C’est mon choix

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Et voilà, vous avez vu une 911 plutôt chouette, et vous avez cliqué sur la vignette. Vous êtes si prévisible ! Bienvenue néanmoins dans un article qui se dit qu’il est peut-être temps d’inverser les rôles : le moyen de déplacement, c’est le vélo, et l’objet de loisir, c’est la Porsche.

Explications : 

Il en va du goût pour les bagnoles comme des autres, il y a un moment où il faut se demander si on est juste amateur de l’objet ou si on en est totalement devenu dépendant. Et on sait bien qu’il y a des formes d’amour qui sont en réalité des intoxications. La voiture, c’est un peu ça. Au départ, on a été émerveillé par l’aptitude de ses grosses mécaniques à se mouvoir par elles-mêmes, un peu comme au 17ème siècle on applaudissait devant les automates de Vaucanson, puis on s’est dit que ce serait chouette de parcourir les routes carrossables pour aller voir, au-delà de l’horizon, à quoi il ressemble ce département, et puis un jour on s’est retrouvé à prendre la voiture pour aller bosser à deux kilomètres de chez soi, ce qui en soi ne serait pas forcément un drame si des centaines de milliers de personnes ne s’était pas mis, elles aussi, en tête de ne plus utiliser que la voiture comme moyen de déplacement. 

Et nous nous retrouvons donc dans cette situation : la voiture n’est, en fait, plus un moyen de locomotion, mais une sorte de salle d’attente privée, et un peu encombrante si on considère qu’elle ne contient en fait qu’une seule personne, qui permet de patienter au beau milieu des bouchons, en file indienne, encadrées par des salles d’attentes semblables, depuis lesquelles les occupants peuvent observer les piétons les doubler, franchir déjà le carrefour qui bloque tout le monde, disparaître à l’horizon. Ajoutons que ces salles d’attentes sont tout de même privilégiées parce qu’elles sont censées être confortables, mais alors on comprend mal qu’on y soit à ce point nerveux, voire colérique, voire carrément agressif. C’est un peu comme si on avait installé des fauteuils de relaxation, massant, diffusant de la musique douce , à travers des hauts parleurs dotés de petites langues qui viennent chatouiller les lobes de l’oreille et susurrer des mots doux, et qu’on se levait néanmoins brusquement pour insulter toute la maisonnée. 

Ajoutons que nous semblons découvrir le problème, alors que, de mémoire de quasi cinquantenaire, en région parisienne, j’ai toujours connu ça. Mieux, gamin, j’adorais les embouteillages, parce qu’on pouvait, depuis l’arrière de la Chrysler 180, passer des heures à contempler les Simca 1100 et leur derrière rebondi, les Renault 12, qu’il fallait regarder assez longtemps pour apprécier le relief qui traversait l’arrière du toit au dessus de la lunette arrière, descendait le long des vitres arrière en les contournant pour virer sur l’aile et partir comme une flèche vers l’avant, ou les 204, qui semblaient si agiles qu’on aurait pu se demander, déjà, si leur place était bien, ainsi, à l’arrêt, dans une file interminable de véhicules conçus pour la vitesse, et néanmoins réduits à n’être que des moyens de stationnement

Bref, pour ma part, les embouteillages sont pour une bonne part la cause de mon goût immodéré pour la contemplation de voitures, et l’observation sans fin de leurs occupants. C’est dire si c’est la logique qui nous anime. 

Pourtant, pour les mêmes distances, il existe pas mal d’alternatives. Les pieds par exemple, ou bien le vélo. 

Dans la vidéo qui suit, un représentant de l’ambassade des Pays-bas explique pourquoi il y a une telle différence dans les habitudes de nos deux pays. Il montre que cela remonte à des décisions prises dans les années 70, c’est à dire à un moment où le problème était sans doute plus manifeste chez nous que chez eux, et où nous avons pourtant décidé de ne pas le voir. Il explique aussi que c’est une question de représentations: nous voyons le vélo comme un outil de loisir, ils le voient comme un moyen de déplacement. Si on inversait on pourrait dire que pour nous, LE moyen de déplacement, c’est la voiture, et qu’on gagnerait alors à voir en elle, plutôt, un objet de loisir, ce qui en rendrait l’usage plus ponctuel, ou même exceptionnel. A priori, ça n’irait pas forcément à rebours de la passion automobile, dans la mesure où on voit mal en quoi l’usage statique d’un moyen de déplacement dégradé par son usage urbain pourrait correspondre, en quoi que ce soit, à une quelconque passion automobile. Il semble même plutôt logique d’admettre que si l’auto est un objet de passion, alors elle ne peut pas être conçue, de façon réductrice, comme un simple outil de déplacement, et que son usage doit relever de l’exception, et non de la mauvaise habitude. 

Mais il y a sans doute une raison que ce représentant des Pays-bas ne donner pas, parce qu’il travaille dans la diplomatie, et que son boulot consiste à ne pas insulter le pays dans lequel il représente le sien : les Pays-bas sont dénués de toute industrie automobile, ce qui aura sans doute eu une certaine influence sur la manière dont les hommes politiques ont pu, au bon moment, prendre de façon autonome les décisions qui s’imposaient.  

Evidemment, vous allez dire « mais tout le monde ne peut avoir une Porsche comme voiture de loisir ». Effectivement. Mais ne pas avoir de voiture, si on peut s’en passer, permet de dégager les moyens d’en louer une, nettement plus sympa, de temps en temps. Et vous l’aurez compris, ce blog milite pour l’idée qu’on puisse jouir des voitures, y compris sans jamais se mettre à leur volant. Et il va falloir s’y faire, parce qu’ainsi doit aller le monde pour qu’il y ait encore un monde, et que le bonheur ne consiste pas à faire en sorte que le monde corresponde à ma volonté, puisque c’est impossible. Dès lors, il faut accorder notre volonté à ce qu’est le monde. Et ce blog est un moyen, très modeste, pour y travailler. 

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