Storyteller

In Bronco, Ford
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Once upon a last time, in the West

Il s’était écoulé presque vingt-cinq ans entre la rencontre des deux John, Wayne et Ford, et leur dernière collaboration, entre Stagecoach (La Chevauchée fantastique, 1939) et The Man who killed Liberty Valance (L’Homme qui tua Liberty Valance, 1962). Entre temps, le Western classique était créé, il se développait, et il atteignait avec cette dernière oeuvre commune, ce moment où on sentait que le cinéma devait passer à autre chose. Le genre n’était pas mort, bien sûr, mais désormais, l’Amérique aurait d’autres façons de se raconter, certaines plus critiques, d’autres toujours élogieuses; et si on fit encore des westerns après Liberty Valance, ce fut pour rendre hommage à cette lignée, comme on met des pointillés à la fin d’une phrase dont on n’ose pas admettre qu’en fait, elle est bel et bien achevée.

En 1996, après trente ans de bons et loyaux services, c’est du côté d’un autre Ford qu’une page du même genre se tourne : la firme abandonne le Bronco, né en 66 sous la forme d’un petit (on est aux USA : question taille, tout est relatif) tout-terrain au look minimaliste, orienté loisirs et lifestyle, qui ne sait pas encore que, plus tard, il sera considéré comme une leçon de design, devenant la coqueluche de tous ceux qui aiment rouler un peu décalé en faisant preuve de bon goût et de culture auto, sans pour autant rouler des mécaniques.

Mais au tournant des années 90, après avoir pris de l’âge et du poids, le Bronco était un 4×4 américain comme un autre, défrayant la chronique quand il servait à OJ. Simpson pour sa légendaire cavale. Mais on n’était plus dans l’Ouest sauvage, et les cavales, désormais, finissaient aux mains de la police, menottes aux poignets, hélicos diffusant la scène en direct sur toutes les chaines de trash-info qui, en ce temps là, n’existaient que sur ce continent dont on ne sait jamais trop si son décalage horaire vient d’une avance qu’il aurait sur le reste du monde, ou d’un irrécupérable retard qu’il fait passer, tantôt, pour de l’avant-garde, tantôt pour un retour aux origines perdues.

Puis, on a commencé à se demander si Ford n’était pas tenté de remettre le couvert, et façon Jurassic Park, de ressusciter le dinosaure éteint. En 2004, déjà, une salve d’essai histoire, au moins, de maintenir le nom dans les esprits. Un simple concept dont on était presque soulagé qu’il soit sans lendemain. Pas assez inspiré, trop recherché, il n’avait pas la simplicité de son ancêtre, et produisait d’étranges associations d »idées, pour nous autres français, vers la vénérable mais fluette Renault Rodéo, avec ses surfaces planes, son gabarit mid-size, son caractère trop peu affirmé.

Un coup de projecteur, et puis s’en va. Il faut dire qu’entre temps, tout semblait indiquer la porte de sortie à ce genre de véhicule : conscience écologique croissante, développement de nouveaux rapports avec la nature, qui se passent pour la plupart de la bagnole pour se frotter de façon plus directe avec les éléments. Les amateurs du Bronco semblaient se contenter, amplement, de la version des années 60, dont ils faisaient restaurer, en y mettant les moyens, un exemplaire qui était un peu pour eux ce qu’est la Méhari pour l’heureux propriétaire d’un pied-à-terre sur le Bassin d’Arcachon : une façon de la jouer modeste sans pour autant renoncer au plaisir d’avoir l’air riche. Le beurre, et l’argent du beurre. La bonne, et la mauvaise conscience dans un seul et même objet. Et si vraiment on voulait faire son malin et avoir quelque chose à raconter lors des BBQs Weber en ville, on pouvait faire un saut en Californie, et commander au préparateur Icon un Bronco non seulement tout neuf, mais carrément en phase avec les standards techniques contemporains, le tout emballé dans une déclinaison d’apparence modeste : peinture simple, jantes en tôle blanche, accastillage low-profile. Un bon vieux sleeper, aussi désirable qu’un canot en teck, cachant sous son fuselage une mécanique gorgée de chevaux.

