Point, ligne, plan

In 2008 MK2, Peugeot
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Coup de fouet

Un jour, les historiens de l’automobile se pencheront sur une question stylistique sans doute passionnante : comment l’avènement des SUV modifia profondément le vocabulaire formel des marques à l’aube du 21ème siècle. On pourrait même imaginer que ce soit un sujet du bac arts appliqués, en histoire des styles, aux alentours de 2050. Parce que nous sommes plongés dans ce qui est pour nous une actualité, nous ne discernons pas les tenants et aboutissants de ce phénomène, mais il a lieu, là, sous nos yeux, et si on voit bien que certaines marques se cherchent encore, et perdent parfois un peu leur identité dans cet exercice, d’autres en revanche ont trouvé là une espèce de coup de fouet formel, comme si le concept même de SUV avait injecté du redbull dans les feutres des designers, qui s’étaient mis soudain à oser des choses que, jusque là, ils griffonnaient en douce sur leur carnet de croquis, en se gardant bien de montrer ça à la hiérarchie, de peur d’être pris pour des dessinateurs de manga, et non des designers dignes de ce nom.

Et s’il y a une marque qui semble avoir connu une forme de renaissance au moment où elle s’est jetée dans ce grand bain, c’est Peugeot. Pourtant, les premiers pas de la marque furent un peu hésitants, et on l’a regardée faire comme on regarde un enfant qui ose pour la première fois avancer sur ses deux pieds sans se tenir à la table basse ou à l’assise du canapé : en prévoyant le pire. Et on se souvient de nos mines déconcertées devant le physique inattendu du premier 3008. On se souvient de nos mines encore plus déconcertées devant les chiffres de vente, quand on découvrit qu’un physique… disons… maladroit, n’interdisait pas la réussite commerciale, et qu’on se demandait s’il n’y avait pas un énorme malentendu au sujet des goûts esthétiques du grand public. Mais on sait aussi comment Peugeot a su, au moment de renouveler le 3008, prendre cette clientèle par la main pour l’amener à une proposition formelle autrement plus ambitieuse, prenant la responsabilité d’éduquer le public à des formes nouvelles, beaucoup plus exigeantes esthétiquement, avec des lignes tranchées, des volumes disposés selon des équilibres nettement plus dynamiques, une allure bien plus volontaire. A ce moment, le vieux lion a manifestement trouvé un élan nouveau, une énergie qui lui faisait un peu défaut jusque là. Le 3008 MK2 inaugurait une nouvelle période dans la vie de sa marque : désormais, on attendrait ses nouvelles productions avec impatience, et appétit. De Peugeot et du public, on ne saurait plus qui avait le plus envie de dévorer l’autre.

Rancho

Entre temps, on avait fait connaissance avec le 2008, autre exploration du lion sur le territoire des véhicules un peu moins guindés que ce que proposait sa gamme classique. A l’époque, le 3008 n’existant pas encore, on ne s’attendait à rien, le public lui aussi défrichait le concept encore flou de « SUV urbain ». Le modèle fit son petit bout de chemin, on l’a vu un peu partout sur les routes, il est bien inscrit dans nos esprits. Mais voila. Si le premier 2008 ne répondait à aucune attente, son remplaçant, lui, est attendu de pied ferme. Et la succession vertueuse des 3008 et 508 a pour effet que l’attente se double d’une exigence dont il est fatal qu’un jour ou l’autre, Peugeot ne parvienne pas à la satisfaire tout à fait. Peut-être ce moment a-t-il déjà eu lieu, et qu’il se situe le jour où on a découvert la 208. Peut-être ce moment a-t-il lieu, aujourd’hui.

C’est horrible, ce suspens, hein ?

