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In Concepts, Constructeurs, Peugeot, Peugeot E-Legend
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Difficile, ces temps ci, de se concentrer sur le boulot. Entre les barquettes Ferrari, le nouveau modèle de chez DS, déjà, il y avait des raisons de ne pas être très concentré, mais Peugeot vient donner le coup de grâce en communiquant très, très largement sur un concept qui est d’autant plus fascinant qu’il est une sorte de concentré entre le passé relativement lointain de la marque, son présent, et ce qui pourrait être son avenir; de sorte que, finalement, cet E-Legend semble être, à elle seule, l’incarnation de ce qu’est une Peugeot. Une profession de foi. 

Flashback

Du passé, l’E-Legend tire des traits évidents, sur lesquels il n’est plus utile de revenir : le coupé 504, évidemment, dont elle reprend les lignes générales, l’équilibre, l’attitude. On y retrouve, aussi, tout le monde l’a vu, une réminiscence du regard de la 505, qui détermine toute sa présence sur la route, son côté un peu intimidant et rassurant à la fois, une attitude qui donne confiance au conducteur. De la berline 504, enfin, on retrouve les sièges caractéristiques, dont les appui-têtes sont en réalité une partie du dossier. Mais il y a d’autres souvenirs qui irradient dans ce concept. Ainsi, la symétrie qu’on peut observer entre l’avant et l’arrière de la voiture est une caractéristique qu’on trouvait, déjà, dans le concept de roadster Peugette, qui date de 1976. Ce principe de symétrie des lignes vers l’avant et vers l’arrière, on le retrouve, aussi, sur les cabriolets des années 60/70. Ainsi, de profil, le cabriolet 204 est symétrique, bien que les lignes soient beaucoup plus rondes, et moins tendues, que celles qui dessinent la 504 coupé historique, et sa résurrection actuelle. 

Autre emprunt au passé, mais plus récent celui-ci, le pare-brise panoramique. Peugeot travaille depuis longtemps sur ce principe, et ce sans doute pour au moins deux raisons : la première, c’est que c’est une façon de régler au moins partiellement le problème des montants de pare-brise et de leur empiétement sur le champ de vision du conducteur. Aujourd’hui, conduire un 3008 sur une route de montagne est une plaie lors de chaque virage vers la gauche, tant le montant de pare-brise masque précisément la route là où on est censé la suivre, empêchant toute anticipation. Et c’est un problème dont ni ce modèle, ni la marque Peugeot n’ont l’exclusivité. D’autre part, c’est aussi une façon de conserver un grand espace intérieur, sans tomber dans le panneau du dessin typé ‘Cab-forward’, c’est à dire un déséquilibre des masses vers l’avant, avec un pare-brise qui arrive en amont du train avant, et des portières qui mordent quasiment sur les passages de roue à l’avant. Peugeot fut, un temps, séduit par cette mode qui venait du constructeur américain Chrysler, mais on a peu à peu compris que cette disposition, si elle favorise effectivement la vie à bord, donne à l’auto une allure justement trop appuyée sur les roues avant, et procure une impression de déni mécanique : le compartiment moteur semble avalé par l’habitacle, et le véhicule n’est presque plus une bagnole, puisqu’elle est réduite à sa seule fonction de déplacement, niant toute forme de plaisir mécanique à disposer d’un moteur sous le capot. Ici, l’astuce du pare-brise constitué en trois parties permet de combiner le meilleur des deux mondes : un volume intérieur aéré, parce que le pare-brise part relativement loin devant les occupants, mais visuellement, les montants de porte sont rejetés en arrière, favorisant l’impression d’avoir un capot moteur très long. Et cette illusion d’optique fonctionne très bien. Peugeot a travaillé ce thème de nombreuses fois sur des concept-cars, et ça n’a jamais donné lieu à une réalisation en série. On voit ici que ça leur trotte encore dans la tête, mais sous une forme inédite, puisque jusque là, ils utilisaient un pare-brise en forme de bulle, comme sur le prototype 908 de 2006. Visuellement, ça donnait une impression un peu molle, et il y avait sans doute de grosses contraintes de déformation visuelle de l’image dans les zones courbes du vitrage. Ici, avec cette solution technique, ce problème est résolu, et la ligne toute entière de la voiture dépend, en fait, de cette disposition du vitrage. 

