I love you with my Ford

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Toutes choses égales, par ailleurs

 

On s’intéressera ici à la publicité, prochainement, et sans doute régulièrement. Pour faire la part des choses, entre le cirque des marchandises, et l’automobile peut parfois faire partie de cette ménagerie, et la culture auto elle-même, qui peut parfois se situer au dessus de la simple société du spectacle. 

Parfois, la publicité est le tarmac depuis lequel se lancent les véritables oeuvres. C’est en fait le cas de la majeure partie du pop-art, qui sera finalement le seul courant artistique à ne pas prendre, a priori, la forme publicitaire de haut, préférant l’embarquer toute entière sur les sommets de la représentation, c’est à dire, en fait, au-delà de celle-ci, puisque l’art dans ses formes les plus élevées, est pure présentation, et non fac-similé d’un modèle absent.

James Rosenquist fait partie de ceux qui saisirent dans la représentation publicitaire les formes de son art, et les propulsèrent vers d’autres sphères. Il était bien placé, professionnellement, pour discerner dans la réclame ce qui ne se réduisait pas au produit. Couleurs, courbes, contrastes, lettrages, rares étaient ceux qui  mieux que lui savaient rendre sur une si grande échelle la présence des matières, le brillant des textures, le scintillement de la condensation sur les bouteilles sortant du frigidaire. Rosenquist peignait des monuments, des fresques immenses à la gloire des produits de son temps. Boissons, aliments, cosmétiques, meubles, les marchandises passaient toutes sous son pinceau ; toutes, c’est à dire, aussi, la reine d’entre elles : la bagnole. 

Mais parallèlement, il puise dans ce qui n’était, au début, qu’un boulot. Il en tire des échantillons, des motifs, qu’il accole les uns aux autres,  pour produire des formes nouvelles, non-marchandes, contre-productives, purement esthétiques, et non plus séductrices. Ce sont des collages gigantesques, faisant se percuter des éléments de réclames publicitaires comme on ferait des crash-tests un peu au hasard, pour voir. Des hymnes immenses au non sens de la dispersion de la matière dans la marchandise et du divertissement des esprits. Et au passage, ou plutôt dans ce passage, on croise des bagnoles qui, parce qu’elles sont désormais pures images, formes absolues, contrairement à ce qu’on veut souvent leur faire dire, ne diffusent plus aucun message. Une ford, surplombant un visage, qui surmonte des spaghettis. Ce n’est pas du surréalisme. C’est simplement le réel, la mise à plat de toute chose, la mise à sac du monde. Oublions que les oeuvres se vendent. En s’élevant au dessus du marché, les formes des marchandises et des marchands sont la représentation de l’indifférenciation généralisée. Et ce faisant, Rosenquist permet au monde d’échapper à l’indifférence. 

Vendredi 31 Mars 2017, James Rosenquist mourrait. Désormais, tout lui est égal. 

 

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