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In Alpine, Alpine A290 β, Concepts, GR Yaris, Renault, Toyota
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Quand on s’appelle Alpine et que, tel un être hybride mi Hibernatus mi-Belle au Bois dormant, on est extrait des limbes morphéennes pour revenir à la vie, on souffre nécessairement d’un très léger jetlag. Comme si l’esprit s’était détaché du corps, surfant au beau milieu du 21e siècle pendant que le corps, lui, en est encore à s’étirer, quelque part entre années soixante et quatre-vingt. S’être endormie à l’époque du moteur à explosion et se réincarner aux temps de l’électrification peut donner lieu à une forme d’écartèlement auquel certains suppliciés ne survivent pas toujours.

La façon dont Alpine résiste à cette tension consiste à faire de cette situation une force : à la différence de toutes les marques émergentes qui profitent à plein de la porte qui s’est grand ouverte lors de la conversion de l’automobile à l’énergie électrique, les marques historiques entre temps disparues peuvent jouer, à plein, sur la nostalgie qu’elles suscitent : alors qu’on se lamente en voyant le présent basculer comme une immense plaque tectonique soudain renversée par le mouvement de l’histoire, le marketing a compris qu’il y a une carte à jouer, en actant le passage du présent par pertes et profits, et en profitant de la situation pour ressusciter des formes qui n’avaient plus lieu d’être en raison de l’évolution récente de l’automobile vers davantage de confort, davantage de sécurité et donc davantage d’encombrement, une masse plus imposante tant sur la balance qu’entre les lignes toujours trop étroites des emplacements de parking : les silhouettes de plus en plus épaisses, les capots culminant à l’altitude qu’atteignaient jadis le toit, la distance toujours plus grande entre le haut des ailes et les passages de roues, qui condamnait à tout un tas d’artifices de style, encombrant et sur-designant les lignes et les volumes.

L’A110 est exactement ce type de résurrection qu’attendait une frange du marché. Une simple frange, certes, mais après tout, ce modèle n’avait pas pour vocation à devenir omniprésent. Peu importe dès lors si l »A110 n’est pas en phase avec les attentes majoritaires de l’époque. Ce qui importait lors de sa création, c’était de téléporter à travers le temps des formes, une architecture, un certain sens des proportions, des limites, de la mesure et, surtout, une expérience, une gamme de sensations que les marques dédiées au « sport » avaient un peu abandonnées, injectant une quantité folle de moyens pour augmenter leurs performances, certes, mais en les assortissant aussi de contre-mesures et jugulations permettant à leurs modèles de ne pas s’auto-détruire sous la force de leur propre surpuissance, sous le poids de leurs équipements, sous le prix à payer, aussi, pour les acquérir. L’Alpine, elle, faisait modeste, léger, simple, efficace, accessible. Populaire en somme, à sa façon et relativement au marché dans lequel elle s’engageait.

L’A110, dans le projet précis qu’elle poursuit, est réussie, dans sa définition de base comme dans ses déclinaisons qui, tout en proposant davantage de puissance, demeurent soucieuses de ne pas céder à la tentation de l’escalade, ou de l’avalanche, selon la perspective dans laquelle on observe ce monde. Alpine demeure, jusque là, une marque qui conserve un lien avec une certaine forme de popularité, au sens où elle ne cherche pas à creuser un fossé, que dis-je, des douves, une muraille fortifiée dont le pont-levis se tiendrait immuablement vertical, entre elle et ce qu’on pourrait appeler « les gens ». D’une certaine façon, l’A110 est au monde de la voiture de sport ce que la 500 est au monde de la petite citadine, pour peu qu’on fasse abstraction du fait que l’italienne, elle, place son moteur au mauvais endroit : une réminiscence du passé incarnée dans un corps contemporain, qui fait en sorte de ne pas trahir tout à fait ses origines mécaniques, et sociales.

