De quoi le Cybertruck est-il le nom ?

In Cybertruck, Guerre, Pick-up, Tesla
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Le design est un drôle d’animal : une patte dans le réel, l’autre dans l’imaginaire. D’un côté, le s objets doivent avoir une forme. Puisque la chose est là, il faut bien que la matière qui la constitue soit contenue dans des limites matérielles. Celles-ci défissent un volume, des lignes, une frontière entre ce qu’est cette chose, et ce qu’elle n’est pas, c’est à dire le reste de l’univers. De l’autre, ces formes ne se contentent pas d’être l’amoncellement des composants de l’objet, elles ne sont pas un simple cache qui mettrait les éléments mécaniques à l’abri des intempéries et de la vue. Le corps n’est pas une simple collection d’organes, la forme de l’objet est elle aussi plus que la somme de ses parties. Elle est le tout de l’objet, ce qui permet de le reconnaître, ce à quoi tout le reste peut s’accrocher. Et puisque l’univers humain est avant tout constitué de ces formes auxquelles nous sommes à ce point habitués que nous n’y faisons plus attention tant elles sont absolument omniprésentes, aucun objet ne peut aujourd’hui prétendre se trouver en dehors du système de codes qui permet aux formes de communiquer entre elles et avec nous, de constituer un réseau de significations quand notre regard les croise, de se signaler, d’être reconnues comme le signe de telle ou telle chose, comme la référence à d’autres formes qui résonne en ce nouvel objet, qui lui donne un supplément d’âme, et de vie.

Exemple simple : une Camaro des années 2010 fait appel à la mémoire des formes des premiers modèles, ceux de la fin des années 60. Elle est un concentré d’impressions qui vont des films noirs et séries dans lesquels on a vu les MK1 lancées dans des courses-poursuites tonitruantes, roues gauche sur le goudron, roues droite dans la poussière des bas côtés, aux Transformers, ou aux clips de Gorillaz. C’est toute une époque faite de routes états-uniennes mal rafistolées, de carrosseries mates barbouillées à la poussière et à la pluie, de drive-in, de parkings de motels miteux, de bagnoles de police s’arrêtant net à la frontière entre deux états, laissant filer les hors-la-loi loin vers un au-delà qui se situe à l’extérieur de leur juridiction, tout au bout de la verticale que trace le macadam en deux voies, séparées par une ligne jaune, perpendiculaire à l’horizon. Dès lors, une Camaro aujourd’hui, c’est un mélange de visions d’armes à feu dont on a entrevu les crosses dans le coffre, sous une vielle couverture, de rock sudiste écouté bouton de volume calé sur sa droite, de passagers mutiques dont on ne sait pas trop s’ils vont bien quelque part, ou s’ils sont là pour rouler plus loin toujours plus loin, de mécaniques simples, rustiquement énormes, et énormément rustiques, faites de véritables gamelles alignées les unes derrières les autres, tellement grosses que les explosions qui mettent en branle les pistons, en elles, semblent avoir été conçues pour le jour de l’apocalypse lui-même. C’est ça, une Camaro.

Origami

Alors, c’est quoi un Tesla Cybertruck ? En apparence, c’est une boite de métal dans laquelle on a glissé des propulseurs, des écrans, un volant de K2000, des sièges. Ca s’ouvre sur les côtés, et sur l’arrière aussi, car le Cybertruck c’est aussi une benne, avec un pan incliné permettant son chargement. En dessous, il y a des roues. Elles sont grandes, mais en fait, vue la taille de l’engin, on dirait des roues de modèle réduit montées sur cette boite géométrique géante, cette pyramide blindée dont les suspensions pneumatiques permettent l’ascension, un peu plus haut vers le ciel de l’éternité. En apparence toujours, c’est une forme qui ne semble même pas avoir été dessinée. Elle paraît plutôt pliée, comme si on l’avait pressée d’un coup à partir d’une seule et même feuille de métal, sans aucune intention esthétique. Un volume entièrement caractérisé par son extrême simplicité, une figure qu’un nombre limité de robots peuvent produire à la chaîne.

