Retour vers le futur

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2018 Opel GT X Experimental

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Il y a quelques jours, on se demandait quel timing Opel allait suivre pour révéler totalement son concept GT X Experiment ; pendant le Mondial de l’Auto pour compenser son absence lors de ce grand rendez-vous ? Durant l’automne ? Finalement, il n’a pas fallu attendre longtemps avant de découvrir ce qui se cachait sous ce voile qui ne dévoilait, il y a quelques jours, que la nouvelle calandre emblématique de la marque. 

Sur un malattendu

Et il s’avère donc que le GT X Experiment est, tout compte fait, un concept de petit véhicule haut sur ses roues, une sorte de baroudeur des villes, quelque chose qui pourrait faire un peu penser à un Mokka qui se serait inscrit au cours de zumba et aurait suivi assidûment les séances tout l’été pour débarquer au bureau à la rentrée avec un air nettement plus dynamique et enjoué, se permettant même de jouer un tout petit peu les crâneurs. 

C’est bien, mais il faut se méfier, quand même : les amateurs d’automobile fantasment quand même plus sur les coupés GT que sur les SUV urbains. Et leur faire miroiter l’objet de leurs rêves pour leur présenter quelque chose de plus réaliste, c’est mettre le doigt là où la déception peut éventuellement faire un peu mal, et on lit sur les forums, dans quelques commentaires, l’expression de cette frustration. Maintenant, si on veut bien comprendre qu’Opel se trouve à un moment un peu particulier dans son histoire, après avoir été reprise par PSA, et si on en déduit qu’il fallait que la marque réponde à la question, souvent posée depuis des mois, de son identité future, on comprend que, à la question « Qu’est ce qu’Opel, au sein de PSA ? », on ne donne pas comme réponse « Une marque qui produira des coupés GT », parce qu’on comprend bien que telle ne sera pas la définition de la marque à l’avenir. Le GT X Experiment doit, tout en permettant de rêver un peu, faire preuve de réalisme, et c’est ce parti-pris qui peut décevoir certains. Mais ce qu’on perd en fantasme, on le gagne sans doute en perspectives d’avenir. 

Sa place dans le groupe

La première chose qu’on se dit en regardant le profil de ce concept, c’est que chez DS, on a vraiment eu raison trop tôt en surélevant la DS4. Parce qu’à quelques centimètres près (la vingtaine de centimètres de porte-à-faux que le passage à la production en série rendraient nécessaires), le GT X présente un volume assez comparable à la compacte de chez DS. Mais le temps ayant passé, et les esprits s’étant accoutumés à cette idée de percher les voitures plus haut sur leurs roues, le concept Opel peut oser assumer pleinement ce style, et arborer quelques détails qui évoquent le monde du « allroad » et du « offroad », tout particulièrement autour des trains roulants, avec des pneus d’autant plus sculptés qu’ils sont carrément mordus par les flasques de jantes qui viennent simuler une dimension plus importante qu’elle n’est en réalité (on est sur du 17′, qui simule du coup carrément du 20). Un détail qui ne risque vraiment pas de passer le stade de l’industrialisation, tout comme les centres de jantes constitués d’un écran affichant le logo de la marque demeurant imperturbablement horizontal. Les ailes, pour leur part, sont pourvues d’extensions noires formant, sur la carrosserie, une encoche qui fait penser à l’effet de style produit par le concept Cactus présenté avant la commercialisation du modèle, dont les passages de roues étaient dessinés de la même façon. 

Et, à vrai dire, c’est là une des sources du trouble que cause ce concept dans l’identité et la place respectives des marques au sein du groupe PSA : Le GT X a quelque chose de la simplicité et du côté « retour à l’essentiel » de la C4 Cactus, airbumps en moins. Pourquoi pas, mais alors, une nouvelle fois au sein du groupe, la question est : quelle est la place de Citroën, si Opel doit être à PSA ce que Skoda est à VAG, une touche de style en plus ? On veut bien que ces histoires d’identités puissent être pleines de nuances et de subtilités imperceptibles, mais on imagine que chez Citroën, on puisse regarder le concept Opel en se disant que, tout de même, il y a là quelque chose qui s’inspire beaucoup de ce qui était censé, encore hier, constituer les gènes de la marque aux chevrons. Il ne faudrait pas que, systématiquement, les nouvelles entités PSA viennent piller les bribes de constructions identitaires auxquelles Citroën tente de s’accrocher pour se reconstruire. 

Maintenant, est-ce aux bureaux de style Opel de se préoccuper des errances de style de Citroën ? Pas forcément, mais il faudra bien un jour qu’au sein de chaque marque, on sache clairement dans quelle direction on oeuvre.