Ajoutons que le même principe est mis en oeuvre à l’arrière, sans doute tout d’abord pour respecter le principe de la symétrie, y compris dans le dessin du pavillon, mais aussi pour resserrer visuellement les lignes du pavillon autour des passagers, tout en évitant, intérieurement, de les enfermer de façon oppressante entre le pare-brise et la lunette arrière. 

Temps présent

Du présent, l’E-Legend tire les traits caractéristiques des modèles récents. De façon générale, on trouve là exécuté, à la lettre la façon dont Gilles Vidal conçoit une ligne « Peugeot » : ce doit être comme un costume cintré. C’est exactement ça : les lignes sont nettes, propres, précises, elles encadrent très précisément la silhouette, commandent tout ce qui pourrait dépasser (rétroviseurs, boucliers), on a l’impression d’une carrosserie qui épouse au plus près le contenu de la voiture. Une peau très exactement ajustée à son contenu. On retrouve aussi, extérieurement, les feux typiques des dernières Peugeot, du moins à l’arrière, avec les trois griffes, déclinées ici, encore d’une nouvelle façon, et on a compris, dans le passage de la 3008 à la 508, qu’il s’agirait non pas d’une photocopie, mais d’une réinterprétation du principe général de cette face arrière. Et l’E-Legend nous en propose, donc, une nouvelle interprétation, dont on peut saluer l’incroyable justesse. Des Peugeot actuelles, on retrouve aussi le principe de l’I-cockpit, avec petit volant implanté bas, et combiné d’instruments numérique situé au-dessus de la jante du volant. Il semble que ce soit le principe directeur des tableaux de bord de la marque pour un bout de temps, et ils ont raison : c’est identitaire, c’est efficace, et ça permet des intérieurs spectaculaires. Ici, simplement, on a une idée de ce que ça pourra donner quand on pourra se passer, au moins ponctuellement, du volant. Et l’ensemble de cet intérieur parait extrêmement abouti, tout en relevant de l’imaginaire, surtout en ce qui concerne la présence d’écrans gigantesques, qui envahissent littéralement l’espace de ce coupé. Mais il y a peut-être quelque chose d’intéressant dans l’horizontalité du mobilier, dans la console centrale réduite à se plus simple expression, dans l’espace dégagé par cette conception. On pourrait imaginer que de tels principes soient repris, sur une 208, ou une 308 par exemple. 

Flashforward

Mais alors, qu’est ce qui, dans cette Peugeot, nous parle d’avenir ? Il me semble que c’est l’avant qui s’en charge. Tout en faisant mine de ne pas le faire, dans sa façon de convoquer le passé, dans le regard, dans le bouclier, mais aussi dans le logo choisi, qui nous ramène carrément à la berline 404. Remarquons un détail : ce concept ne porte aucun numéro. Il n’est pas assimilé à la série 300, ni au niveau 500. On va maintenant revenir sur une information qu’on a croisée sur les informations déjà données dans la presse à propos de la 308 MK3. On sait, ou on croit savoir, que sa face avant sera différente de ce que nous connaissons sur les modèles actuels, y compris ceux qui viennent de sortir. On parle de blocs optique de dimension relativement réduite, qui seraient installés dans un espace ouvert sous le capot. Une image valant mieux, sur ce point, que des mots un peu confus, on pourrait avoir simplement en tête le dessin de la face avant de l’Alfa Roméo 159. Deux ou trois dessinateurs se sont essayés à proposer une visions de ce que ça pourrait donner, et jusque là ça n’a pas été très réussi. Mais on va avancer cette hypothèse : et si ces phares, cette calandre, le dessin de ce capot et de ces ailes, c’était tout simplement le dessin de la prochaine 308 ? A vrai dire, ça me semble tellement potentiellement évident (et ok ok, je sais, ce qui est évident l’est absolument, et pas seulement « potentiellement), que je suis surpris de ne lire nulle part cette hypothèse. Je la pose pourtant ici, ne serait que comme une note pour plus tard. Les concepts chez Peugeot comme ailleurs, sont rarement gratuits. Et il serait possible de voir là une prémonition, un premier clin d’oeil de ce que la compacte sochalienne pourrait devenir. Au-delà, la possibilité de voir un véritable coupé décliné de ce concept pourrait être intéressant. Mais là aussi, on pourrait tout à fait imaginer qu’il le soit dans la gamme 300 plutôt que dans la gamme 500. Et d’une certaine manière, il pourrait faire penser, dans son gabarit apparent, au cabriolet 306, qui lui aussi fait partie des quelques Peugeot de « niche » qui ont été particulièrement réussie. 

