Rendre la Monnaie

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Monnaie de Paris, Août 2019.

Alors que sept photographes exposent leur regard sur les Citroën d’hier et d’aujourd’hui, et que l’une d’entre eux se détache nettement (Mouna Karray, cf l’article précédent), alors que dehors, dans la cour, les concepteurs de l’exposition The World inspired by Citroën ont installé six classiques de la marque autour d’un débonnaire C5 Aircross qui semble un peu se demander ce qu’il fait là (une idée au hasard : de la promotion ?), que croyez-vous que fit votre serviteur ? Il dégaina son smartphone, parce qu’il avait laissé son APN à la maison, et il tourna un bon moment autour de la deuche, de l’Ami 6, de la DS, de la CX, de la GSA et de la BX alignées sous la belle lumière de la fin d’aprés-midi reflétée par les façades chaudes de l’institution.

Combien de temps leur tourna-t-il autour ? On ne saurait dire. Un indice cependant : au bout d’un moment, les vigiles n’en purent plus, et le laissèrent seul au milieu des bagnoles, ayant constaté pendant un temps qui leur semblait un peu long, qu’il n’y touchait qu’avec les yeux, et avec le capteur numérique de son Samsung.

Il faut dire qu’il y avait là un joli jeu de lignes et de surfaces, et de belles oppositions, allant des courbes généralisées de la 2cv au dessin tracé à la règle de la BX.

Une mention particulière pour deux de ces modèles, avec lesquels j’ai une histoire personnelle. La deux chevaux d’une part, dans laquelle j’ai beaucoup, et longtemps, roulé. Voiture parfaite, moderne, inusable ou presque. Celle que j’ai eu le bonheur de conduire aux quatre coins de la France était une 4, phares ronds, embrayage centrifuge, magique et mythique. Aujourd’hui, il n’y a strictement rien qui puisse offrir les mêmes services ni, surtout, les mêmes sensations.


Et d’autre part, la GSA, dans laquelle j’ai un peu roulé aussi quand j’avais douze treize ans, parce que le chef de l’harmonie municipale dans laquelle je jouais de divers instruments gamin, au Blanc dans l’Indre, en avait une. Aussi très régulièrement, c’est à dire au moindre rassemblement départemental ou régional de majorettes, à la moindre commémoration devant les monuments aux morts des environs, on chargeait dans ce coffre qui n’était pas à la même hauteur selon que le contact était mis, ou pas, les clairons, les tambours, les baguettes, ma clarinette, et moi je grimpais sur la banquette arrière, avec deux ou trois autres musiciens en grande tenue, pour traverser l’Indre, par tous les temps, afin d’y jouer des airs de fanfare entraînants ou des sonnerie aux morts. Une fois arrivés, on ajustait les épaulettes, la casquette, on chauffait les instruments, et le le show commençait. Puis, après l’incontournable vin d’honneur, on prenait la route du retour. Depuis la banquette, j’éprouvais le confort incroyable des suspensions, la douceur étonnante de la voiture et en secret, j’admirais le tableau de bord électronique qui me faisait penser à la cabine de pilotage de Goldorak. Au volant, celui qu’on appelait Tintin, de son vrai nom Constantin Rigollet demeure celui qui m’a donné, bien plus que les professeurs de solfège que j’ai croisés, le goût profond de la musique. Et involontairement, depuis le siège conducteur de sa GSA, il a aussi contribué à me donner le goût des voitures, sans doute parce que la sienne, à l’époque, était incomparablement différente de la plupart de celles que je rencontrais. Enfin, il fut celui qui m’apprit un truc assez important dans la vie : partir.


C’est aussi lors de ce genre d’expérience, qui relève de l’usage, et du partage de l’automobile, que l’attachement se fait. Et ça vaut sans doute toutes les campagnes de promotion.

Alors, évidemment, il y a une forme de honte à partager les photos qu’on a faites lors d’une exposition de photographies. Mais c’est l’été, il fait chaud, et il parait que la honte, ça se boit. Alors voici :

9 Comments

  1. Bon tu as fini par réussir à placer ton couplet sur la GSA ! Et sans avoir besoin de recourir à Almodovar , ce qui est dommage, mais enfin, tu as saisi l’occasion qui fait le larron, en monnaie sonnante et sans trébucher!