Dans les grandes lignes

 

Oublions les autres marques PSA, et faisons comme si Opel était une marque indépendante, alors on se rend compte que ce concept ne tombe pas non plus du ciel dans l’histoire de la marque. Le dessin du pavillon, par exemple, est celui qu’on connaît déjà depuis la sortie de l’Adam. On devine que, stylistiquement, il ne doit pas être facile à gérer pour les designers, parce que le dessin particulier de la custode contraint, également, le style de toute la face arrière. Ici, l’équipe ne se sort pas trop mal de cette contrainte. Ce type de toit qui simule graphiquement un pavillon flottant trouve là une expression plus fluide et naturelle, et on espère que la ligne jaune qui dessine cet artifice trouvera une déclinaison en série qui ne se limite pas simplement à un jonc chromé. L’utilisation de la couleur, sur ce concept, est suffisamment intéressante pour qu’on espère en retrouver des traces sur les modèles vendus à la clientèle. 

Mais le trait marquant de ce concept, c’est le fameux « vizor », cette visière qui recouvre la totalité de l’ouverture pratiquée dans la face avant. Avec le passage à la 3D, et surtout avec la matérialisation de ce dessin, on peut se faire une idée plus précise de ce que ça donnera, « en vrai ». Et ce que cette révélation révèle le plus, il me semble, c’est que « ça brille ». Du coup, cette visière en plexi n’apparait plus, comme sur les images dont on disposait jusque là, comme un « trou » béant, mais plutôt comme une surface en relief, une sorte de bulle derrière laquelle sont placés les divers éléments techniques qu’on trouve sur la face avant d’une voiture. Aérodynamiquement, ça permet sans doute de compenser les contraintes provoquées par une calandre qui, sinon, serait « inversée » par rapport à l’écoulement naturel de l’air vers le capot. Ce qu’on peut dire, c’est que l’effet de férocité entrevu sur les premières images disparaît un peu sur la version finale de ce détail. Sur un concept de petit SUV urbain, ce n’est pas très grave, l’ensemble conservant un caractère certain. Il faudra voir comment cet ensemble parviendra à s’adapter à des silhouettes censées en imposer un peu plus, comme un grand SUV ou une berline statutaire. 

Ce qu’il faudrait définir, c’est jusqu’où ce dispositif doit aller. Par exemple, on est un peu circonspect vis à vis de l’affichage numérique qui semble indiquer le taux de charge des batteries, situé bien exposé à – en gros – tous les dangers de la route réunis, quasiment sur le bas de caisse. Ne serait-il pas plus malin d’utiliser le Vizor pour diffuser ce genre d’information, un peu sur le modèle de ce que proposait le concept Urban EV de Honda. Il y a là une réflexion qui semble devoir être menée plus loin que ce que propose le GT X pour le moment.

Idem pour l’autre concept stylistique de ce véhicule : le Pure panel, cette surface vitrée qui fait écho au Vizor, devant le conducteur, en projetant les informations nécessaires à la bonne marche de la voiture. Visuellement, c’est beau, et ça permet de proposer un intérieur très épuré, débarrassé de toute forme de superflu, et ce jusque sur les contre-portes, qui ne sont rien d’autre, ici, que la face intérieure de la porte, puisqu’elles ne comportent ni interrupteurs, ni hauts-parleurs ni même de poignée. Ca me fait penser au fait qu’à chaque fois que je monte dans un Über, et qu’il s’agit d’une Skoda, je me dit que ces contre-portes minimalistes semblent tout de même bien vides, et que c’est la partie de la voiture qui fait quand même un peu cheap. Le concept Opel assume pleinement cette sobriété, ce qui rend le principe esthétique, et presque saisissant de sobriété. Maintenant, sur l’ensemble du dessin intérieur, ce beau principe a une conséquence : si on n’est pas le conducteur, on n’a rien à toucher. Et c’est un caractère paradoxal du GT X Experiment : il semble entièrement tourné vers le conducteur, et le passager avant lui-même est privé de tout accès à quoi que ce soit. Si même les coupés individualistes évitent de pousser à ce point la focalisation sur le conducteur, on peut se demander quel sens cela peut avoir sur un véhicule qui s’adresse a priori majoritairement à des couples sans enfants désireux de pouvoir embarquer, à l’occasion, un couple d’amis aux places arrière. C’est une raison suffisante pour douter du maintien à l’identique d’une telle proposition stylistique. D’autre part, la simplicité a ses limites, et le volant va peut être un peu trop loin dans cette direction, abandonnant semble-t-il, toute autre fonction que la direction de l’auto. Si conceptuellement, on peut trouver intéressant que chaque partie de l’auto revienne à sa fonction première, il n’en demeure pas moins qu’un SUV urbain n’est pas destiné à distiller une expérience de conduite hors du commun, et qu’il n’y a donc pas de raison pour que le conducteur se voit contraint, comme un pilote, à se concentrer uniquement sur le placement de ses mains sur le volant. Tout le monde a pris l’habitude d’accéder à de nombreuses  fonctions via le volant. Revenir en arrière ne semble pas forcément pertinent, et même si l’interface pilotée depuis le dispositif situé entre les sièges semble intéressante, on ne pense pas qu’elle puisse remplacer tout à fait les accès directs via le volant. Ici aussi, on éprouve dans cet intérieur un trouble identitaire, provoqué par la volonté de « retour à l’essentiel », qui fait un peu ressembler ce GT X a une voiture Citroën telle qu’elle serait  conçue aujourd’hui si le Cactus avait connu le succès. 