Avoir des attentes, c’est le meilleur moyen pour être déçu. Mais une marque ne peut pas se permettre de laisser la clientèle sans attente. Dès lors, le 2008 MK2 doit remplacer son grand frère, tout en intégrant dans son corps nouveau-né les formes qui ont récemment intégré le patrimoine génétique de sa marque. Difficile, parce que si le design actuel de Peugeot est orienté vers un univers futuriste et technophile, le premier 2008 lorgnait, lui, vers les années 80, avec une allure qui faisait un peu penser à la Matra Rancho, SUV avant l’heure, vendue chez Talbot, sous la forme d’une Simca 1100 fourgonnette, avec une partie arrière surélevée, un peu haute sur ses roues, et tout un accastillage aventurier, composé d’une galerie de toit, de spots fixés sur les ailes. Avec son toit à double étage, le 2008 faisait un gros clin d’oeil à ceux qui, enfants, avaient bavé d’envie devant cet engin qui semblait fait pour les familles où ce sont les gamins qui décident quelle voiture les parents devront acheter. On en était à regretter de ne pas retrouver ce détail si pique-niquesque : le hayon en deux parties du 3008, qu’on trouvait aussi sur la Rancho, dont on imagine tellement utiliser la partie basse pour s’y attabler; ce qu’on ne fait évidemment jamais.

Si pour vous le 2008 est une sorte de Rancho contemporaine, alors vous n’allez pas le reconnaître. Fini le jouet pour enfants, il est maintenant le genre d’objet que désirent les adultes. Lui-même a pris beaucoup d’assurance. Il s’affirme, il tranche, il a des trucs à dire stylistiquement. Conceptuellement, il est un peu en retrait par rapport à son prédécesseur (le nouveau venu est, conceptuellement, une compacte un peu haute sur ses roues, voila tout). Mais après tout, qui a vraiment utilisé le premier 2008 comme on aurait pu le faire d’une Rancho ?1 Ca donne une allure entièrement dictée par le style, et par rien d’autre. L’ensemble du 2008 est défini par une volonté esthétique de pousser le vocabulaire formel de Peugeot un peu plus loin que ce qu’il a atteint jusque là. Et si c’est ça le projet, on peut dire que le résultat est à la hauteur de ce genre d’ambitions.

Sculpture en mouvement

Le 2008 aurait pu n’être que satisfaisant. Beaucoup attendaient un 3008 en réduction. Une voiture pour grands mise au niveau des moyens des plus jeunes et des plus modestes. D’une certaine manière, c’est ce que Peugeot a fait. Mais le 2008 ne pouvait pas snober celle avec laquelle il est censé faire la paire : sa petite sœur plus basse sur roues, la 208, avec laquelle il partage tant. Alors il est un savant mélange entre ces deux références. D’elle il a le regard, mais si la 208 est sculptée toute en rondeurs, le 2008 lui, est beaucoup plus raide dans son dessin, et bien entendu, ces fameuses lignes saillantes sur ses flancs modifient totalement la perception qu’on a de son design. Il a l’air beaucoup plus acéré que la citadine, qui semble plus accueillante et bienveillante.