Mais tout le monde voit bien qu’en réalité, il ne s’agit pas de ça. Ces formes ne sont pas l’oeuvre d’un logiciel de conception 3D qui aurait tourné tout seul. Et quand bien même elles le seraient, c’est un être humain qui aurait codé ce programme, et ce sont d’autres êtres humains qui auraient décidé de confier le dessin de ce pick-up transgressif à des machines. En fait, pour dessiner, les machines ne sont pas nécessaires. Là où elles excellent, c’est dans la sculpture, dans l’association des plans, dans la jonction de courbes, dans la conjugaison de formes qui serait impossible à visualiser par le dessin. Autant dire qu’aucune machine n’est requise pour façonner le Cybertruck, tant il est dénué de toute forme de complexité. Laissez tourner un logiciel, il vous dessinera une Lexus, ou une Lamborghini, pas un pick-up teslien.

Hé bien, la guerre

Ce sont bien des hommes qui ont dessiné ce camion benne. Et ils ont une idée derrière la tête. Cette idée, nous l’avons sous les yeux. Elle réside dans cette forme. Et cette forme fonctionne comme celle d’une Camaro contemporaine : elle fait appel à notre culture, à notre mémoire. Elle nous dit quelque chose, de sorte que quand on découvre le Cybertruck, on a envie de lui demander : On ne se serait pas déjà vus quelque part ? Attendez… Où ça pouvait bien être ? C’était pas sur le parking d’un supermarché, c’était pas non plus devant un casino, ni à la plage. On ne s’est pas vus sur une aire d’autoroute, avec les portes ouvertes sur des enfants sanglés dans leur siège auto, Maman qui déverrouille les ceintures pendant que Papa, glacière en bandoulière, prend d’assaut une des tables encore disponibles. Attendez attendez. C’était quand même bien lors d’une prise d’assaut qu’on s’est vus non ?

Pourtant, on n’a jamais fait la guerre. On ne l’a jamais faite, certes, mais on l’a vue. Sous toutes les coutures. Les guerres d’hier, celles d’aujourd’hui, et même les conflits armés de demain. Chez nous, ailleurs sur Terre, et même plus loin dans l’univers. Nous savons reconnaître les signes de la guerre. Nous en reconnaissons les sons, la lumière particulière, les tenues, les territoires transformés en théâtres d’opérations. La guerre, c’est un certain type d’hommes et de femmes, une certaine façon pour les uns et les autres de ne pas se regarder, mais de s’observer, de se tenir en respect plutôt que se respecter, de négocier plutôt que dialoguer. La guerre commence et se poursuit au-delà des phases d’attaques et contre-attaques. Hobbes le dit bien, quand il parle de « guerre de chacun contre chacun » : il ne s’agit pas seulement du moment de l’agression. Cette guerre est un climat. Comme on dit que le temps est à l’orage, on peut dire qu’on est dans un climat de guerre. C’est là, dans ce genre d’ambiance qu’on a déjà croisé les panneaux de carrosserie du Cybertruck. Aux alentours d’un champ de mines, près d’un cratère creusé dans l’asphalte par une roquette, à l’angle d’une avenue aux façades labourées par les tirs et d’un boulevard sur lequel il n’y a plus de façades du tout, juste des étages éventrés. Et en bas, un Tesla Cybertruck, benne couverte, dissimulant tout un arsenal cyber-balistique.

Mais maintenant, visualisez bien cette image : le pick-up Tesla au beau milieu d’un champ de bataille, et demandez-vous si vous y croyez vraiment. Si on le voit un jour au front, ce sera dans des œuvres de fiction. Si Maurice G. Dantec était encore de ce monde, il écrirait des batailles épiques dans lesquelles des hordes de Tesla bardées de radars, d’armes technoïdes, de techniques de riposte de haut vol déferleraient sur les terres dont il faudra bien éliminer les populations pour en établir une nouvelle, quand celle-ci aura tellement évolué qu’elle aura pourri son cher sol natal, qui ne ment pas paraît-il. Mais Dantec n’est plus là pour écrire ce genre de choses. Peut-être, dans une prochaine Guerre des mondes, un réalisateur rendra-t-il hommage au sidérant plan séquence de la fuite en Chrysler Voyager, en abritant la petite famille en voie de décomposition dans un Cybertruck en translation au milieu du désastre.