Durer

Mais l’A110 a beau être réussie, la marque ne survivrait pas si elle s’en tenait à une telle monoculture. Ce serait un one-shot, une apparition en mode one/off à laquelle le projet global du groupe Renault ne destine pas cette marque. Et pour durer, il faut désormais proposer autre chose que la seule berlinette, aussi réussie soit-elle. Qu’à cela ne tienne : l’histoire de la marque n’est pas tout à fait avare de relations avec l’e monde l’univers de la voiture populaire. Et si aujourd’hui le nom d’Alpine tend à être utilisée comme un simple label censé valoriser des modèles Renault, il fut un temps où, pour que le logo soit apposé sur la carrosserie, il fallait que sous le capot, tout le long de la ligne d’échappement, sur les trains roulants et dans l’aménagement intérieur l’esprit de la course souffle suffisamment pour que, les yeux fermés, on puisse poser son cul dans le siège ajusté, et savoir qu’on était bien dans une Alpine, et pas dans une Renault. Ainsi, une simple R5 pouvait être une authentique Alpine pour peu que l’expérience de conduite qu’elle proposait soit, radicalement, différente de ce que proposait sa cousine de chez Renault, modèle hyper populaire sans lequel la R5 Alpine n’aurait jamais existé. Et Dieu sait que dans le panthéon de bon nombre de bagnolards, si la R5 Alpine n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. Ce qui fut fait. Et ce qui est refait aujourd’hui. Et même les puristes, parmi les Alpinistes, reconnaissent a posteriori que cette petite 5 fait bel et bien partie de l’histoire de la marque, qu’elle appartient pleinement au patrimoine de celle-ci, précisément parce qu’elle entretient ce caractère populaire qu’une Alpine doit conserver pour ne pas confondre sportivité et luxe, efficacité et démonstration de force, exclusivité et inaccessibilité. Une Alpine doit demeurer dans la ligne de mire de quelqu’un qui, certes, fera un effort financier pour se l’offrir, mais y parviendra cependant sans avoir à devenir patron d’à ma Zone, ou de T’es là.

On le sait depuis un moment maintenant, et la communication conjointe de Renault et Alpine nous accompagne dans cette perspective, le losange a décidé de caresser notre fibre nostalgique, et nous allons voir ressurgir d’un lointain passé des modèles que la plupart d’entre nous n’ont pas connus de leur vivant, parce que nous n’étions pas nés lorsqu’ils se trouvaient en concession. A vrai dire, on ne va pas se faire passer pour plus jeune qu’on n’est : j’ai connu la Renault 5, je me souviens très bien du Salon de l’Auto durant lequel j’ai découvert la Super 5. J’ai fait, gamin, un aller simple Angoulême – Paris à l’arrière de la Renault 5 TX de ma tante Simone, très fière à l’époque de posséder sa propre voiture, tout à fait assortie au soin qu’elle mettait à sa tenue. Et cette TX était déjà la prémonition du succès que pourraient avoir les citadines chic, avec sa sellerie bourgeoise, ses jantes alliage, son spoiler un poil plus près du sol, sa couleur brun métallisé. J’ai conduit une Renault 5 TL, dont la quatrième et ultime vitesse sautait dans les longues courbes à droite. J’ai connu l’avènement de la Clio, puis l’arrivée sur Terre de la Twingo, qui firent oublier les trouvailles de l’ancêtre, en particulier ses boucliers qui lui permettaient d’affronter sans peur les mésaventures urbaines. Soudain, l’automobile offrait à son conducteur le droit à l’erreur.

Give me 5

La 5 avait une personnalité singulière pour une voiture. Elle était mieux que sympathique : elle était sympa. Elle avait une bouille simple, évidente, des phares comme des yeux, un bouclier qui mimait une bouche souriante. Tout, en elle, était immédiat et stylé à la fois, comme un visage naturellement avenant, une silhouette qui invite à la rencontrer, un être dont on sait à l’avance qu’on va passer du bon temps en sa compagnie. La Renault 5 apparaissait dans le paysage comme un ami s’annonce dans la vie. C’est ce capital que Renault souhaite réinvestir pour remplacer celle qui lui aura permis d’investir on ne peut plus sérieusement l’univers des voitures électriques : la Zoé. Et si celle-ci aura donné satisfaction à ceux qui l’auront achetée, la 5 aura pour but d’amener à ce genre de modèle ceux qui ne voyaient pas en Zoé une véritable voiture, susceptible d’affronter voies rapides et autoroutes, cantonnant ce modèle pas si petit que ça aux villes et à leur périphérie.