Rodéo, c’est la vie, pas l’paradis

Y avait-il, en 2004, une place sur le marché pour un retour du Bronco ? Non. Si le Mustang pouvait courir en liberté sur le territoire américain, retrouvant une bonne part de sa légendaire magie, le Bronco, lui, semblait appartenir à un temps révolu.

Mais ça, c’était avant le retour de l’Amérique. Et peu importe que ce retour relève de la fiction. L’important, c’est qu’une certaine Amérique y croit, car alors, les individus qui composent ce peuple dans le peuple jouent pleinement leur rôle, produisant ardemment pour le bénéfice de ceux qui investissent, consommant frénétiquement, pour le bénéfice des mêmes, s’endettant pour… vous avez compris le principe. Tell US an amazing story, and America will be great again.

Impossible, dès lors, de ne pas voir dans ce retour du Bronco un épiphénomène de l’Amérique trumpienne. Car cette bagnole est, pile poil, la concrétisation d’un rêve. Pour tous ceux qui ont feuilleté des magazines auto dans les années 70, et qui restaient scotchés sur les pages dévoilant les modèles américains qu’on ne verrait jamais que sur les écrans, ou en photo, ce nouveau Bronco porte une grosse partie de la mythologie mécanique américaine dans ses grosses roues, dans ses phares faussement minimalistes, dans ses proportions bigger than life, dans son absence de portières, dans son aptitude à virer la majeure partie de la carrosserie pour se retrouver à rouler tout nu sous le soleil, fouetté par le sable, façon Mad-Max. L’engin est, de bout en bout, l’incarnation de tout ce qui est interdit chez nous. Rouler à poil, rouler n’importe où, n’importe comment. Ce dont on rêve en somme, pour peu que tout le monde ne le fasse pas, et que ça se passe, soit entre nos mains, soit loin de nos yeux.

On s’faisait des langues en Ford Mustang
On s’roulera des palots en Ford Bronco

Là où il y a des gènes

Il y a évidemment une certaine insolence à proposer cet engin aujourd’hui. Tant et si bien que, comme pour montrer qu’on sait, aussi, être raisonnable, Ford accompagne ses Bronco 2 et 4 portes d’une déclinaison Sport qui a ceci de particulier qu’elle n’est pas particulièrement sportive, ni spécialement belle, ni même excitante. Usurpe-t-elle son appellation ? Pas tout à fait, parce qu’il faut comprendre celle-ci ainsi : ce qu’elle a de sportif, c’est son aptitude à amener une poignée de passagers là où ils vont faire du sport. En ce sens, elle est pratique, logeable, elle peut amener une petite équipe de grimpeurs en bas des falaises, au départ des randonnées, elle peut embarquer le nécessaire pour le bivouac, et elle fera tout ça plutôt discrètement. Elle est à l’automobile capable de sortir des sentiers battus ce qu’est la veste Quechua aux fringues dédiées à la vie outdoor : c’est pas vraiment avec ça qu’on va frimer. Mais si on a rendez-vous avec la nature plutôt qu’avec le regard de ceux à qui on veut montrer qu’on vit des trucs super intenses dans la nature, ça devrait faire l’affaire.

