Premium – à propos du DS7 Crossback

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Premièrement, qu’est-ce que le Premium ?

« Premium, c’est quand même un prix plus élevé que un marché de généraliste comme Renault ». C’est Michael Van den Sande, le PDG d’Alpine qui donnait cette définition du « premium » dans une interview donnée à la fantastique émission consacrée à la passion automobile, Petites Observations Automobiles. Il faut préciser son propos : il s’agissait pour lui de distinguer luxe et premium, afin de montrer que la berlinette Alpine appartiendrait à la deuxième de ces catégories, et pas à la première. 

 Cependant, la façon dont Michael Van den Sande définit le premium est assez éloignée du concept marketing auquel on est habitué, puisqu’elle est fondée sur un contenu véritable : il le dit lui-même, le bagage technologique de la berlinette est tel qu’elle coûtera cher, mettant ce petit coupé hors de portée des bourses de la moyenne de la classe moyenne. Pour lui, donc, ‘premium’, ça désigne un type d’objets, en l’occurrence des voitures, qui se distinguent par des caractéristiques techniques telles qu’ils ne peuvent pas être accessibles au plus grand nombre. 

Fort bien. Il peut appeler ça ‘premium’ si il veut, mais en réalité, ce qu’il définit, c’est tout simplement une voiture honnête, qui est à la hauteur de son prix, qui ne se fonde donc pas sur un concept qui serait comme détaché de ce que le client a, finalement, en mains. En réalité, il ne peut pas vraiment le dire comme ça, mais si sa définition est juste, alors il faut admettre qu’il y a deux types de premium, l’un qui en donne pour son argent, et qui en coûte pas mal, de l’argent, et l’autre qui fait payer l’idée que la clientèle se fait de ce qu’elle achète, sans que cette idée corresponde en fait très clairement au contenu réel de la marchandise, et donc à son coût de production. 

Ce qui marche, en fait, commercialement, c’est de vendre un peu trop cher un objet sur lequel plane une notoriété apportée par une histoire, un patrimoine que la marque a acquis peu à peu et qui vient apporter à tous les objets vendus une aura que ces produits, seuls, n’auraient pas pu générer. C’est un peu ça une marque premium : un univers qui baigne dans une ambiance très haut de gamme, quand bien même la plupart des objets vendus ne méritent pas le prix qu’ils coûtent, prix qu’ils ne pourraient afficher s’ils n’appartenaient pas à une gamme qui, dans le passé et au présent, contient quelques éléments éminemment prestigieux. En fait, quand on entend ‘premium’, il faut comprendre ‘surclassement’, possibilité d’entrer par la petite porte dans une partie « grand public » d’un club réservé à quelques happy-fews. 

Ainsi, si Audi est sans doute l’archétype d’une marque premium, c’est parce que la marque a su proposer peu à peu des modèles à la hauteur de ses prétentions, les dépassant même souvent. A partir du moment où a été proposée l’Audi 200, la machine était lancée : l’artifice des phares dédoublés, des jantes distinctives qui posaient mieux la voiture sur ses roues, et une mécanique, surtout, capable d’emmener cette berline classique bien plus vite que la plupart des autres automobiles de l’époque, il n’en fallait pas plus pour que, sur la base d’une image de marque floue, se dessine la définition d’une marque nouvelle. Aujourd’hui, n’importe quel modèle Audi bénéficie de cette aura. Les qualités des modèles d’exception irradient dans les modèles qui n’ont pas ces qualités, et c’est ce qui fixe leur prix à la hauteur qu’on connaît. Mieux encore, les packs RSline permettent, à moindre frais, de donner à n’importe quel modèle à la mécanique placide l’allure d’une version de pointe, sans pour autant lui en donner les performances. « A moindre frais » est en réalité un peu faux : ce genre de panoplie n’est pas donné pour l’acheteur, quand bien même il ne s’agit que de cosmétique. Mais en l’occurrence, il faudrait distinguer désormais deux branches du premium : celle qui correspond à une réalité, et celle qui ne reprend, de la réalité, que la forme, en délaissant le contenu. 