La 5 a donc pour ambition d’être moins chère à produire que la Zoé, tout en offrant une impression générale plus rassurante, comme si elle était une vraie bagnole (ce que la Zoé était, en fait, sans être perçue comme telle). Le mieux pour cela, c’est d’adopter une forme déjà reconnue comme celle d’une authentique automobile. Et puisque la Zoé a affiché un physique un peu trop frêle pour ressembler pour de bon à une vraie voiture, autant capitaliser sur une forme qui, elle, a montré de quel bois elle pouvait se chauffer. La R5 coche toutes ces cases : elle bénéficie d’un capital sympathie on ne peut plus élevé, et en elle coulent les sangs mêlés de la simplicité populaire, et de la compétition sous toutes ses formes : la forme civile avec la déclinaison Alpine, puis Alpine Turbo dédiées à la route, et la forme de compet’, avec la R5 Turbo tout d’abord, puis carrément la R5 Maxi Turbo qui, bien qu’étudiées à Dieppe, ne furent pas identifiées à Alpine, mais à Renault Sport.

Vive le sport sur la 5

Le concept A290 β a pour objectif de synthétiser toutes les déclinaisons sportives de l’ancêtre 5 sous une seule et même forme, placée cette fois ci, résolument, sous la bannière Alpine ; et d’offrir par la même occasion à la silhouette de la future Renault 5, quel que soit le nom qui lui sera finalement donné, cette stature qu’offrent les déclinaisons sportives à toute la gamme qu’elles chapeautent : parce que l’A290 existera, quand bien même on la verra davantage en fond d’écran que sur nos routes, on percevra visuellement une paisible Renault 5 comme une voiture potentiellement dynamique, et on verra en elle un engin dont la carrure excèdera la largeur réelle de ses épaules. Voir, c’est se former une image intérieure de la chose qui est devant nous. Entre l’image sur la rétine et ce qu’on voit « dans notre tête » peuvent s’interposer d’innombrables filtres qui font que l’objet qu’on visualise n’est pas nécessairement conforme à celui qui est devant nos yeux. A290 existe pour être l’un de ces filtres.

Le nom tout d’abord. A290 semble ne correspondre à rien selon les nomenclatures accessibles au commun des mortels, c’est à dire au client. En logique arithmétique, l’A290 devrait se situer au-dessus de l’A110. Mais bien entendu il n’en est rien. En réalité, le 2 correspond au niveau de gamme, et le 90 signifierait, chez Alpine, que cette petite bombe joue dans l’équipe Lifestyle. Mais les appellations Alpine jouent aussi la carte de la référence à l’aviation civile : A290 pourrait être le nom d’un nouvel appareil Airbus. Renault nomme un nouveau modèle Rafale, Alpine cultive cette belle ambiguïté sur l’appartenance de ses modèles au monde des super-héros que sont les avions pour les voitures ; tout ça est finalement plutôt cohérent.