Juste un signe, qui trompe rarement quand il s’agit de marketing appliqué à ce genre d’objet : dans la série de micro-métrages accompagnant le dévoilement des Bronco, réalisée par Jimmy Chin, le seul de la famille à être associé à une femme est le Bronco Sport. Il ne s’agit évidemment pas de déprécier la voiture parce qu’elle aurait pour ambassadeur Brooke Rabatou, jeune et virtuose grimpeuse franco-américaine, il s’agit plutôt de regretter que chez Ford, on en soit encore à genrer les bagnoles, de regretter aussi que, finalement, on ne soit pas surpris : le Bronco classique répond à des attentes assez facilement identifiables. Et celles-ci sont, profondément, conservatrices, au sens où on peut, aux USA, utiliser ce terme. Parce qu’on peut aller jusqu’à cette affirmation, plus gênante : le Bronco Sport est genrant, au sens où il semble dédié aux femmes, ce qui permet de réserver le Bronco classique aux mecs, et aux vrais, comme on dit. Mais on voit aussi assez bien combien la déclinaison traditionnelle de ce modèle s’adresse à un public blanc, habitant les états du Sud. On n’irait pas juqu’à le présenter avec le drapeau confédéré sur le capot, mais on sent bien qu’un sang de ce genre coule dans ses durites. Ce n’est même pas une accusation, c’est juste qu’il évolue dans cet univers conservateur. On sait quelle place le conservatisme fait aux femmes. Qu’on laisse à Brooke Rabatou cette déclinaison utilitaire n’a donc, malheureusement, rien d’étonnant.

Bref, ce Bronco Sport ne fait pas vraiment rêver. C’est un honnête travailleur. Et ce qui renforce son aspect un peu frustre, c’est évidemment sa cohabitation forcée avec ses cousins sexy.

Un hobbie ? – Oui, ressusciter.

Parce que si Ford présente sa triplette de Bronco comme une famille, on voit bien que la nature a oublié tout principe de justice et d’égalité au moment de distribuer les gènes à ces trois là. En effet, les deux déclinaisons soi-disant « normales » sont, justement, aussi peu « normales » qu’on peut l’imaginer. Les formes sont hors d’âge, intemporelles, comme si resurgissaient de la mémoire des images dont on ne se souvenait même pas qu’on les avait enregistrées, des réminiscences dont on a complètement perdu l’origine. Ce Bronco n’est pas la copie de l’ancêtre. Il en est plutôt la réincarnation et tout se passe comme si il avait, pendant son sommeil, absorbé des décennies de génétique automobile. Ainsi, on retrouve en lui des chromosomes qui semblent avoir été butinés chez le vénérable International Harvester Scout, tout comme on peut lui trouver des ressemblances conceptuelles avec le Defender. Bien sûr, on ne peut pas rater l’énorme clin d’oeil en direction de la Jeep Wrangler, qui semble être la cible principale de ce 4×4 Ford. Du tracteur anglais, le Branco hérite de cette aptitude, dans les finitions basses, à accepter le paisible rôle de fidèle compagnon des services des eaux et forêts, parce qu’équipé de roues de taille modeste et débarrassé de tous les équipements qui surjouent beaucoup son côté aventureux, il est presque discret. Avec la Jeep, il partage ce sens un peu exacerbé du spectacle, qui fait qu’on achète ce genre d’enfin au moins autant pour les signaux qu’il envoie, pour l’idée que les spectateurs se font de tout ce qu’on pourrait faire avec, que pour ce qu’on en fera vraiment. Des impressions de déjà-vu, le Bronco en sert d’autres encore. De face, on lui trouve des airs de Classe G, tout comme il fait penser, en réalité, à tous les modèles à phares ronds que leurs propriétaires ont perchés sur de grosses roues pour aller taquiner les collines. Du coup, par moments, en version longue, il a un petit air de Toy Land-Cruiser Station Wagon des années 80. Et ce qui est honnête dans ces évocations, c’est que de cette galerie de portraits, le Bronco ne récupère pas qu’une certaine allure. Il en reprend aussi les aptitudes.

Parce que, des aptitudes, le Bronco en est bourré. La différence entre un simple SUV tel qu’on en connaît en Europe et un véritable tout terrain, fût-il conçu pour la récré, c’est que celui-ci ne doit pas composer avec un châssis prévu, au départ, pour un usage routier. Ainsi, le Bronco est, intrinsèquement, conçu pour être embarqué là où les voitures ne sont pas censées aller. Routes non goudronnées, chemins ceux, ornières, absence pure et simple de tout tracé. De la mécanique à l’électronique, tout concourt à permettre ce qui reste interdit à une automobile normale, et le Bronco fait partie de ces bagnoles qu’on a envie de voir à moitié détruites, une aile arrachée, les pare-chocs virés, l’arrière enfoncé, un peu de guingois sur ses suspensions éprouvées par le temps. Buriné par l’usage, on sait déjà qu’il aura encore plus de gueule. Et dans la production automobile actuelle, rares sont les modèles à porter ce genre de qualité.