Or, la catégorie ‘Premium’ devient encore plus ambiguë quand elle est investie par des marques qui n’ont pas de modèles suffisamment prestigieux pour pouvoir irradier sur les produits modestes. Parce que si, à la rigueur, on peut acheter une Audi A4 bêtement motorisée par un diesel tout à fait standard en se disant qu’après tout, elle a grâce à un pack cosmétique l’allure d’une version de pointe, et qu’on bénéficie, en plus, du savoir faire des motoristes maison ; si même, à la rigueur aussi (et il faudrait lire l’expression avec une nuance supplémentaire de doute dans la voix encore), on peut admettre qu’il se passe quelque chose de ce genre chez celui qui achète une Golf, par exemple, parce qu’il sait que la marque Volkswagen est toute entière irradiée par sa grande soeur Audi, et qu’il bénéficie de cette aura, ce qui le rassure au moment de passer à la caisse, qu’en est-il de celui qui achète une Peugeot, aujourd’hui, alors que cette marque veut être considérée comme ‘premium’ plutôt que ‘généraliste’ ? Qu’y a t-il, dans le passé récent de la marque, qui soit suffisamment prestigieux pour qu’on puisse trouver ça justifié ? Certes, il y a une version affûtée du coupé RC, qui pourraient justifier ce genre de positionnement, mais il fait figure d’exception, et puis qui connaît ce modèle s’adressant, en fait, à quelques passionnés ? Et qu’en est-il quand une marque sortie de nulle part cherche à entrer directement dans la cour des grands sans avoir encore rien prouvé, et sans avoir, dans son catalogue, quoi que ce soit de véritablement exceptionnel à proposer ? C’est la question que posent, de plus en plus les modèles proposés par la marque DS

 

 DS, la marque qu’un nom pour patrimoine

On sait que PSA a créé DS dans une optique clairement ‘premium’. Mais la question, depuis que la marque existe et plus encore depuis qu’elle a largué les amarres du port ‘Citroën’, c’est de savoir si elle les moyens d’assurer pleinement ce statut. Jusque là, il n’y a pas grand chose, techniquement, qui permette de faire la différence entre une DS et un autre véhicule produit par PSA. Il n’y a pour le moment qu’un emballage différent, qui n’est en réalité pleinement exploité que sur la DS5, le vaisseau spatial dans lequel DS a mis tout ce qu’il sait vraiment faire, c’est à dire, en gros, de l’ambiance. 

Problème : cette ambiance ne plait pas au plus grand nombre, quand bien même elle est, sur la DS5, géniale. L’engin n’est pas donné, et techniquement, à part une version hybrid4 à quatre roues motrices plutôt intéressante mais peu connue, il n’y a rien qui permette à DS de se démarquer de ses cousins proches. Autre problème : la DS5 a été témoin du passage de relais entre Citroën et la marque qui doit constituer son spin off. Or la version Citroën est définitivement plus belle que le modèle restylé pour devenir pleinement ‘DS’. Un comble. 

Un comble qui se confirme dans les concept cars : la plus belle face avant dessinée jusque-là, la plus impressionnante et la plus prometteuse demeure celle de la Metropolis. Depuis, on sent que la marque se cherche, tourne autour d’Audi trop peu discrètement pour que ça ne se voit pas. Mais chez DS, on semble vouloir mettre la calandre devant les moteurs, on fait les choses un peu à l’envers. Si on regarde comment le style Audi s’est véritablement constitué, c’est une donnée technique qui l’a commandé : l’aérodynamique. A partir des Audi 100 MKIII, les gènes du style Audi étaient évidents, et encore aujourd’hui, on peut considérer que les modèles aux anneaux en sont héritiers. La légitimité de la forme vient de sa fonction. Sur une DS, il n’y a rien de ce genre. La marque fait du style pour faire du style, tente des formes, mais celles-ci ne semblent dictées par aucune nécessité, ce qui empêche d’accéder à la beauté. Au mieux, une DS est plaisante à voir. Mais si on se souvient de ce que fût, réellement, dans l’histoire, la Citroën DS, on sait ce que ça veut dire, en design, une forme dictée par la fonction. Et les modèles DS actuels sont, sur ce point, très loin du compte.