La forme ensuite. Impressionnante, râblée, ramassée sur ses trains roulants équipés de roues un pouce plus grandes qu’elles ne le seront une fois l’engin mis en vente. L’A290 β brille autant par sa forme générale que par la somme des détails qui la constituent. Au premier abord il n’y a aucune ambiguïté : on reconnaît immédiatement la forme iconique, quand bien même rien n’est vraiment identique au modèle originel. Il y a même quelque chose d’assez magique à voir ce modèle synthétiser les différentes génération de 5, de la toute première à la Supercinq. Sans doute sa teinte blanche nacrée n’y est-elle pas pour rien : c’est la livrée historique de la fameuse Supercinq GT Turbo. Tout est là sans être pour autant une simple copie de l’originelle : la gouttière qui ceinture le pavillon en formant, à l’arrière, un déflecteur exactement comme sur la Renault 5 Turbo, les optiques avant expressives, le bouclier plus enveloppant façon R5 Alpine, plus ajouré que celui d’origine, les feux additionnels en position Rallye comme sur une A110, les optiques arrière, toujours aussi verticales, ici noyées dans les évacuations d’air. Certains éléments sont repris formellement, mais déplacés. Ainsi, les passages de roues de la R5 originelle présentent un dessin horizontal qui court vers les extrémités avant et arrière à hauteur de bouclier. Cette forme trouve un écho dans les reliefs qui se déploient à l’aplomb des passages de roues, eux aussi à l’horizontale. Leur rôle consiste à atténuer l’effet de masse produit par les ailes plus hautes que celles du modèle originel, coupant celles-ci en traçant tout le long du profil une ligne qui reproduit le relief structurant visuellement les flancs plats de l’ancêtre. Le concept 5 E-tech était déjà moins plat que la 5 originelle, mais ses reliefs étaient hérités des formes dévoilées par le concept Morphoz. Ici, il s’agit plutôt d’évoquer les mensurations augmentées de la 5 Turbo de Renault Sport, particulièrement à l’arrière puisqu’on retrouve dans le dessin des ailes l’évocation des prises d’air latérales quand bien même elles n’ont ici aucun sen fonctionnel : il n’y a rien à aérer. Parfois, la fonction laisse la place au signe de la fonction. On peut critiquer le principe sur le fond, mais si on le refuse, alors autant refuser cette A290 β en bloc, car sa raison d’être, c’est de nous faire voir ses formes dans les volumes plus modestes de la Renault 5 qu’on croisera à tous les coins de rue, qui arborera les signes de la puissance, sans la puissance. Et attendons nous au pire des sacrilèges : s’il existe un Renault Austral Esprit Alpine, il existera aussi, parallèlement à cette A290 une Renault 5 Esprit Alpine. Le flacon, et la lointaine odeur de l’ivresse.

Ce qu’on pourrait dire, pour rendre justice à ce design, c’est qu’il a tout de même cette grande qualité : On pourrait partir d’une page blanche, sans faire référence à un quelconque passé, et dessiner telle quelle cette A290. Mine de rien ce n’est pas le cas de l’A110 qui n’existe qu’en tant qu’évocation contemporaine de son ainée, mais ne serait pas dessinée ainsi si on Alpine partait de zéro pour créer de toutes pièces une berlinette sportive. L’A290 ne regarde pas dans le rétro. Ne cédant rien à la nostalgie elle sent au contraire l’actualité, l’immédiat Elle prend d’une main l’esprit d’Alpine, de l’autre son corps, et elle les rassemble à la force des pecs pour synchroniser l’ensemble, et en faire cette espèce de Rage within the Machine

Parce que ça transpire de partout : cet engin ne tient pas en place. Ses roues de géantes ne vont clairement pas l’empêcher de rouler. Au contraire, tout semble être fait en elle pour la vélocité. Au point qu’à strictement parler, si Alpine la produit sans compromis elle ne va servir, strictement, à rien. Pas grave : l’utilité, c’est pour les utilitaires. On veut de la charge utile, du volume intérieur, des places arrière accessibles, des vitres qui s’abaissent jusqu’en bas, des hayons qui s’ouvrent jusqu’au sol, des porte gobelets, des chargeurs à induction, des fixations Isofix, et pourquoi pas des portes coulissantes encore ? Y a des Kangoo pour ça. Et à ce jour, il n’y a pas de déclinaison Alpine au programme. Telle qu’elle est présentée, l’A290 β est totalement dénuée de tout caractère fonctionnel. Ses portes arrière sont condamnées, il n’y a que trois places et encore, c’est juste pour ne pas admettre qu’en fait, il n’y en a vraiment qu’une, au beau milieu d’un habitacle qui s’apparente plutôt à une cage, un ring, un octogone installé là pour accueillir celui ou celle qui a le cran de venir se battre au cœur des flux électriques.