Ce dessin particulier des flans est certainement ce qui donne son caractère à l’automobile toute entière, ce qui frappe l’œil en premier, et le souvenir qu’on en garde quand elle sort du champ visuel. Ce détail, qui n’en est pas un, puisqu’il est puissamment structurant, est aussi un élément nouveau dans le vocabulaire de la marque, et ce à quoi aucun dessin jusque là paru dans la presse ne nous avait préparés. En voyant les premières photos cette nuit, ce qui m’a frappé, c’est que ce dessin évoquait un petit détail évoqué par Laurent Schmidt sur sa chaine Youtube, au moment où il décortiquait le design de la 208. Il avait repéré ce relief qui souligne les flancs, et qui se courbe vers le bas à l’approche des arches de roues avant et arrière. Et il remarquait que c’était la première fois qu’on voyait cette ligne passer du dessin à la réalité. En effet, jusque là, comme il le montre (aux alentours de 7′ et des poussières), tous les designers l’ajoutent à leurs sketchs, comme si c’était en quelque sorte le reflet de l’horizon courbé par les volumes de l’automobile. Sur la 208, cette ligne devient réelle. A vrai dire, la 208 n’était pas la première à être ainsi dessinée comme si elle était dessinée. La dernière Audi A6 présente elle aussi un détail de ce genre, et ce qui est d’ailleurs troublant sur celle-ci, c’est qu’on a vraiment l’impression qu’il s’agit d’un reflet, alors que c’est un trompe-l’oeil. Sur le 2008, l’artifice de style est poussé beaucoup plus loin, car ces lignes ne peuvent pas être confondues avec un quelconque reflet. Elles sont objectivement dessinées, et ne se cachent plus. Mais ce faisant, elles jouent le même rôle visuel : renforcer visuellement les roues dans le dessin du profil, et proportionnellement, diminuer la masse des flancs. Elles participent ainsi à accentuer l’aspect dynamique du 2008, qui paraît bien campé sur ses roues, qui sont comme repoussées vers les angles de la voiture, dotées d’une force qui semble émaner des formes mêmes de l’auto. Beaucoup comparent aujourd’hui ces flans au travail un peu déconcertant effectué par Toyota sur la dernière version du Rav4, mais en réalité, l’effet produit n’est pas le même, bien que techniquement, on imagine des processus d’emboutissage identiquement complexes. Toyota cherche à produire un effet de masse, une impression visuelle de solidité, de robustesse. Ce que vise Peugeot est davantage un effet graphique, une signature reconnaissable, mais aussi une mise en mouvement de la surface latérale qui, sinon, pourrait sembler vraiment massive, la longueur totale du véhicule ne permettant pas d’étirer les lignes comme sur une 3008.

Maintenant, si vous voulez percevoir ce que les photos que je propose ici ne montrent pas, faîtes ceci : allez lire la découverte, « en vrai », de la 2008 par Le Nouvel Automobiliste. Le texte, d’une part, est bon, et je l’ai lu en me demandant s’il me resterait encore quelque chose à dire qu’il n’ait pas déjà écrit, mais vous y trouverez, aussi, les photos de François Mortier et Fabien Legrand. Ils ont fait un travail d’éclairage qui met vraiment en valeur les volumes de cette voiture, et rend beaucoup mieux justice au travail des designers que ce vous pourrez voir ailleurs. Courez-y.

Massive Attack

Autre trait immédiatement marquant du dessin latéral : la ceinture de caisse qui remonte vraiment haut vers l’arrière. L’effet est tellement marqué qu’il semble au premier abord excessif, et ce n’est que dans un second temps qu’on comprend ce qui provoque cet effet. Dans le fond, le 2008 fait, franchement, ce que le Seat Arona n’assume pas, et ne fait qu’esquisser. Du coup, comme l’arrière de la voiture est clairement massif, on a un effet de volume qui fait un peu penser à l’allure d’un Nissan X-trail, qu’on peut justement aimer parce qu’il semble un peu avoir un sac à dos sur les épaules, tout comme on peut le détester pour la même raison. Pourtant, une telle comparaison serait injuste, parce que ce qui n’apparaît pas clairement sur les photos, et qu’on imagine bien plus évident en présence réelle de la voiture, c’est que cette remontée de la ceinture de caisse s’associe à un épaulement marqué de l’aile au dessus du passage de roue, avec un volume concave de cette partie de la carrosserie, qui enlève, de trois quart arrière, cet effet de masse et de sac à dos. Au contraire, cette partie de l’aile qui remonte au dessus du feu semble particulièrement légère, presque aérienne. C’est donc un dialogue entre la hauteur de la face arrière, son aspect massif, et les surfaces de carrosserie plus légères qui s’installe, et sans doute la grande qualité de la façon dont le 2008 est sculpté, c’est qu’elle invite à la lire de plusieurs façons successives, son allure changeant manifestement avec les différentes conditions d’éclairage. Ainsi je devine, alors que je ne l’ai encore jamais vue « en vrai », que mon regard sera volontiers absorbé par ces épaules arrière, dont la sculpture complexe me fait penser aux formes fascinantes des Citroën des années 70. Si on regarde le profil d’une Ami 6, ou même d’une Dyane, on s’aperçoit qu’il y a tout un jeu subtil entre le concave et le convexe, des épaulements, des reliefs qui se croisent et s’inversent. La partie supérieure de l’aile arrière du 2008 me fait penser à ce travail, qui donne l’impression de voir le geste du sculpteur sur l’argile. Et je trouve assez épatant qu’un dessin général aussi technique garde encore une place pour ce témoignage, factice évidemment, d’un geste humain.