En avoir sous le capot

Et puisqu’on parle de formes et de fonctions, j’avoue être un tout petit peu circonspect face au profil du GT X. Pourtant, je le trouve assez réussi et équilibré. J’y vois même une certaine puissance, un certain dynamisme. Mais voila : ce concept est censé être mû par la fée électricité. Donc, sous le capot, il n’y a tout simplement, rien. Et ce serait bête de déséquilibrer l’engin en y stockant les batteries, alors qu’il est possible d’abaisser le centre de gravité et de gagner de la place en glissant tout ça le plus bas possible, sous l’habitacle. Donc, ce compartiment moteur, qui devance fièrement la cellule habitable, est là pour de strictes raisons esthétiques, parce que c’est encore ainsi qu’on se figure ce que doit être une voiture. Mais c’est dès lors un simple simulacre. On sait que le design, c’est parfois l’art de la dissimulation, ou de la simulation, mais si l’électricité doit, au moins pour un temps, être l’énergie qui va propulser les voitures, il serait peut-être bon que la forme des voitures se mette au diapason de leurs caractéristiques techniques. Si encore aucune marque ne s’était pliée, parfois avec réussite, à l’exercice, on pourrait comprendre qu’il faille camoufler la propulsion électrique dans une apparence de voiture thermique, pour faire passer la pilule. Mais certaines marques pourtant réputées pour leur savoir-faire comme motoristes (on pense à BMW tout particulièrement), ont lancé de véritables gammes électriques en créant, de toute pièce une forme qui colle comme une seconde peau à cette définition technique nouvelle.

On va cependant nuancer cette critique. Le GT X n’est pas l’annonciateur d’un modèle conçu comme exclusivement électrique. Chez PSA, on préfère proposer, à l’avenir, une déclinaison électrifiée, sous une forme ou sous une autre, de chaque modèle sortant, ce qui peut expliquer ce choix. Mais cette façon d’annoncer un concept de voiture électrique, et de lui donner une forme de véhicule thermique sème une sorte de confusion, puisque le concept lui-même paraît mal conçu, mal défini, ce qui constitue une sorte de comble. 

L’avenir, c’était mieux avant

Enfin, il y a quelque chose d’intéressant sur ce concept, mais c’est un aspect un peu paradoxal. D’un côté, il présente les gimmicks habituels des concepts cars : carrosserie absolument lisse, dénuée de tout ce qui vient généralement ponctuer la ligne d’une auto : poignées de portes, rétroviseurs, découpages des ouvrants (autant dire que les portières d’un véhicule de série ne seront pas articulées à l’amont des passages de roues comme ils le sont ici), scindage des parties vitrées afin de permettre leur ouverture, etc. Ici, puisque le maître mot de ce dessin, c’est la fluidité, ce sont autant d’éléments dont le dessin se passe et qui, une fois ajoutés à un modèle réel, viendraient totalement rompre cette belle forme en brisant son harmonie de sculpture abstraite. Et ça pose un problème : si ce concept pose l’identité visuelle des Opel à venir, alors en ce qui concerne leur profil, cette identité est tout simplement impossible à produire. C’est embêtant. Et on doute qu’Opel soit suffisamment jusqu’au-boutiste pour faire passer le dessin avant toute autre forme d’exigence, comme l’a fait Citroën en osant refuser au Cactus des vitres arrières ouvrantes afin de préserver le design de ce modèle,  en provoquant les émois qu’on sait.