Le cas particulier du DS7 Crossback

Le DS7 Crossback qui s’annonce, puisqu’on en a maintenant les grands traits, risque de confirmer nos craintes. Certes, il sera doté d’une suspension d’un nouveau genre, dont on ne sait pas encore grand-chose, dont on ne dira donc rien pour le moment, puisqu’on se méfie un peu de l’adjectif « révolutionnaire » qui lui est un peu trop spontanément appliqué par la communication de la marque. Pour le reste, on sait qu’il y aura de l’hybride. Bon, on peut le dire : des suspensions efficaces et de l’hybridation puissante, on trouve déjà tout ça chez la concurrence. Si, en plus, on considère que cette suspension demeurera, aux yeux de tous, une sorte de suspension hydraulique au rabais, on doute que la marque puisse s’appuyer là-dessus pour se démarquer radicalement de la concurrence, quand bien même on peut imaginer que le système soit très efficace.

Or le DS7 Crossback semble ne pas pouvoir se démarquer non plus par son physique qui, sans être du tout ingrat, ne semble pas pouvoir provoquer cette excitation qu’on avait pu éprouver en découvrant la DS5. On n’ose dès lors plus trop se demander ce qu’il reste à DS pour se singulariser, non seulement de ses concurrents, mais aussi de ses voisins de chez PSA.

Quand l’exception doit composer avec le goût du plus grand nombre

En fait, le problème vient sans doute du fait qu’on ait beaucoup d’attentes vis-à-vis de la marque. Nouvelle venue dans le paysage, chargée d’un nom qui évoque l’avant-garde et la radicalité automobile, on a pensé que peu à peu DS allait s’approcher de ce que son nom évoque, et proposer, je ne sais pas, quelque chose comme des voitures volantes, des vaisseaux spacieux, des fusées peut-être ou des berlines encadrées par des escadrilles de drones scannant la route devant elles pour en analyser le moindre bout de goudron. Alors, forcément, découvrir les premières images d’un DS7 Crossback qui semble plus conventionnel encore que le prototype Wild Rubis, ça ne peut provoquer qu’une grosse vague de déception chez tous ceux qui plaçaient de l’espoir dans la marque, et ce d’autant plus que les sceptiques et les narquois qui, dès le départ, n’y croient pas ou n’ont pas envie d’y croire, ne se privent pas de déverser toute leur ironie sur les forums.

Pourtant, il est probable que DS doive décevoir les passionnés, pour la simple raison que les passionnés ne sont pas suffisamment nombreux pour constituer une clientèle permettant à la marque de survivre. Et l’expérience a montré avec la DS5 que mettre sur les routes un concept-car fait se retourner les têtes, mais ceux-là même qui trouvent la voiture belle et désirable auront tendance à choisir quelque chose de plus « sûr » en termes de goûts, ne serait-ce qu’en vue de la revente. Les conventions imposent leur loi sur le marché, et toute marque est liée au marché qui est le sien, et n’a rien à gagner durablement à ne pas être, un minimum, réaliste. Ainsi, le DS7 Crossback rentre dans le rang. C’est un SUV qui ne révolutionnera pas la catégorie, ni techniquement, ni esthétiquement. Ce faisant, il ne sera pas forcément moins agréable à regarder que bon nombre de ses concurrents. Après tout, on ne supporte les SUV BMW que parce qu’on s’est fait à leur physique. Idem pour leurs confrères chez Mercedes. La proposition Alfa est plus que discutable esthétiquement, bien qu’il faille encore la voir « en vrai » pour pouvoir en juger, la Giulia passant mieux en réalité qu’en photo, alors que pour le SUV Jaguar, c’est plutôt l’inverse : réussi en photo, et étrangement « absent » quand on le rencontre en chair et en os. Le DS7 Crossback, sur ce créneau, sera juste dans la norme, n’ayant rien d’exceptionnel à proposer.