Si on veut faire remonter très loin en arrière cette façon de donner une forme émouvante à de la tôle, on peut penser à Citroën. Plus récemment, c’est bien sûr le concept Fractal qui a commencé à nous familiariser avec cette façon particulière de traiter les volumes. Mais on remarquera un petit détail, qui montre que chez Peugeot, on a de la suite dans les idées : finalement, cette façon de dynamiser le profil à grands coups de lignes obliques, c’était le principe mis en oeuvre par la coupe franche, qui a animé les flans de la 308, de la 208 et du 3008. Ce que le dessin du 2008 ajoute au processus, c’est le relief, et donc de la force. Et on peut parier que, dès qu’on verra « en vrai » le 2008 dans la rue, on comprendra mieux ce qu’ont voulu faire les designers.

L’arme fractale

De façon générale, et on le devine sur les petites vidéos en mouvement dont on dispose déjà, il semble que le 2008 cherche à produire un effet très particulier, qui était lié, jusqu’à présent, spécifiquement au 3008. Si vous regardez ce SUV évoluer dans la rue, il se passe quelque chose d’un peu particulier. Ses proportions, son rapport longueur/largeur, son dessin, tout donne l’impression d’une voiture incroyablement rigide. On n’a pas du tout le sentiment qu’il puisse être mobile sur ses suspensions. A ce degré, on ne parle même plus de rigidité, mais de raideur. C’est bien simple, on dirait qu’il n’est pas doté de différentiel, et que dès lors, il est incapable de prendre un virage, sauf en lui déboîtant tout le train arrière d’un coup. Mais ça, on ne le perçoit vraiment que lorsqu’on en voit passer un dans la rue, à basse vitesse. Le dessin du 2008 donne cette impression, même à l’arrêt. On dirait une carrosserie verrouillée sur sa position, un bloc sculpté qui ne connait même pas le concept de torsion. Et cet effet est obtenu ici sans provoquer une impression de lourdeur. Le 2008 conserve une apparence dynamique. On peut jeter un coup d’œil en arrière, et observer de nouveau le concept Fractal, pour constater que ce sont là, aussi, les fondamentaux de son design.

Ajoutons enfin que les lignes horizontales qui partent des feux arrière pour courir le long de l’aile contribuent à asseoir visuellement la masse, et à l’ancrer au sol, pour éviter que ce soit le seul mouvement ascendant de la ligne de caisse qui commande le regard. Cet ensemble de carrosserie massif est mis en tension avec les feux arrière, de dimensions réduites. qui surplombent une partie basse de hayon vraiment massive. Cette zone, traitée sans fioriture, peut sembler massive, surtout sur les versions électriques, dont le bouclier n’est pas animé par la présence de pots d’échappement. Mais c’est un peu là l’effet recherché : la voiture semble vouloir s’extraire de son propre volume arrière, ce qui explique l’impression de déséquilibre entre l’arrière, massif, et le reste de l’auto. Ce déséquilibre est tellement marqué, qu’il semble avoir vrillé les poignées de portières, qui ne sont pas au même niveau. Mais c’est justement cette disproportion qui est, finalement, intéressante, bien qu’il faille sans doute s’y faire.