Command car

Le problème que pose le pick-up Tesla, c’est justement qu’il soit bien réel. Il est là, à vendre, commandable, accessible. Il roule, il s’ouvre, se ferme, ses écrans affichent bien des informations qui ont un rapport avec la quantité d’électricité embarquée, la hauteur des suspensions, le positionnement GPS; quand on tourne le volant, il vire, quand on appuie sur l’accélérateur, il arrache le goudron sous ses gros pneus. Il est réel, mais il semble sorti d’un énième épisode des X-Men, ou d’un film de Neill Blomkamp. Il est là, et ailleurs, ou pour le dire autrement, il amène avec lui une bonne grosse dose de fiction. Toutes les voitures marquantes le font un peu aussi. L’E-Legend de Peugeot était en même temps un concept tellement palpable qu’on a tous un peu rêvé qu’ils le fassent « pour de vrai ». Et en même temps, il drainait derrière lui tout un univers imaginaire de voitures dans lesquelles on vivrait des choses assez différentes de ce qu’on y vit jusque là. Elle avait ce fameux pied dans le réel, et cet autre pied nécessairement plongé dans la fiction. Si le petit coupé Peugeot avait existé, il aurait enrichi la réalité de sa poésie et de sa façon de concevoir le rapport entre l’automobile et celui qui s’y déplace. Le Cybertruck fait la même chose. Il amène avec lui sa dose de fiction. Et tout le monde comprend très bien ce que ça veut dire : ce qu’il amène, c’est ni plus ni moins que la guerre. Si on se demande ce qu’il cache dans sa benne, c’est en fait tout simplement ça : quand le panneau arrière s’ouvre, c’est pour déverser du climat belliqueux sur le paysage. Taillé comme un engin furtif, on peut le poser le long du trottoir de n’importe quelle avenue dans le monde, c’est comme si la guerre venait d’être déclarée et qu’on placardait les ordres de mobilisation générale sur les murs. En en rajoutant énormément dans le côté « véhicule tactique », le Cybertruck de Tesla est comme ces gars qui se trouvent plus virils quand ils se déguisent en membre des forces spéciales, treillis, paraboots, gilet tactique : en jouant au guerrier d’opérette (parce qu’on aimerait bien voir ce que devient le maousse pick-up quand il passe sur une mine), on amène dans la réalité la guerre elle-même. Et puisque le design dit quelque chose, ce Tesla là déclare, tout simplement, la guerre au monde dans lequel il est introduit.

Et on ne peut pas faire comme si de rien n’était, comme si l’époque n’était pas porteuse de cette ambiance de confrontation généralisée. Quand chaque weekend un pays en est à braquer le projecteur sur des violences épiphénoménales pour mieux ne pas regarder la brutalité et l’injustice quotidiennes dont sont victimes, justement, ceux qui le weekend passent leurs nerfs sur une cabane de chantier, un portail de ministère ou la Porsche d’Etchebest, quand on ne s’aperçoit même pas qu’il y a un problème objectif, global, dans le fait que le gilet jaune trouve dans le membre des black bloc un allié, et dans le policier un ennemi, alors même qu’en réalité, les intérêts du petit employé dont l’horizon bancaire se situe le 12 du mois et ceux du policier sont exactement les mêmes, quand on en est à assimiler les énucléations et les démembrements subis par les manifestants à la tension nerveuse ressentie par les forces de l’ordre, c’est qu’on a un très léger souci d’ambiance; c’est qu’on est dans cet état naturel des choses qu’Hobbes nous apprend à reconnaître ainsi : chacun est en guerre potentielle contre chacun, et du coup, chacun s’y prépare.