Mais après tout, une moto aussi ça ne sert à rien. On lit des critiques sur l’autonomie nécessairement ridicule de l’engin sur autoroute ; et en effet, pour contenir le poids et le prix, il va falloir se limiter en batteries, donc en kilométrage abattu avec une charge. Mais c’est la vie d’une bonne partie des motards : sprinter sur un nombre de kilomètres qui se compte à peine en centaines, et additionner les pit-stops pour refaire le plein. Et cette vie sur la route vécue comme une suite de segments de droite traversés poignet droit calé en arrière, le corps crispé vers l’avant à la force des abdos pour se blottir contre le saute-vent, les jambes enserrant la monture pour faire corps dans l’accélération, délester la roue motrice de toute autre charge que la transmission au sol de la puissance, cette vie faite d’interruptions entrecoupées d’instants de grâce, fait généralement plus envie que pitié. Il faut voir l’A290 β comme une sprinteuse, un jouet à l’échelle 1 dont l’accélérateur est un interrupteur auquel s’ajoute la gâchette OV, histoire d’ajouter une giclée d’électrons supplémentaires dans le flux qui va de la batterie aux roues. Etre au volant de ce genre d’engin c’est accumuler les jouissances réclamant, chacune, de recharger les batteries un instant pour avoir de nouveau du jus à déverser sur la route. Finalement, l’important pour cette A290 n’est pas d’avoir de grosses batteries mais un chargeur capable d’avaler et injecter une dose massive de charge en peu de temps. C’est ce cahier des charges que doit viser Alpine pour la réussir : un ptit cul, une grande bouche.

L’enjeu, c’est de recréer un type d’engin qu’avait imaginé Matra en 1989 en dévoilant le concept M25 entièrement dédié aux joies du sprint abattu le plus vite possible, à une différence près : l’engin pesait 700 kilos. Une tonne de moins que lA290. On va y revenir.

Ce qui frappe en regardant le concept Alpine, c’est la distance qu’il prend avec le showcar Renault dévoilé il y a plusieurs mois. Extérieurement tout d’abord, alors que la R5 Alpine, en son temps, parvenait à produire son petit effet visuel dans une certaine économie de moyens esthétiques, mais aussi à l’intérieur puisque tout y est chamboulé, en particulier la distribution des places dans l’habitacle. Au point qu’on puisse se demander ce qui restera de cet écart entre le modèle Alpine et le modèle Renault, quand on sera passé des salons aux concessions. La raison voudrait que les deux modèles soient très proches, que toutes deux proposent deux rangées de sièges accessibles par quatre portières. Classiquement. On a beaucoup disserté sur la présence, ou pas, de portes arrière sur l’A290 et tout le monde est arrivé à la conclusion que, si on peut les deviner sur le concept, c’est qu’elles seront présentes sur le modèle vendu. Est-ce décevant ? Un peu à vrai dire, car toutes les ancêtres auxquelles cette Super 5 fait référence étaient des modèles deux portes. De la première 5 Alpine à la Supercinq GT Turbo en passant par les Turbo tout court, toutes étaient débarrassées des portes arrière, pour conserver l’allure et l’idée d’un habitacle de dimensions standard, mais en réalité conçu autour d’un conducteur, et d’un éventuel passager. Dans les modèles Renault Sport, ce principe était poussé à l’extrême puisque c’était le moteur qui prenait la place des enfants.

On dira que les contraintes économiques imposent leur loi, et qu’il faut bien faire des concessions pour que le véhicule soit finalement abordable. Certes. Mais il faudra tout de même qu’on compare l’A290 à des concurrentes potentielles. Et si un modèle vient à l’esprit, dans l’univers automobile actuel, c’est la GR Yaris. Celle-ci affiche la couleur dès sa dénomination : ce n’est pas une Yaris transformée par l’unité compet’ de Toyota. C’est un modèle Gazoo Racing apparenté à la Yaris produite par Toyota. Entre la Toyota Yaris et la GR Yaris, les différences sont tellement nombreuses qu’à strictement parler on peut les regarder comme deux modèles différents : un poil plus longue, nettement plus basse, lunette arrière plus inclinée et, surtout, surtout, deux portes de moins. Ne parlons pas de la mécanique, qui semble provenir d’une autre planète que ce qui équipe la Yaris normale, puisque la transmission intégrale se joue totalement des classifications séparant les propulsions des tractions, la GR Yaris étant, selon les instants, ou l’une, ou l’autre, ou les deux en même temps. Sur les applications de rencontre, la GR Yaris cocherait la case « polyvalente », ou « versatile ».