    • J’ai bien sûr pensé à Almodovar, et au fait que tu me l’avais signalé, mais je maîtrise trop peu ce film pour être parvenu à caser la référence de façon intéressante. Et je me suis dit que j’aurais, un jour, l’occasion de reparler de cette fantastique voiture. Je saisirai quand même la prochaine occasion dès qu’elle se présentera : on en croise vraiment de plus en plus rarement !

  2. la carrière de la GSA a dù s’interrompre plus ou moins progressivement vers 1983 et l’attente a été longue avant qu’une prétendante à la succession arrive en 91, sous la forme de cette incroyable et moderne ZX avec sa réinterprétation de la 3eme vitre latérale. Cette si longue attente a produit ce phénomène assez particulier à ce modèle, la sensation d’une résurrection et d’une modernité incroyable….j’imagine qu’à 21 ans et en bon citroenniste tu as dù toi aussi être assez subjugué ! J’avais choisi la Clio pour son prix mais je crois que c’est la ZX que j’aurais aimé avoir, en aura gris anthracite. Ce n’est pas sa solidité qui aurait pu impressionner, mais au contraire sa légèreté, comme un insecte un peu haut sur roue, après toutes ces Citroen basses. Je me souviens presque de son odeur chez Citroen St Quentin en Picardie chez qui j’allais rêver d’être un peu plus riche que jeune prof…..

    • Je n’ai jamais vraiment rêvé de la ZX, parce qu’elle n’entrait pas dans les options qui étaient les miennes à cette époque. Mais un pote avait une Volcane turboD, noire, avec les détails rouges, et ça faisait une chouette voiture. Je me souviens de ses sièges, pas si moelleux que ça, de l’intérieur qui était sérieux, un peu dénué des excentricités habituelles de la marque, mais bien construit. Ca roulait bien, ça donnait l’impression d’une voiture « suffisante ». Et effectivement, sous des aspects un peu sages, à bien y regarder, on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle était, tout simplement, bien dessinée. La version 3 portes était moins équilibrée, mais le dessin de son montant central était, au moins, original.
      Elle n’avait sans doute pas la poésie de la GS, mais elle était en phase avec le réalisme de son époque.

  3. Ah c’est étonnant, j’aurais imaginé bien plus d’enthousiasme ! Tu étais à cette époque là encore en 2 CV si j’ai bien compris puisque tu dis l’avoir gardée longtemps. Même si ça ne colle pas trop avec la phrase très entrepreneuriale sur « les options qui n’étaient pas les miennes »……
    Quant à moi, rétrospectivement, je ne sais plus pourquoi je n’ai pas pris une ZX après la Clio, si elle me plaisait tant, plutôt que d’aller jouer au faux père de famille en Primera ! Le charme du vendeur Nissan St Quentin….. La nouvelle 306 ne me plaisait pas, à la fois moderne de forme et vieillotte dans le traitement des détails; la R19 était en 2eme partie de vie au restylage improbable !
    Pourtant à sa sortie en 88, je me souviens de ce choc en la voyant. A cette époque les canards auto faisaient encore un magnifique encart spécial, genèse, photos etc….pour les/ou certaines nouveautés françaises. Tombé en panne à Argenton sur Creuse, je me souviens de m’être délecté de ce spécial R19 immobilisé de force au camping municipal ! Là déjà, quelques années avant la Clio, la nouveauté de ces boucliers monobloc thermoplastiques aux formes souples me fascinait!
    Pour la ZX, une collègue d’un autre lycée , à l’allure assez stricte et un peu plus agée que nous, avait pris une Aura ou Vocane noire, elle se piquait de rouler vite pour se rendre à Amiens, et je crois que j’étais un peu jaloux de sa voiture….
    Celles qu’on peut voir encore sont souvent des mochetés grises parfois en break et abimées dans les campagnes, ça ne me rappelle pas du tout l’émotion que j’ai ressentie en 91. Que je n’ai pas eue en 97 pour la Xsara trop jolie petite bourgeoise….mais par contre c’est vrai que la C4 de 2004 a marqué de nouveau, et là vraiment, un grand chapitre des compactes Citroên.
    C’est étonnant que, vu ton histoire tu n’aies pas attendu avec impatience la remplaçante de la GSA….

