant que nous sommes dans le chapitre de ce qui pourrait provoquer un peu de regret, mais qui a peut-être une cause technique, on évoquera les jantes, qui sont tellement proches de celles de la 208 électrique, semblant simplement dotées d’enjoliveurs différents, qu’on les perçoit immédiatement comme excessivement semblables, et ce d’autant plus qu’elles sont extrêmement plates, sans aucun relief, ce qui les distingue, pas forcément de façon très positive. Il est possible que leur forme soit dictée par des impératifs techniques, mais il semble paradoxal que ce soit sur les jantes, un élément qui est un peu, sur une voiture, un accessoire perçu comme personnalisable, que la similitude entre les cousines se fasse devine aussi facilement.

Pour le reste, tout est de bon goût. Les lignes obliques convergent vers le feu arrière, pinçant le profil pour le dynamiser, et parmi les réalisations récentes qui proposent un pavillon contrasté (Toyota Yaris, Seat Arona), la petite Opel est celle qui tire un vrai parti esthétique de cet artifice, qui l’abaisse visuellement, élance sa ligne et dessine ce fameux aileron qui donne de la force à son profil. C’est peut-être dans les volumes arrière qu’on pourrait trouver une filiation avec la 208, mais les traits caractéristiques des feux Opel évitent tout ressemblance flagrante, et la façon dont l’ensemble est sculpté lui procure une allure musclée, solide et rassurante.

 

Horizontalités

L’avant, lui, a du caractère avec sa façade traitée en une seule pièce, qui semble recouvrir les ouvertures, comme si la carrosserie était tendue par dessus la grille protectrice, dans un effet qui fait, un peu, penser au dessin de l’Alpine A110. Les phares, qui sont dans les finitions hautes, très technologiques puisqu’ils sont matriciels, permettant un éclairage permanent s’adaptant sans rupture aux différentes conditions de roulage, sans éblouir les autres, ces phares donnent à l’avant tout son caractère. Si d’habitude ces éléments sont les yeux d’une voiture, le détail des optiques de la Corsa a ceci de particulier qu’il lui dessine des paupières, aiguisant son regard, comme si elle plissait les yeux pour nous regarder avec plus d’acuité. Le dessin très horizontal de cette face avant élargit visuellement la voiture, l’assoit sur ses trains-roulants, et la pose comme une automobile qui pourrait appartenir à des catégories supérieures. 

L’intérieur donne une impression semblable. La largeur visuelle est accentuée par les aérateurs repoussés, comme sur la 208 et la DS3 Crossback, vers les contre-portes. L’écran central, qui reprend les belles proportions des autres modèles PSA, dessine une console qui évoque, elle aussi, les voitures de taille supérieure, au point qu’on peut se demander un instant comment un mobilier aussi élancé, qui échappe à toute surcharge, peut être contenu dans une automobile qui, en fait, demeure de petite taille. L’impression n’est pas du tout la même que l’ambiance intérieure de la 208, qui s’appuie sur une superposition, sur tous les plans, des éléments du tableau de bord. Ici, tout est au contraire intégré dans une forme globale. Et sans doute est-ce permis par la petite taille du combiné qui se trouve face au conducteur, comme dans la DS3 CB, ce qui permet de libérer de l’espace, et d’aérer l’ensemble. 

Ce qui distingue la distribution des rôles chez PSA de la façon dont la même tâche est accomplie chez VAG, c’est la façon dont, entre DS, Peugeot, Citroën et désormais Opel, les ambiances sont équitablement réparties, aucune marque ne semblant être le parent pauvre des autres. Il s’agit plutôt d’une véritable proposition de variété entre les ambiances, et entre les ergonomies. Là où la Peugeot met énormément en avant son contenu technologique, multipliant et mettant en scène la présence des écrans, l’Opel satisfera ceux qui préfèrent un intérieur plus classique, qui intègre plus discrètement l’inévitable présence de l’interface tactile, dans un ensemble moins démonstratif, mais élégant cependant. 

La distinction

En fait, en découvrant la Corsa, on comprend finalement mieux la 208, et ce qu’on a pu considérer, en elle, comme excessif. En réalité, la Peugeot est telle qu’elle est pour laisser un espace à la petite Opel. Ses excès sont une façon de se décaler un peu sur le côté, et vers le haut, pour pouvoir mieux laisser de la place à l’Opel, qui trouve dès lors naturellement sa véritable identité. Ce qui vaut pour l’intérieur vaut aussi pour le dessin de la carrosserie : on s’était demandé pourquoi la 208 renouait avec la calandre de bonnes dimensions alors qu’on s’attendait à voir la taille de cet élément réduire. En fait, ça permet de démarquer nettement le faciès de la Peugeot et celui de l’Opel, et éviter toute ressemblance : là où la Corsa joue des lignes horizontales, la 208 est construite, dans sa face avant, sur des verticalités (sabres, stries dans les phares, calandre). Ici aussi, le faciès de la Peugeot a la politesse de laisser le langage visuel de l’Opel se développer dans son propre espace.