Faut-il exclure l’hypothèse de l’exclusivité ?

La question est évidemment tranchée chez Alpine, mais ça ne nous empêche pas de la poser (vous avez compris le principe de ce blog : on n’y trouve aucun scoop, puisqu’on n’en a pas en stock ; en revanche on ne se prive pas de faire des plans sur la comète, en remettant en question les orientations déjà poursuivies, ou en questionnant leur sens) : si Gazoo Racing réussit à proposer une Yaris à 37 000 € qui soit à ce point différente du modèle originel, pourquoi Alpine, qui prétend tout de même à une place plus élevée dans la hiérarchie automobile, devrait investir moins que le concurrent japonais, et proposer un modèle moins singularisé, au sein d’une gamme qui se veut plus prestigieuse, et pour un prix qu’on imagine substantiellement plus élevé . Bonne question, hein ?

Emettons cette hypothèse : on pourrait imaginer que l’A290 qu’on découvrira prochainement soit un ton en-dessous du concept, et qu’elle soit vraiment à la New 5 ce que la première 5 Alpine était à la 5 tout court. Rien n’interdit de penser que la marque puisse, ensuite, tirer le modèle vers davantage d’exclusivité en offrant une succession aux monstres que furent les 5 turbo. Sans forcément aller jusqu’au poste de pilotage central (quoique, en terme de différenciation, on serait dans quelque chose qui constituerait un geste aussi fort que le passage du moteur de l’avant à l’arrière), on peut imaginer un train propulseur supplémentaire, une transmission de la puissance au sol plus évoluée, une définition générale plus exclusive, et plus radicale aussi. Le concept β est, sans doute, la forme la plus poussée qu’on puisse imaginer, vers laquelle pourrait tendre une famille de modèles graduellement plus évoluée techniquement, et esthétiquement.

Reste un détail, de poids.

Il y a quelques temps, Renault faisait la promotion de ses modèles électriques en évoquant l’amour que nous portions aux modèles réduits dédiés aux circuits électriques de notre enfance. On voit dans ce spot des modèles actuels et futurs évoluer parallèlement sur leur rail, rivés au sol par cette liaison au sol un peu rigide qui interdit toute souplesse sur les suspension, toute dérive en survirage, toute agilité sur la piste. Les virages sont absorbés comme s’ils étaient de simples lignes droites qui tournent, les sommets de côte ne suscitent aucune perte d’adhérence. On tient là un des problèmes posés par les petites électriques qui se veulent dynamiques.

Même image dans le petit film mettant en scène l’A290. A 0’27, le modèle piloté par Pierre Gasly franchit le sommet d’une petite pente. La bagnole épouse au plus près, littéralement comme si elle était rivée au sol par un rail invisible, le relief de la route. Pas le moindre début de décollage, aucun délestage du train avant au passage de l’angle, motricité permanente, efficacité optimisée, au point que visuellement, il n’y ait pas grand chose de passionnant à observer dans cette course contre la montre. C’est peut être bien la raison pour laquelle l’univers visuel de ce spot est à ce point saturé de détails dans le paysage, qui sont autant de pôles d’attraction pour l’œil, de centres d’intérêt qui distraient le regard, au cas où par moment il décrocherait un petit peu de la voiture. La même course dans un environnement nettement plus sobre pourrait malheureusement susciter un certain ennui.

