L’époque veut ça : quand un secteur doit aller de l’avant et que, néanmoins, il ne sait pas où il va, son seul garde-fou consiste à tracer des traits d’union entre son passé, parfois un peu fantasmé, et ce que pourrait être son avenir.
Opel ne déroge pas à la règle, et ce plutôt deux fois qu’une. Car si, comme toutes les autres, cette marque doit franchir ce cap un peu incertain qu’est la conversion énergétique à laquelle ce secteur industriel est contraint, elle a aussi cette spécificité plus rare de devoir trouver sa place au sein d’un groupe qui a changé de dimension juste après qu’elle l’ait intégré. On comprend que le moment impose de rappeler au public ce que furent les heures de gloire d’Opel, à travers l’évocation de modèles précis, qui sont encore suffisamment dans les têtes pour que, en les voyant, on puisse se dire « Mais oui ! Bien sûr ! Opel, c’est ça ! »

Il ne faut sans doute pas chercher beaucoup plus loin la raison d’être de cette Opel GSE Elektromod, qui est finalement une façon très simple de marquer les esprits, en signant son nom de la pointe de l’épée, d’un Z qui veut dire euh… Opel. La Manta, dans sa livrée jaune, surfe sur la vague rétrofit, qui consiste à unir le meilleur de l’ancien et du nouveau monde, et à doter des voitures auxquelles on était attaché dans le passé, de qualités techniques qui n’étaient pas disponibles au temps de leur première vie. Voici donc la Manta upgradée. Désormais, on ne redésignera plus les voitures, on les mettra à jour.
C’est exactement ce traitement qui est offert à la Manta, dont on devine la caisse originelle, conservant ainsi son petit air rétro, associée à des éléments résolument contemporains, tels que les jantes bien sûr, mais aussi la calandre Vizor prélevée sur le Mokka, améliorée par la même occasion puisqu’elle est désormais, aussi, une surface d’affichage numérique, paramétrable et donc personnalisable. A l’arrière, les feux voient leur aspect simplifié, géométrisé. Et c’est, en gros, tout. Et ça suffit ! On évoquait il y a peu le charme discret des voitures banales pour peu qu’on les équipe, simplement, de deux paires de jantes un peu plus grandes que d’ordinaire. C’est un peu la méthode suivie ici : L’Opel Manta chausse ses baskets, change son regard, et c’est soudain une autre bagnole, tout en demeurant la même. On regretterait presque qu’ils aient un peu trop fignolé leur travail : on aurait aimé un bas de caisse arrière un peu plus « brut » de décoffrage, laissant apparaître le vestige du passage réservé à l’échappement, les fixations du pare-choc qu’on a viré. Tout ça est presque un peu trop propre. La voiture semble neuve, on aurait aimé qu’elle accuse le poids des années, qu’elle donne vraiment cette étrange impression de croiser l’ancien et le neuf, le rétro et le moderne. Là, cette caisse de Manta sent un peu trop le neuf. Mais c’est aussi ça, la loi du marketing quand on s’adresse à la clientèle traditionnelle d’Opel, qui apprécie peu les concepts novateurs, et veut avant tout que les choses soient bien faites.
Et ici, elles le sont : Carrosserie épurée, contrastée jaune et noire. Roues de Mokka. Sous le capot, un bloc électrique dont on peut se dire qu’il peut se contenter de puiser dans les ressources actuelles de Stellantis. Et à l’intérieur, de la tradition, à une exception près : la Manta récupère le tableau de bord de la Mokka, avec ses dalles numériques reprenant intérieurement le motif extérieur du Vizor. Ainsi, elle marie les formes old-school, comme la façon vraiment très mignonne et même sensuelle dont ses flancs sont cintrés vers le bas, permettant aux roues de s’exprimer pleinement, et les détails contemporains, tels que le logo Manta qui est, aussi, un QR code.
L’engin est adorablement disproportionné, il a un petit air de Dinky Toy, une allure presque cartoonesque. Et peu importe : il n’est pas destiné à la production. On peut en rêver, et ce rêve est juste assez réaliste pour qu’on puisse l’entretenir un peu. Opel nous frustre tout en nous rassasiant. Normal : c’est ainsi qu’on capte l’attention de la clientèle, et qu’on la conserve. C’est aussi comme ça qu’on la fait passer à l’acte d’achat.
Et comme on n’aura pas le plaisir de se mettre à son volant, il faudra se contenter de regarder le petit coupé en mouvement dans le spot qui lui est dédié, sous la forme d’un micro-film fantastique, mettant en scène la métamorphose de la classique Manta en sa forme évoluée contemporaine. On ne le savait pas encore dans les années 70, mais cette voiture avait, déjà, quelque chose des Pokémon. Le film ne prend pas la chose très au sérieux, et ça confirme qu’Opel, dont on aurait pu supposer qu’on lui confierait le rôle de l’élève sérieuse du groupe Stellantis, compte bien s’amuser aussi un peu. Surtout, la marque montre qu’elle aussi peut s’appuyer sur un patrimoine historique pour dessiner les contours de ses modèles futurs. Loin de se contenter d’un simple pragmatisme consistant à proposer à la clientèle ce dont elle aurait besoin, la marque allemande semble bien décidée à entretenir le désir.
Et à regarder de plus près, dans les livres d’histoire qui lui sont consacrés, les autre modèles qui l’ont marquée, on se dit que cette marque pourrait nous réserver quelques surprises, maintenant qu’elle voit l’avenir en jaune.
La vidéo de nomme « First Elektromod », faut il s’attendre à d’autres modèles ? Une Lotus Omega sur base 508 PSE ? Une Calibra 4×4 avec 2 moteurs électriques ? Un Frontera hydrogène ? 😀
Sans vouloir en faire des tonnes sur le côté « on a l’air de bien s’entendre », je note que les références automobiles que tu cites sont quand même très régulièrement celles qui sont susceptibles de me mettre en émoi !
Je n’avais pas en tête la Lotus Omega jusqu’à ce que tu l’évoques, et maintenant que c’est fait elle m’apparaît comme une évidence. J’avais déjà en tête les Senator, les Commodores, mais l’Omega Lotus est quand même un des grands moments de dérapage de cette auguste marque ! Je vote pour (mais pour le coup, la motorisation de la 508 PSE semblerait soudain beaucoup trop raisonnable. Un tel modèle doit être totalement hors contrôle, inutilisable au quotidien, absolument contraignant, impossible à entretenir; et néanmoins incontournable.