Et ce n’est pas sans un peu d’amusement qu’on se dit que, finalement, Opel semble se définir un peu comme ce qu’était Peugeot, avec cette espèce de tranquillité assise sur une impression générale de classicisme de bon ton qui était hier encore les éléments distinctifs des sochaliennes. Après cette première entrevue avec l’électrique de la petite famille, on a hâte de voir les autres versions, éventuellement sportives, de la cousine allemande, mais ce qui ressort de ces quelques premières photos, c’est l’impression de voir naître, en même temps qu’un modèle, la logique de toute une famille, dont on découvre ici la substance, ce qui l’unit et à partir de quoi peuvent se construire les différences. Et c’est d’autant plus intéressant qu’on sait désormais que c’est une famille qui aspire à  s’agrandir encore. 


1 Comment

  1. substantielle? C’est sympa de faire une allusion subliminale à l’album Substance de New Order. …Ben franchement, je trouve qu’il y en a plus, de substance, dans la musique de New Order que dans cette new Corsa. J’aurais écrit conventionnelle plutôt. Ca commençait bien: par le hasard d’une panne internet, j’ai vu hier les premières photos sur smartphone, avec cet orange bien soutenu, et c’est vrai qu’elle m’a fait son petit effet, en petit, en effet mais ça n’a pas duré….et puis il y avait cet emballement sur WS qui remontait à la nuit précédente où ces messieurs commençaient à s’agiter au lieu de dormir. Ils ne pouvaient pas avoir tous tort, surtout que ça a continué toute la journée ensuite, louanges succédant aux louanges….chacun ne voulant pas être en reste, d’autant que c’est presque Firebird l’analyste design amateur en chef sur WS, et tout juste ancien possesseur d’une Corsa 3p, qui a lancé la meute! C’est un peu ces sortes d’hallucinations de passionnés d’autos qui m’ont fait entre autres quitter les discussions. Que d’impressions conventionnelles ont ces personnes ! Mais d’habitude c’est quand même plus partagé. Là je n’ai vu que 2 ou 3 retours négatifs, et l’un surpris comme moi de cet emballement totalement surprenant. Alors quand j’ai lu que tu lançais aussi ta contribution émerveillée, je me suis dit là ça va pas ! Finalement ton texte est bien plus balancé, et petit à petit, à moins d’aimer les autos simplement au goùt du jour, au classicisme tempéré qui a toujours caractérisé Opel d’ailleurs, un peu plus populaire que Peugeot en France, on a l’impression que ça se détricote tout seul…. Oui la voiture est assez jolie, oui il y a cet aileron pas trop mal amené qui sauve une fadeur d’ensemble assez déconcertante, oui ce bouclier avant a un côté toile tendu sur l’armature, mais ….mais, quoi d’autre? Ces phares et cette calandre rappellent les Opel des années 2000 dans leur sagesse . A l’époque sur l’Astra il y avait un biseau dans le phare comme une sorte de diamant, maintenant il y a ces paupières….les vues de 4/3 assomment d’une proximité trop nette avec la Fabia, en plus élancée heureusement, avec cette arrête très marquée au dessus des poignées. L’arrière a tenté de ramener vers les Opel actuelles, Astra Grandland, avec quelques complications plus ou moins bienvenues, et un volet de coffre rentrant avec des angles qui rappelle la série Une des années 2000.
    Tout cela masque bien la base 208 me direz vous (me diront t’ils!) et ce n’est probablement pas une mince gageure. Mais voilà, c’est à peu près tout ce qu’il y avait à espérer d’un modèle dont les proportions générales avaient été décidées pour un autre et appliquées tard sur lui avec peut être le moins de mal possible. On est loin de la Corsa de 2008 , pourtant elle aussi sur une base commune, mais prévue plus en amont pour 2 modèles, et qui dégageait une modernité et une fraîcheur bien plus marquantes. Par contre j’aime assez la simplicité intérieure et le grand écran qui se fond dans la planche. Ouf tout n’est pas négatif!
    Bref, elle est sympa c’est vrai, mais de bric et de broc, et j’espère n’augure en rien de la suite de la marque. Pitié! C’est plutôt la dernière de ce cycle.
    https://www.youtube.com/watch?v=9-NFosnfd2c

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