Autre direction dans laquelle pourrait se glisser la méditation sur ces photos : on pourrait aussi voir dans cet E-Legend une démarche que Volvo a suivi, aussi, pour réaliser, révéler et finalement commercialiser le coupé Polestar. On pourrait imaginer que chez Peugeot, on se soit intéressé à cette démarche, et qu’on tente, au moins virtuellement, le coup. Ca expliquerait le logo distinct du lion porté par les autres modèles. Mais alors, si une telle voie était suivie, autant dire que ce serait, a priori, la fin des espoirs de DS, qui serait totalement cannibalisée par un tel projet. 

Vers l’infini, et au-delà

On pourrait écrire mille autres choses. S’arrêter sur le dessin très étonnant et intéressant des passages de roue, sur le retour des pare-chocs, sur tout le travail effectué autour de la convivialité de l’auto, avec ces afficheurs insérés dans le montant de custode qui accueillent le conducteur; on pourrait aussi disserter sur le fait que l’intérieur bleu dont on pensait qu’il serait un trait spécifique de la DS3 Crossback se retrouve, finalement, mis en oeuvre dans ce concept Peugeot, sur le fait que, quand on voit la classe dont fait preuve cet intérieur (je mettrais peut être un bémol sur les instruments qui surplombent le volant, dont l’apparence pourrait peut-être, faire preuve de plus de recherche, mais je chipote), on se demande un peu ce qui pourrait bien rester à DS à l’avenir. On pourrait, aussi, parler de choix que je trouve vraiment intéressants, comme le système de ceintures embarquées sur le siège, mais qui exigent deux verrouillages de la part des passagers. A priori, ce n’est pas pratique, mais j’aime réfléchir au fait qu’une voiture puisse imposer une gestuelle, une sorte de rituel dans certains de ses usages, et je pense qu’en réalité, on est prêt à certaines contraintes si cela peut créer une façon spécifique d’être dans un rapport physique avec sa voiture. C’est aussi ce qui fait que c’est cette voiture et pas une autre. 

Il y aurait mille autres choses à dire, mais la passion suscitée par ce modèle fait que, ce matin, j’ai déjà beaucoup lu certaines d’entre elles, de la part des sites qui ont pu accéder à ce modèle avant qu’il soit dévoilé; Et je suis content, tout en étant évidemment jaloux, que les rédacteurs de Theautomobilist aient pu accompagner la création de ce beau concept, et aient pu sortir leur site de l’hibernation frustrante dans laquelle il semble se trouver ces temps ci pour mettre en ligne le résultat de ce travail de suivi, avec des photos exclusives, des infos passionnantes. C’est tellement bien et beau que je ne copie colle aucune de leurs photos, je vous renvoie à leur article, qui m’enthousiasme parce qu’il est ce que j’aimerais pouvoir faire (oui, évidemment, c’est un peu frustrant, aussi). 

Reste le passage au réel, et pour cela, il y a maintenant peu de temps à attendre avant que le Mondial de l’auto ouvre ses portes. Nul doute que ce coupé E-Legend y jouera le rôle de vedette, et peut-être même de star. On se dira forcément qu’il reste peu de place pour les autres marques du groupe, et on aura sans doute raison. Le succès appelle le succès. Mais ce n’est peut-être que partie remise. A Genève, Peugeot mettra sans doute davantage l’accent sur le produit, et un peu moins sur les concepts. Peut-être que chez Citroën et DS, sans oublier Opel, on aura alors l’occasion de montrer de quoi l’avenir sera fait. 

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