Si on voulait résumer, on pourrait dire que le Bronco ne fait pas semblant, et en ceci, il est un peu la version XXL du Jimny, ce Suzuki qui semble lui aussi être le survivant d’une autre époque. Avec lui, il partage une certaine simplicité stylistique, qui échappe totalement à la Jeep, qui est carrément baroque, avec ses ailes avant déconnectées du volume général de la voiture, avec sa multitude de détails qui en complexifient les lignes et les volumes. Le Bronco déploie tout son sens de la mise en scène dans le projet de n’avoir pas l’air d’être mis en scène. Efficient, efficace, redoutable adversaire pour les éléments qui le verront débarquer.

Hostile, la nature

Parce que, forcément, on peut se poser la question du rapport exact que l’engin entretient avec le milieu dans lequel il est censé évoluer. Et s’il est prévu pour les grandes étendues inhospitalières, c’est bien parce que ce milieu n’est, lui, pas prévu pour lui. Creusons un peu. On peut s’étonner, en regardant la fiche technique du Bronco, de ne voir aucun V8 sous le capot. A la place, on trouve un quatre cylindre ecoboost. Ça fait bizarre, mais cette même mécanique anime aussi la Mustang. Et même si c’est un peu la soupe à la grimace, il faut admettre qu’il y a déjà 270 cv sous le pied droit. Bonne nouvelle, si on veut respirer un peu mieux l’air impur de l’Amérique, on peut opter pour le V6 de 2,7l. Ce seront, alors, 310 canassons qui iront labourer les chemins creux dès qu’on enverra les gaz. Histoire d’avoir carrément le vertige, mettons-nous en tête cette curieuse donnée : le Bronco Sport, lui, début avec un trois cylindres. Oui oui. L’Amérique est de retour ? En rêve, oui, peut-être.

Posons la question de façon un peu plus bête, et un peu plus méchante. Ça sert à quoi, un Bronco ? Le genre de question à laquelle on répond évidemment très différemment selon qu’on est passionné, ou pas, de voitures. L’amateur trouvera mille usages au Bronco, sous toutes ses formes. Parce qu’il aura l’œil rivé sur tout ce que permet ce revenant. Et il n’en aura pas fini de développer la liste interminable des aptitudes de ce couteau suisse. Pensez-donc, le Bronco Sport fait même décapsuleur ! Et comme nos cerveaux baignent, depuis toujours, dans la conviction que « pouvoir » faire davantage de choses, c’est, en soi, mieux, autant dire qu’il n’est même pas nécessaire d’argumenter : la machine à fantasmes tourne à plein régime, et plus on regarde les photos de ce Bronco, plus on s’imagine faire mille choses à son volant.

– Aller garder les moutons en haute montagne avec un pote, n’avoir qu’une tente trop petite pour deux dans le froid des alpages ? Check[1]

– Rentrer de la plage, le corps luisant d’huile solaire, après un après-midi passé à bronzer sur la plage de Fire Island, dans les années 70, et observer sur le siège passager Tom BIanchi, polaroid en mains, immortalisant la façon dont le soleil rasant du début de soirée vient lécher les corps, qui en ont vu d’autres, et ruisseler en éclats étincelants là où il frappe les surfaces planes de la carrosserie réduite à sa plus simple expression, les deux portes soigneusement rangées à la maison, draps de bain tendus sur les sièges pour ne pas les ruiner dans un mélange d’eau de mer, de crème solaire, de wax, de sueur, ou de tout ce qui peut dégouliner d’un corps humain au mieux de sa vigueur.[2] Check