Il n’est pas laid, il a même, sans doute, une certaine prestance, et il y a quelques détails qui semblent presque avoir du charme, sur les photos de mauvaise qualité, comme le haut de calandre sans encadrement, la grille venant directement au contact du prolongement du capot. Si la jonction est soignée, cette sobriété peut être intéressante. Mais on ne retrouvera manifestement pas le travail effectué sur les proportions du vitrage pour le Wild Rubis, ni le jeu avec la ligne chromée des barres de toit de celui-ci. Quant à l’arrière, qui est une sorte de croisement entre une ligne générale piochée chez audi, un modelé déjà vu chez Renault, des échappements chipés chez Land Rover et des feux d’inspiration maison (vus sur le concept Divine), il va sembler, simplement, correct. Et ‘correct’, pour les ambitions que les passionnés ont pour DS, c’est trop peu.

De l’air pour Citroën

Faut-il, pour autant, être définitivement déçu ? Disons-le tout de suite, la réponse est non, et voici pourquoi. Que DS rentre dans le rang, c’est une bonne nouvelle pour Citroën. Il n’y a pas si longtemps, on craignait qu’il ne reste rien, en termes d’identité, à la marque aux chevrons. DS semblait avoir pillé sa maison mère, et on se demandait si celle-ci n’allait pas devenir la branche low-cost de PSA. On l’a craint jusqu’à ce que Citroën dévoile deux concepts à l’allure forte, en forme de profession de foi : l’Aircross Concept présenté à Shanghai, et la CXperience. En fait, on aurait dû deviner en voyant cette dernière que le territoire de la création et de la prospection n’allait plus être réservé à DS. Citroën est une marque exploratrice, de tous temps elle a investi des catégories qu’elle ne connaissait et maîtrisait pas encore. On ne peut, même, qu’admirer la capacité de la marque à sans cesse remettre en question ses acquis. La C5 actuelle était une voiture réussie ? Qu’à cela ne tienne, celle qui lui succédera ne lui ressemblera absolument pas ! Quelle autre marque oserait faire ce genre de pari ? Il semble qu’on se soit souvenu, chez PSA, que Citroën avait droit à être, aussi, une marque ambitieuse, créatrice de nouveaux concepts et d’un usage renouvelé de l’automobile.

Mais alors, que peut-il rester à DS ? Un des enjeux consiste à conserver à la plus jeune marque une crédibilité dans le ‘premium’ pendant que, en fait, Citroën s’emploie à ringardiser ce concept. Ce sera d’autant plus difficile que, selon les distinctions que nous avons faites plus haut, DS ne peut pas appuyer ce statut sur un véritable contenu technologique qui puisse distinguer la marque de ses concurrentes potentielles.  Le risque, désormais, c’est que DS soit un peu à l’automobile ce que Céline Dion est à la musique : une automobile faite pour ceux qui n’y connaissent pas grand-chose, qui se laissent avoir par une apparence clinquante et « comme il faut », que ce soit le choix de ceux qui ne savent pas trop quoi choisir. On sait que c’est un créneau qui peut autoriser un certain succès commercial. En revanche, ce n’est pas ainsi que la marque laissera une trace dans l’histoire. Et quand on s’appelle DS, ne pas laisser de trace dans l’histoire, c’est une faute grave.

 

Toutes les photos sont tirées du forum http://worldscoop.forumpro.fr

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