You only live twice

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Parfois, il faut s’incliner, et en furetant parmi les vidéos disponibles de la bête, je suis tombé sur quelques plans de la DBS superleggera en mouvement dans des étendues sablonneuses (à un moment, il faut bien montrer le produit dans l’environnement de sa véritable clientèle). Elles étaient mises en ligne par un compte Youtube intitulé Motoring Research, sur un fond musical absolument insupportable, mais avec un titre qui est, tout simplement, parfait : 

A brute in a suit

Pour ma part, je pourrais tuer pour un bon titre. Et il y aurait des motifs à aller zigouiller l’équipe qui tient cette chaine youtube, ne serait-ce que parce ses goûts musicaux sont une injure à la Grande-Bretagne, où elle est établie. Mais voila, ne disposant pas de temps, et demeurant un peu coincé par quelques valeurs morales, je dois simplement avouer qu’ils ont trouvé le titre qui désigne, à la perfection, l’engin que nous a concocté Aston-Martin. 

Parfaite, cette désignation l’est à deux titres au moins. 

Au premier abord, elle l’est parce que, extrapolée de la DB11, qui semble maintenant presque fluette par rapport à la nouvelle venue, la DBS en conserve les traits, mais elle semble en être une forme ultra-évoluée. On a un peu en tête, Tetsuo, au moment où, dans Akira, son corps commence à se voir amplifié par des dispositifs qui deviennent autant de prolongements de lui-même, et qu’il se trouve submergé par cet apport de pure puissance. Et dans le cas de la superleggera, on ne saurait dire si c’est une brute qui aurait revêtu une tenue de soirée, ou si c’est un gentleman qui porte un survêtement. Pour le déterminer, il faudrait parvenir à distinguer si la DBS est une amplification de la DB11, ou bien si c’est un objet mécanique absolument spécifique, qui emprunte à la précédente quelques traits, en les transfigurant. 

On se passe un instant les images de la bête en mouvement ? Elles ne sont pas tirées de Motoring Research, mais de la chaîne Sportcarnews, qui est moins forte en titre, mais a meilleur goût coté musique : 

En fait, la raison profonde de la pertinence de ce titre, c’est que ça ramène, très exactement à la définition actuelle de James Bond, tel qu’on le connait dans l’incarnation de Daniel Craig. 

Vous vous souvenez de la séquence d’ouverture de Casino Royale, le premier des films à mettre à l’image le nouveau corps de Bond ? En réalité, c’est une double séquence qui confronte passé et avenir, tradition et nouvelles perspectives. Ça se passe à Prague, et au premier abord, ça a l’air très classique. Noir et blanc, bureau, agents secrets, tiroir contenant un revolver qu’on nous montre très tôt, dont on se dit que ce sera l’issue de la séquence. Et parce qu’on en a déjà vu des tonnes, de scènes comme celle-ci, on sait déjà que, évidemment, Bond a vidé l’arme de son chargeur, et que son ennemi du jour s’en apercevra au mauvais moment pour lui, et au bon moment pour nous. Tout ça est déjà écrit. C’est la tradition. C’est le costard des James Bond, la forme élégante dans laquelle ils se présentent. Mais voila. La séquence est entrecoupée de plans en flashback sur une autre confrontation, qui se déroule de façon un peu moins conforme à ce qu’est censé être un James Bond. C’est un combat au corps à corps, c’est tourné dans un noir et blanc beaucoup plus contrasté, l’image a un grain prononcé, les blancs sont saturés, les noirs caverneux, l’ambiance est beaucoup, beaucoup moins feutrée. On voit ce cher James défoncer littéralement son adversaires dans les chiottes, le massacrant dans une cabine, l’explosant sur un urinoir avant de le noyer dans un lavabo crade. Lui-même est transpirant, suintant la rage de tout son corps, hors de lui. C’est bien simple, on ne l’a jamais vu comme ça. En une séquence, Martin Campbell a fait les présentations. He’s name is Bond, bordel. Et va falloir vous faire à quelque chose d’un peu différent de ce que vous avez connu avec Sean Connery ou Pierce Brosnan. 

A vrai dire, depuis Craig, Brosnan et Dalton font davantage penser à OSS 117 qu’à James Bond. On met Sean Connery à part. Parce qu’il est à part. Définitivement ; parce qu’il est le premier. Les autres ne seront que des remplaçants, sauf Craig, qui est un nouvel original, un nouveau corps, une nouvelle définition, une nouvelle identité. Un nouveau personnage à vrai dire. Un James Bond qui a entériné l’arrivée de Jack Bauer dans le département politique étrangère et sécurité intérieure, et qui a compris que le monde ne sera plus jamais le même. Heureusement, on ne meurt que deux fois, et son hobby – ce sont ses propres mots – c’est la résurrection.

Franchement, à la découverte de la DBS superleggera, j’ai eu la même impression que lors de cette scène inaugurale du James Bond 2.0. Le côté trapu de Daniel Craig, cette force qui peine à être contenue dans les costumes, cette rondeur musclée qui déborde presque des smokings, cette tendance qu’il a à transpirer, quasiment suppurer son excès de puissance, à sembler toujours se contraindre à l’élégance, alors que ses prédécesseurs avaient la classe naturelle, ce qui fait, finalement de lui un être véritablement cultivé, puisqu’il doit se combattre lui-même pour se contenir et correspondre à son personnage. Tout ça, on le retrouve dans la nouvelle Aston Martin. L’une comme l’autre incarnent un nouveau type, une nouvelle période, quelque chose qui constitue un nouveau commencement. Si on veut avoir une image marquante de ce que j’évoque ici, il suffit de regarder ce qui suit. C’est un montage en split-screen qui synchronise la barrel sequence de chacun des épisodes des James Bond. L’une d’entre elle se démarque, et à partir de celle-ci, les choses ne seront plus jamais comme avant. La Vantage et la DB11 étaient des cliffhangers tels qu’on en connaît dans les séries en fin de saison. Des annonces destinées à nous maintenir en haleine. La DBS, c’est la libération finale, le twist qui inaugure une nouvelle ère. 

Alors, forcément, on imagine à l’avance leur association à ces deux-là, ils semblent tellement être faits l’un pour l’autre. Ce mariage là n’a même pas besoin d’être arrangé : ils s’incarnent l’un l’autre au point de sembler ne faire qu’un : les premiers d’un nouveau type. On l’imagine déjà filant à son volant, la détruisant consciencieusement, tout comme on l’imagine déjà, elle, encore belle malgré les écorchures, les impacts de balles, les portes arrachées qu’il lui infligera. Et c’est tout de même à ça qu’on reconnaît une belle voiture : ni l’usage, ni l’usure, ni même la destruction ne peuvent en entamer la beauté. Cette DBS semble faire partie de cette race de pur-sangs qui ont besoin d’un propriétaire qui sache leur tenir tête et les malmener un peu. 

Un main de fer dans un gant du même métal. L’union parfaite. 

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