Mais ce qui est plus intéressant, c’est que le GT X comporte d’autres éléments inhérents aux showcars, tels que les portes antagonistes, ou le pare-brise ultra panoramique puisqu’il ne fait qu’un avec le toit vitré. Des détails dont les marques aiment bien équiper leurs concept-cars, et qu’elles s’empressent de supprimer au moment de passer à la série. Pourtant, dans le cas particulier d’Opel, le problème se pose en d’autres termes, car les portes antagonistes et le pare-brise panoramique, ce sont des équipements que le marque a proposés en série, et sur des modèles grand public, par le passé. L’Astra OPC, présentée au Mondial de l’auto 2004, proposait déjà un tel toit, et le modèle vendu en 2005 pouvait être commandé avec cette option. A l’époque, c’était tout simplement le seul modèle de la production mondiale à pouvoir être ainsi équipé. Et L’Astra J, sortie en 2009, proposera encore cette option. Ainsi, ce qui chez les autres constructeurs était inexistant ou carrément exceptionnel, fut un temps normal chez Opel. 

Les portes antagonistes, on les trouve elles aussi dès 2008 chez Opel, sur le Meriva. Appelé Flexdoors, le système propose des portes avant à ouverture classique, et des portes arrière qui s’ouvre en mode « suicide », vers l’arrière, à 90 degrès, facilitant, paraît-il, l’accès aux places arrière, l’installation des enfants, le chargement des objets encombrants. A l’époque, seuls le Mini Clubman,  la Mazda RX8, la Rolls-Royce Phantom et le Nissan Navara King-cab proposaient une telle configuration, avec des spécificités cependant : une seule porte latérale pour le Clubman, qui joue l’asymétrie, et une absence de montant central pour la plupart, alors que le Mériva et la Rolls, eux,  s’ouvrent sur un espace coupé en deux par ce montant, ce qui retire une bonne part de l’intérêt de cette ouverture, mais amène la possibilité d’ouvrir les portes arrière sans avoir à ouvrir celles de devant. Et après tout, si Rolls Royce le fait comme ça…  Le design est toujours une affaire de compromis. 

Ce qui est intéressant, ici, c’est que lors de la première décennie du 21ème siècle, Opel proposait donc ce qu’on ne trouvait nulle par ailleurs dans la production automobile. Ce qui est frappant dès lors, dans le concept proposé, c’est qu’on devine, par avance, que ces détails, qui font partie du charme et de la définition du concept GT X, seront coupés au montage au moment de sortir un modèle sur le marché. En partie pour des raisons de coûts, en partie parce que la marque pourra sans doute difficilement imposer des équipements dont ne seraient pas dotés Peugeot, Citroën et DS. En écrivant cela, je dois préciser que, après tout, Citroën aussi a proposé des pare-brises panoramiques, et on voit bien que, sur la C3, le passage de relais a fait disparaître cette option, et que la verrière du C4 Picasso (also known as C4 Space Tourer) disparaîtra à son tour lors du non renouvellement de ce modèle. A l’avenir, un tel équipement aura comme lors de la réapparition des portes qui s’ouvrent dans le « mauvais » sens, un parfum « rétro ». Et ce doit être étrange, pour les designers, de travailler sur des définitions de produits qui sont possibles, puisqu’on les a déjà produites, mais qui ne franchiront cependant pas le cap de la production. Ce pare-brise panoramique, ces portes antagonistes, dans le vocabulaire stylistique Opel, ce sont de véritables retours vers le futur. 

Si on résume, on se retrouve devant une sorte de paradoxe : ce que ce concept propose d’essentiel sur la forme disparaîtra avec la mise en série, exception faite, sans doute, d’une calandre réussie, mais qui ne fera pas tout. Par ailleurs, le concept fait référence à des dispositifs qui ont déjà existé chez Opel, mais qu’on ne retrouvera plus sur les modèles prochains, puisqu’ils ont disparu des modèles récents. Difficile, dès lors, de se faire une idée claire de ce à quoi ressembleront les modèles à venir. En revanche, ce dont témoigne le GT X Experiment, c’est de l’énergie, et de l’envie qu’on a, chez Opel, de tracer de nouvelles lignes. Il semble cependant que, maintenant, il faille faire de ce dessin quelque chose qui s’approche plus d’une identité globale, et ça, ça passera par une ligne de produits, un véritable concept. En y réfléchissant, on comprend pourquoi ce concept est tel qu’il est. En revanche, on peut se demander si le grand public, en découvrant cette proposition, verra plus clair dans ce que la marque compte lui proposer à l’avenir. Mais peut-être, finalement, y a t-il là une sorte de respect pour l’histoire de cette marque qui a souvent louvoyé entre les styles et les orientations, en réussissant à ne jamais en choisir une pour de bon. 

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