– Grimper jusqu’à la station de Telluride, skis sanglés sur l’arceau, chauffage à fond, le corps emmitouflé dans les pulls et les écharpes, et se garer juste à côté d’un gros SUV Kia, histoire de lui montrer à quoi ça ressemble, le renouveau de l’Amérique. Check

– Charger vite fait la cantine de matériel qui attend, toute prête dans le garage, remplie de cartouches de filtration d’eau potable, de rations et couvertures de survie, de pelles, armes et briquets, enfiler les masques à gaz puis filer, en évitant les coupeurs de route, loin du dernier danger ambiant; et de loin, assis sur le capot, regarder le monde s’effondrer. Check

– Embarquer une petite équipe de cheerleadeuses dans un modèle 4 portes, remplir le coffre d’alcool et amener tout ce petit monde, et le ravitaillement qui va avec, côte Ouest, pour y noyer dans l’Océan Pacifique et les échanges de salives lourdement chargées de vapeur éthyliques, leur virginité, la conscience trop claire du caractère parfaitement désespéré, et désespérant, de tout springbreak, et le sentiment général de profond spleen dont on est saisi quand on se rend compte que tout ça est totalement vain, et nocif à tout point de vue. Check

– Couper à travers champs, tout le temps. Check

– Descendre jusqu’en Terre de feu et voir le bout du monde, au moins une fois, au cas où.

– Sortir de la route, rien que pour le plaisir de la secousse et des rebonds. Check

Dès qu’on s’imagine faire un truc impossible, on peut se voir le faire au volant du Bronco. Un feu de camp en pleine montagne ? On le devine dans la pénombre; en arrière plan. Un trek dans les Rocheuses ? Il est là. Une expédition façon Délivrance ? Il fait partie des figurants dans les plans larges. Il est de toutes les virées telles qu’on les fantasme.

Se croire tout permis

Parce qu’il s’agit, évidemment, de pur fantasme : rien de tout ça ne nous arrivera. Parce que les années 70 sont révolues, parce que les années 80, aux dernières nouvelles, le sont tout autant. Parce que nous ne vivons pas aux USA, et qu’en réalité, ces USA où on peut traverser les grands parcs pied au plancher, ravageant le lit des torrents asséchés, foutant en l’air les sentiers, contraignant les locaux à refaire les tracés après le passage de ces engins qui s’autorisent à passer partout parce que leur conducteur pense que du moment que c’est possible, ça doit être permis, ces USA, en fait, n’existent pas vraiment non plus. Et Trump a beau jouer sur les cordes sensibles qui composent la grande harpe mondiale des bagnolards, ça ne change pas grand chose à l’affaire : le monde est ce qu’il est. Et les rêves qu’il touille du bout des doigts dans nos crânes boueux sont ce genre de récits hallucinés dont on se réveille en se disant que la seule raison pour laquelle on en reprendrait bien une dose supplémentaire, c’est précisément qu’ils n’ont rien à voir avec la réalité ; à ceci près que, justement, parce que Trump est homme politique et pas conteur d’histoires, tout ça est parfaitement réel.

On trouvera davantage de Bronco sur le parking des conventions républicaines réunissant tout ce que l’Amérique compte de conservateurs convaincus que ni le Covid19, ni le réchauffement climatique n’existent, qu’au départ d’un trek dans les Appalaches. Parce que le Bronco reproduit un des paradoxes majeurs de notre rapport aux objets : Nous n’avons pas besoin de leurs capacités hors-normes pour faire quoi que ce soit d’extraordinaire, mais pour nous entretenir dans le fantasme que nous pourrions, un jour, réaliser ce potentiel. Ce que, Dieu merci, nous ne ferons jamais.

Le Bronco est un cheval sauvage. Il peut y avoir une certaine beauté dans son dressage. Mais il reste un cheval, nous sommes, irrémédiablement humains, et les bagnoles sont moins que tout ça. Ce nouveau Bronco est une grosse machine à rêves, qui a compris qu’au fond de nous sommeille, aussi, un animal qui peut être tenté par la sauvagerie. Mais nous le savons, quand nous sommes raisonnables : cet animal en nous réclame, vraiment, à être dressé.