Cet effet, je le connais bien : au volant de l’e-208 dont je suis l’heureux propriétaire, on a beau se mettre en mode Sport, la voiture reste rivée au sol. Il n’y a là aucune magie. C’est la plus simple des lois de la physique qui produit cet effet pour une raison très simple : avec ses batteries au ras du sol, la voiture est lourde et son centre de gravité est situé très bas. Ce n’est pas qu’on s’ennuie à son volant. C’est plutôt qu’on ne s’y amuse pas vraiment. Et ce n’est pas une question de puissance. Le passage à 156 cv ne va pas y changer grand chose : c’est l’architecture même de ce genre de modèle qui produit cet effet. Passer les mêmes sommets de côte à bord de ma 205 rallye, dans les années 90, donnait systématiquement lieu à un scénario tout à fait différent : délestage des roues avant, montée du moteur dans les tours, train avant perdant l’adhérence, affranchissement des lois régissant la gravité, suspension d’un peu tout (le temps, l’espace, l’espoir de rester vivant), puis retombée au sol, reprise du grip, baisse de régime. Bref, il y avait des instants de perte de contrôle qui faisaient tout le charme de la conduite sur petite route, là où les successions d’accélérations et de freinages, de combat avec la surface inégale de la route, faisait prendre une conscience fine de la relation physique qu’on a avec tous les composants mécaniques de la voiture. Dans une électrique, il n’y a pour le moment rien de tout ça, tout simplement parce que le poids des batteries annihile toute cette espèce de mobilité qui relève plus de la danse que de la poursuite immuable de la trajectoire. La vie d’une bagnole ne s’exprime pas tant dans la ligne droite que dans les variations que le conducteur trace, comme une chanteuse tisse des vibes autour de l’autoroute de la mélodie, pour faire vivre le mouvement, le nuancer, le faire littéralement vibrer.

La qualité fondamentale d’une Alpine ne réside pas dans la mesure chiffrée de ses performances, mais dans son aptitude à produire dans le corps une tension entre la sérénité et la sueur froide, une courbe oscillant entre ces deux extrêmes que sont la pure joie et la peur bleue. Il n’y a pas grand chose de cet ordre dans ce que l’A290 donne à voir pour le moment. Elle exprime de la puissance, elle inspire la maîtrise. Mais voila, particulièrement sur cette taille de modèle, on s’attend à pouvoir expérimenter une forme de jeu, une perte de contrôle potentielle, un flirt avec les limites. Le défi Gasly / Ocon n’exprime pas ce genre de joie de vivre. Et si on veut mesurer le chemin qui reste à parcourir pour que ces petites bombes procurent de nouveau les joies d’antan, il suffit de regarder la GR Yaris dans ses oeuvres. Et encore, on ne propose ici que les images sages distribuées par la communication officielle de Toyota, forcément édulcorée pour paraître un tout petit peu raisonnable. Le net fourmille de vidéos autrement plus sauvages dans lesquelles on fait perdre tout contrôle à la petite Gazoo Racing, dans des figures toutes plus échevelées les unes que les autres.

Fin de race

Evidemment, la Yaris a déjà trois ans. En pleine période de transition, c’est presque une éternité : le temps de passer d’une génération de l’automobile à une autre. Le luxe résidera peut-être là dans quelques années : avoir acheté à prix d’or une Toyota d’occase, la dernière en son genre, plutôt que s’offrir, bien cher aussi, une Alpine flambant neuve, pionnière d’un nouveau monde. Pour être tout à fait déraisonnable, peut-être faudrait-il accueillir dans son garage chacune d’entre elles, aussi proches soient-elles dans leur format, aussi différentes soient-elles sur le fond. Un jour, on saura croiser dans le même siège et derrière le même volant l’électrisant, et l’exaltant.

1 Comment

  1. J’ai eu aussi une R5 TL , achetée à un banlieusard en 1984, mais surtout quelques années plus tard une R5 presque neuve, 3portes, gris bleue, car reconditionnée chez Renault Montrouge et transformée en « coach », avec juste 2 places et caisson moquetté à l’arrière donnant un vaste coffre, et donc ses stickers « coach » rose le long de la carrosserie. Le moins qu’on puisse dire c’était qu’elle était vachement sympa en effet!
    Et l’idée de la future R5 titille énormément bien sùr, mais en résidence, même neuve comme ici c’est encore trop difficile, si par malchance tu as une place extérieure et non sous le batiment où les gaines sont pré installées.
    Alors la A290 , toute merveilleuse qu’elle semble se profiler, ça sera encore moins pour moi ! Mais quel joli revival de la forme intemporelle! Si on peut peut être regretter qu’elle ne se révèle pas en 3 portes, par contre c’est bien heureux qu’il n’aient pas songé à modifier d’un degré d’angle la chute du hayon ! GR Yaris gazouille ce qu’elle veut, pas touche à la R5 !

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