C’est la guerre

Vous avez remarqué ? Tout le monde est d’accord sur un point, à propos des gilets jaunes : leur mouvement a créé du lien social. Même Emmanuel Macron, qui a quand même dû se retrouver coursé par une petite escadrille de populeux en colère dans les rues du Puy-en-Velay, son équipe de sécurité mise en panique totale par des gens qui n’avaient pour arme que le fait qu’ils l’avaient sérieusement mauvaise, même lui n’a pas pu s’empêcher, dans son discours aux maires de France du 18 novembre 2019, de rendre hommage à ce qui s’est passé cette année sur le goudron français :  » Au-delà des revendications où nous devons apporter des réponses, les Français en sortant de chez eux, en se réunissant sur les ronds-points, ont retrouvé en bien des endroits la chaleur des liens, la fraternité, l’entraide  ». Il nous fait rire, parce qu’il ne se rend même pas compte de ce qu’il dit. Traduisons-le : les français les plus modestes sont capables, parce qu’ils endurent les mêmes souffrances, vexations quotidiennes, de s’assembler et de faire cause commune. Mieux, quand ils le font, il y a une fraternité qui émerge presque naturellement de leur sort partagé. Ce phénomène, ce n’est pas Macron qui l’a découvert. Déjà, Orwell le repérait chez les mineurs anglais, chez les combattants républicains pendant la guerre d’Espagne, Simone Weil en faisait l’expérience dans les luttes syndicales, sur les chaînes de montage des usines. Bruce Bégout rassemblait ces observations dans un petit livre passionnant, qui fait l’effet d’allumer les anti-brouillards et, soudain, illuminer le bord des routes : il s’agit de La Décence ordinaire. Et en effet, sans être particulièrement vertueux, sans faire preuve d’une quelconque sainteté, les milieux modestes sont amenés par leur condition même à demeurer dans la décence, parce qu’ils perçoivent leur interdépendance.

Dans les yeux revolver de ton maire

Mais alors, d’où vient cette impression que chacun se regarde comme s’il avait à la ceinture une arme automatique, le doigt sur la gâchette ? C’est logique : si elle ne vient pas des plus modestes, c’est qu’elle vient des plus riches. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le discours de Macron évoqué ci-dessus, prononcé devant une assemblée des maires de France qui lui a fait un accueil on ne peut plus glacial. Il n’aura même pas eu l’honneur des sifflets de la foule. Rien. Pas un bruit. Il entre dans un silence absolu, sous le regard froid de ceux dont sa politique rend la mission absolument impossible, de ceux qui sont au plus près de ces français qui n’en sont plus à être des victimes collatérales de sa politique, puisqu’ils sont, directement, visés. Si les maires pouvaient bénéficier du permis de port d’armes en France, Macron aurait dû entrer dans la salle derrière une vitre blindée.

Ceux qui diffusent autour d’eux un air de guerre, ce sont les plus aisés. Et ce pour une double raison. La première, c’est que leur richesse n’est pas indépendante du sort qui est fait aux plus modestes. La richesse doit toujours être produite, d’une façon ou d’une autre. Et pour ça, il faut de la main d’oeuvre. Le grand intérêt qu’aura eu la mondialisation, c’est de faire baisser la valeur du travail, de mettre un coup de pression à la totalité des travailleurs dans le monde, de leur faire prendre conscience que leur ciel s’assombrissait, que leur avenir devenait plus incertain, que si quelqu’un devait payer les pots cassés, ce serait eux. La mondialisation n’est rien d’autre que la première guerre véritablement mondiale. Et comme ce titre est déjà pris par un conflit qui n’était, en réalité, qu’occidental, il faudrait voir en cette façon très particulière de faire exploser toutes les formes de solidarité la Première Guerre Internationale, un conflit trans-national au cours duquel une classe sociale ultra-privilégiée met en joue le reste du monde, façon Negan mettant à genoux le casting complet de The Walking dead, dictant les lois du « Nouveau monde » (ça ne s’invente pas). La seconde raison, c’est que les plus riches se livrent, aussi, une guerre sans fin, entre eux. Parce que la richesse n’est pas infinie, parce qu’elle n’est pas une valeur absolue, il s’agit toujours d’être plus riche que l’autre, parce que cette richesse est un pouvoir, et que le pouvoir, si on n’en a jamais été privé, on n’en a jamais assez. Regardez Grivaux dans sa course à la mairie de Paris. Et demandez-vous qui, de lui et son équipe d’un côté, et une bande de gilets jaunes regardant le Fouquet’s brûler, est le plus violent.