  4. C’est vrai qu’avec le recul j’aurais pu y être plus attentif, mais entre temps étaient apparues les citadines sportives, et je me souvenais avec quelques émois des plaisirs vécus – pas tout à fait uniquement automobiles – à bord d’une Clio 16S dans laquelle un jour un gars m’emmena, comme on dit, faire un tour. N’ayant pas tendance à embarquer quantité de passagers, une compacte me semblait trop massive, et j’avais envie d’un engin habile, léger, et ludique. Du coup, la 2CV fut remplacée par quelque chose de vraiment très différent, puisque je devins le très, très, heureux propriétaire d’une 205 rallye, que je regrette encore malgré ses sautes d’humeurs dues à ses carburateurs qui n’aimaient pas être réveillés et utilisés quotidiennement. Du coup, je pense que c’est plutôt mon pote, déjà un peu engagé dans la vie, qui roulait en XZ Volcane qui, finalement, m’enviait, plus que l’inverse. La 205 n’était pas sage, elle n’était même pas bourgeoise, à la différence des GTi (dont je rêvais aussi, évidemment), elle était telle qu’elle se présentait, faite pour rouler avec un gros sourire, et avec concentration aussi, quand même.

  5. mon vendeur Nissan m’a aussi emmené faire un tour en Terrano 2 et Primera, malheureusement sans aucun contact, saut peut être furtif au passage des rapports…….Je n’ai pas vécu une seule aventure inattendue de ce genre, dans la « vraie vie », et malheureusement même l’inverse une fois, jeune naïf embarqué par un marlou sur le parvis de Beaubourg sous prétexte je crois de me tirer les cartes…. Les échanges de regards de biais dans les salles d’exposition de peinture n’ont jamais rien donné non plus……..ni dans les Corail (et non coraux!) qui me ramenaient dans le midi aux vacances scolaires….pourtant les voyages étaient longs avant le TGV.
    Homosexualité et véhicules sportifs, voilà un domaine d’étude original et je pense très marginal. La conduite très et même trop rapide de jeunes gays était évidemment répandue, principalement dans le monde rural, mais je pense la plupart du temps avec des voitures banales. Je n’ai pas connu un seul gay fantasmant sur un modèle sportif, plutôt des gars pratiquant la moto par contre, là c’est un sous groupe pas négligeable.
    Tu es assez original , et même parfois j’ai l’impression qu’il y a une composante transgressive dans ta personnalité. Ton analyse d’un petit film où un conducteur américain asiatique ne fait quasiment que rouler sur des dizaines de KM en téléphonant à la mère de son enfant à l’arrière, (ou plutôt téléphoner en conduisant serait plus juste) sans je crois mentionner le caractère très angoissant de cette transgression, pourtant donnée très percutante du projet, mais comme invisible à tes yeux autrement qu’un simple fait narratif, m’avait laissé une drôle d’impression. Certes il cruisait à l’américaine, mais il me semble que justement aux Etats Unis, les forces de l’ordre ne rigolent pas avec ça, bien moins qu’en France par exemple, tellement ce geste est potentiellement dangereux. Alors avec son bébé à l’arrière…….un simple controle de routine l’aurait amené menotté au poste.

    • Je ne sais pas trop s’il y a une « conduite gay ». J’ai l’impression qu’il n’y a pas, sur ce point, d’homogénéité de la communauté (d’ailleurs, il n’y a pas vraiment de communauté, en fait). Par contre, il y a sans doute des goûts automobiles qui peuvent être un peu spécifiques, d’une part, parce qu’il s’agit souvent de personnes seules, ou vivant à deux, qui vont donc privilégier des modèles de taille réduite, un peu orientés « loisirs », des coupés, des cabriolets, et d’autre part parce que certains modèles sont un peu « typiques ». Mais je n’en dis pas plus : quand j’aurai un peu le temps, je développerai un article à ce sujet, à propos du break Subaru qu’on peut voir dans le film Love, Simon.

      Quant aux aventures vécues en faisant du stop ou du co-voiturage, elles relèvent plutôt du scénario de film X que de la « vraie vie », non ? 🙂

      Enfin, suis-je transgressif ? En fait, je ne pense pas, non. Je suis plutôt respectueux des règles. Mais par contre, je ne fais pas de ce respect une fin en soi, et je comprends tout à fait que certains, parfois, puissent avoir d’autres priorités que l’obéissance aux règles. Et parfois, dans une fiction dans laquelle la loi n’est pas respectée, s’il se passe quelque chose de véritablement intense, ou de dramatique, alors je me focalise là-dessus, et pas sur l’obéissance méticuleuse de la loi. Je ne méprise pas du tout celle-ci, mais je ne l’adule pas non plus. Et puis, de façon générale, je préfère être soucieux de mon propre respect de la loi, que de celui des autres.

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