Le Nouveau Western

Alors, le Bronco, c’est un peu comme Cowboys vs Aliens. Techniquement achevé, accessible à tous (on ne l’a pas dit, mais Ford vise des prix de départ qui n’en feront pas un modèle économiquement élitiste), populaire, mais à ce point anachronique qu’on peut se demander s’il a une place dans le monde tel qu’il existe. Mais, parce qu’il se déplace dans le monde parallèle des contes et légendes, et que le client qui sommeille en nous erre volontiers dans cet univers de fantasmes, il est possible qu’il puisse devoir son succès à son dédain de toute forme de réalisme.

Il est donc probable qu’à moyen terme, notre problème réside moins dans l’usage que nous faisons des voitures, que dans notre propension à continuer à nous raconter des histoires. C’est un problème, mais c’est aussi une perspective : l’existence même d’un certain genre de voiture peut s’établir dans un univers imaginaire, puisque ces automobiles elles-mêmes doivent leur existence davantage à ce qu’on imagine en faire, qu’à ce qu’on en fait vraiment. Le récit qu’elles suscitent peut graduellement remplacer leur usage réel. Après tout, c’est bien ce que vivent, déjà, tous ceux qui regardent ces voitures dans les magazines et sur les sites, et n’en tiendront jamais le volant que par procuration.

Et à terme, on peut aussi proposer de nouveaux récits, poursuivant d’autres arcs narratifs.

Si vous êtes malin, vous l’avez compris, c’est à cette mission qu’on tente de s’employer ici, patiemment.


[1] Si cette image vous déconcentre un peu trop, je vous conseille de ne pas lire la suivante. Ah, évidemment, vous avez commis cette erreur : lire les notes de bas de page après le reste…

[2] N’avais-je pas prévenu de ce qui attendait au tournant ? Vous ne lisez pas le road-book…


6 Comments

  1. alors qu’on se creuse les méninges pour trouver des idées à propos de C4 , est ce un gentil ou méchant monstre, un réplicant qui nous regarde par en dessous avec une mine entendue et meurt sous la pluie en déclamant une poésie (Rutger hauer dans Blade runner), ou une pauvresse qui qui crie famine les lunettes cassées du premier de la classe horripilant qui gare sa gueule à la récré,……voiture qui aussi bien, comme une première C4 pourtant si réussie mais typée va vieillir à vitesse grand V et apparaitra comme un tas de ferraille moins de 10 ans plus tard, voilà un Bronco simple et beau, carré et franc, qui fait plaisir à voir, qui nous réconcilie avec l’automobile sans avoir à faire aucun effort, qui nous venge d’un Defender indéfendable (lol clin d’oeil) et rhabille le pourtant très chouette Wrangler. Ouf ça fait du bien un peu de simplicité moderne dans ce monde de brutes compliquées à décoder déchiffrer à s’en démantibuler les neurones. Bravo Bronco, bravo Ford qui vient pourtant d’abimer un peu son F150 en croyant le simplifier….bref on a 2 phares, une calandre, un trait de lumière, un petit promontoire pour le capot, des montants, un bon volume et un petit décroché arrière . Pas de chichi. Tout pour plaire! De quoi rêver ou faire Mulholland Drive de bout en bout, car une partie vers l’Ouest est encore en terre battue (merci Google street view), et admirer de part et d’autre L.A au gré des virages….le pied! Qui a dit Conduite Intérieure?

    • C’est marrant, parce qu’on n’est pas d’accord sur l’appréciation des voitures, mais je crois qu’on partage une même intuition, et une sorte de même pratique de la « conduite intérieure ». Tes voyages via google street view me semblent être d’une grande modernité, et le fait que tu connaisses la route sans l’avoir parcourue physiquement me semble en dire long sur le potentiel de cette pratique, et sur la connaissance qu’on peut en tirer.