Land of the dead

le Cybertruck est le véhicule de ceux qui ont à se protéger du retour sur investissement des misères qu’ils font subir à ceux qui sont moins puissants qu’eux. On ne le fait pas assez, mais on devrait relire tous les textes politiques du 18ème siècle, qui évoquent la nécessité politique de protéger ceux qui sont faibles de la domination des plus forts en se souvenant que l’argent est une force comme les autres, qui a pris le relais de la violence physique dans l’art et la manière de faire plier la volonté de ceux qui n’en ont pas assez. Quand les dirigeants de tout poil de ce monde se déplacent et se réunissent, les mesures de protection sont à la hauteur de l’hostilité qui pèse sur eux. Mais si on peut empêcher l’exécution de cette menace latente, c’est parce qu’elle se concentre sur des moments et des lieux précis, qui sont plus sensibles que la moyenne parce qu’ils ont lieu dans un espace relativement public (un centre ville, une cité balnéaire, une station de ski). Le reste du temps, ce petit monde vit en vase clos dans d’immenses espaces privés protégés de toute intrusion. Et soudain, on sait d’où le Cybertruck tire son air de famille. La révélation était blindée de références aux véhicules issus de la science fiction, tout particulièrement à l’univers cyberpunk de Blade Runner. Mais en réalité, la véritable référence doit être plutôt cherchée chez Romero, et tout particulièrement au sein de son magistral Land of the dead, qui compte au nombre de ses héros un camion dantesque, le Dead Reckoning, résultat d’un bricolage effectué à coup de plaques de blindage pliées en n’utilisant pour guide que la ligne droite, fer à souder à la main. Le pick-up de Tesla évolue dans cet univers, à moitié fictif (les morts vivants sont une vue de l’esprit), à moitié réel (les prolétaires, eux, existent vraiment et leur uniforme est désormais celui que portent ceux qui ont subi un accident, ou sont en panne). Il est l’image de ce que doit être le shuttle permettant aux plus riches de mettre une roue hors de leur bastion, pour aller prélever la taille et la gabelle sur les populations qu’ils asservissent, sans se prendre un retour de bâton dans la gueule. Ils savent très bien quelle pourrait être la monnaie de leur propre pièce.

Mais quelque chose saute aux yeux quand on ouvre la porte du Cybertruck : à l’intérieur, c’est une Tesla tout à fait normale. Habitacle épuré, grand écran hyper lumineux, sièges confortables, toit vitré, confort total, ambiance minimaliste de salon lounge, on s’assoit dans ce pick-up comme on s’installerait dans un salon. C’est que la guerre, c’est pour la façade extérieure. C’est l’image renvoyée vers les autres, l’ambiance dans laquelle on les met, eux, et l’impression qu’on veut leur donner d’être soi-même aux commandes d’une forteresse mobile. Mais on ne va pas se pourrir la vie à vivre soi-même dans cette ambiance anxiogène. En ce sens, le cybertruck est l’image même du monde tel que nous en bénéficions. Car, après tout, qu’est-ce que l’Occident, si ce n’est un habitacle où il fait bon vivre, qui entretient dans le reste du monde une ambiance de guerre ? Evidemment, il y a une différence entre un pays confortable et ce pick-up électrique : ce dernier, peu d’entre nous auront les moyens d’y entrer. On sait alors quelle est la place que nous réservent ceux qui peuvent prétendre à posséder ce genre d’abri mobile.

Si le design a les deux pieds dans des univers différents, il peut aussi être considéré comme une arme à double tranchant. Sous son air de véhicule sorti de l’univers de Blade Runner, le cybertruck met en scène l’atmosphère d’insécurité dans laquelle devraient nous plonger les nouveaux formats de guerre à venir. Mais il n’en assume pas les conséquences, dans la mesure où il ne protège pas vraiment ses occupants. Blindage d’opérette, protection qui relève davantage du jeu vidéo que de la véritable mesure de mise en sécurité, il est un peu comme un jeune un peu chétif qui se déguise en ninja pour se donner une contenance : dès qu’on n’est plus dupe de ce genre d’apparence, on voit moins ce genre d’objet comme une menace. Tactiquement, une menace qui ne provoque plus de crainte, c’est une cible. Pour le moment, ce genre de physique, parce qu’il est inhabituel, fait encore son petit effet, de même qu’un costard bien ajusté, une cravate correctement nouée peuvent en jeter plein la vue à ceux qui ne sont pas habitués à ce genre de signaux.

On se laisse toujours un peu trop facilement impressionner.


Ce n’est pas une galerie, mais une benne de photos et visuels. J’y ai glissé des vues d’artistes, parce qu’elles sont réussies et un peu planantes. On remarquera qu’elles envisagent le Cybertruck comme un véhicule de conquête spatiale, et non comme un engin de guerre sociale. Comme quoi pour apprécier cette chose, il faut tout simplement pratiquer le déni de ce qu’il est.

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