      Concernant ton appréciation du Bronco, je crois que nous sommes d’accord. Mais du coup, te lire m’a fait prendre conscience d’un truc qui me semble symptomatique de la situation automobile actuelle, et que je pense exploiter pour en tirer, prochainement, un nouvel article qui te devra, de nouveau, un petit quelque chose !

      Pour le reste, j’espère que tu profites de l’été, qui doit être bien bien chaud, dans tes contrées ensoleillées. Peut-être même un peu trop !

  2. eh bien j’attends de lire cela car je suis assez naïf et ne sais pas trop ce que j’ai bien pu dire qui amène une piste!
    Je pourrais dire que ce que tu dis sur les séries 3 puis 4 coupés devrait me convenir puisque j’écris là apprécier énormément la simplicité du Bronco…alors qu’en fait je déteste la simplicité des variantes 2 portes des séries 3 , sauf celle Bangle ou post de 2006 2010, qui justement est assez sophistiquée à mon goùt. Et ainsi j’adore la torsion baroque de la nouvelle. De même la simplicité du Defender new look , sorte d’énorme Yeti, m’insupporte. Le Bronco, c’est je pense car il y a quelque chose d’éternel dans sa forme , agrémenté de quelques subtilités magnifiques, et bien entendu de modernité. Ou bien qu’il soit aérien comme un gros insecte sur ses énormes roues. Et les complications de la nouvelle C4 ont tendance à plus m’énerver qu’autre chose! Il est jamais content!

    Il me semble qu’il faut être dans une situation particulière pour pouvoir passer des heures à s’immerger dans des villes sur Google street view, et vivre également déjà dans un monde, qui peut paraître un peu prémonitoire mais juste névrotique, où les angoisses sont trop fortes pour aller l’affronter réellement. Car en effet si le système Google fait qu’on peut voyager à distance, certes en immersion quasi complète et évidemment donc quasi réaliste (sauf raccords de passages où tout à coup le temps est différent à un carrefour, ou parfois également, filmé avec quelques années de décalage donc avec des changements notables dans un sens ou l’autre d’une avenue), mais dans les faits, c’est plus lentement qu’en voiture réelle, car ce ne sont que des enchainés d’image par image, et c’est ainsi interminable ! A part voir un truc par ci par là, c’est quand même un peu cinglé de sillonner tout LA comme moi !

    Depuis 3 mois je suis en longues « vacances » à Béziers où j’habite désormais, merveilleuse occitanie, entre mer venteuse et lac sauvage. Colline vertes de vignobles. Terre rouge et aride du Lodévois. Belle ville de Béziers très typée et arborée. Toi tu profites de la Normandie en électrique si je comprends bien…

  3. petit adenda secret!
    tes videos d’escalade et de sportifs me font chaque fois penser à cette video qui allie sport et baise gay, une hallu très fantamatique….s’envoyer en l’air dans les hauteurs…..j’epère que personne ne lit les commentaires sur ton blog !

  4. Je vois tout à fait quelles associations d’esprit tu fais autour de l’escalade et de la montagne !

    Quant aux commentaires, ils ne sont pas lus par des milliers de lecteurs, mais ils sont susceptibles d’être lus quand même. Et même si a priori ce sont plutôt des lecteurs adultes, et même si le blog est plutôt clairement sorti du placard, je ne suis pas sûr d’en faire une plateforme d’échange de liens vers des vidéos un peu trop coquines.

    Je garde donc ton commentaire, que je trouve juste et évocateur dans ses mots, mais je vais retirer le lien, sur lequel n’importe qui pourrait cliquer, tombant sur des images qu’il ne désirerait pas forcément !

  5. l’important est que tu aies pris ton pied ! A moins que la destruction de combis d’escalade pour les besoins de la torridité sic de l’action, t’ait heurté ! Il suffit pourtant de s’imaginer qu’ils sont arrivés avec les techniciens en new Bronco pour que tout à coup ce gaspillage leur soit pardonné….

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