Avant-garde

La calandre fait aussi partie des motifs fréquents de mécontentement. On reproche à Peugeot de revenir vers des grandes bouches. En réalité, on oublie peut-être un peu vite qu’il s’agit d’un SUV, et que ces véhicules, dans l’imaginaire des gens, circulent la gueule grande ouverte. On peut essayer d’aller contre l’image que les gens se font des choses, mais c’est souvent risqué, commercialement. Le 2008 obéit donc à la loi du genre. Mais il y a peut être une autre raison à cela, qu’on avait déjà évoquée en parlant de la 208 : PSA doit laisser de la place à Opel. Et on peut se demander si la face avant de la 208, puis celle de la 2008 ne sont pas verticalisées pour laisser la marque allemande développer une signature, elle, davantage horizontale. D’où les crocs, d’où ces lignes verticales qui rendent ces crocs plus gourmands encore que sur la 208.

Le reste n’est pas anecdotique, car le dessin du 2008 est globalement cohérent. Mais les face avant et arrière de ce modèle sont conformes à ce à quoi on s’attendait, puisque les éclairages suivent la tendance tracée par Peugeot depuis quelques années déjà. Crocs ou sabres, comme on préfère les appeler, répondent à l’appel, même s’ils sont mis en scène de façon encore un peu nouvelle, légèrement séparés du phare. Détail qui montre que la volonté de démarquer le 2008 de la 208 : les anti-brouillard sont de retour dans le bouclier avant, spectaculairement mis en scène dans un dessin typique de ce que peut donner, aujourd’hui, la création de volumes sur des outils numériques. Ainsi, même si la filiation avec la 208 est évidente, le 2008 se présente, dès qu’on le regarde en face, comme plus aiguisé, un poil agressif, sans se transformer pour autant en machine de guerre.

A l’arrière, le fait que le lion ne soit pas présent, comme sur le 3008, dans le bandeau noir qui lie les feux, semble faire grand débat. Néanmoins, on remarquera que depuis la 208, ce bandeau présente un relief qui rendrait impossible d’y intégrer le logo de la marque. On comprend donc qu’il ne s’y trouve pas. D’autre part, si le lion ne se trouvait pas là où il se trouve, la masse de l’arrière semblerait vraiment vide. Il n’y avait donc pas énormément de solutions, sauf à vouloir tout redessiner. Au dessus, on a une lunette qui est enchâssée dans ces profilés aérodynamiques dont Peugeot a décidé de faire, aussi, un élément de style. De nouveau, ce parti pris, on l’a découvert sur les 3008 et 5008, et il y là encore quelque chose à observer. De toute évidence, le dessin du 2008 pourrait ne pas plaire. Mais en ce domaine, Peugeot a de l’expérience, car c’est aussi le cas du dessin de l’arrière des deux SUV haut de gamme de la marque. L’ensemble vitre-arrière/custode/lunette arrière de ces deux véhicules n’a rien d’esthétiquement évident. On aurait même pu imaginer que le public repousse tout particulièrement le dessin du 5008, tant il est, à première vue, étrange. Pourtant, non seulement le 5008 se vend, mais en réalité, il plait. Peugeot parvient donc à imposer des formes, et à les faire apprécier sur la longueur. Tout n’est donc pas fondé sur un wow-effect immédiat. Il y a, aussi, une part de l’adhésion qui fonctionne en mode « pourquoi pas ? ». Maintenant qu’on s’est fait au traitement particulier de l’arrière du 5008, on est sans doute prêts à accueillir favorablement le 2008. Notre regard est éduqué par le design, et manifestement, ces temps ci, Peugeot fait partie des bureaux de design dont nos goûts apprennent beaucoup. Et à ce jeu, la marque acquiert une autorité qui l’autorisera, à l’avenir, à proposer d’autres choses encore, et à évoluer avant les autres. Sur certains points, comme l’aménagement intérieur, elle le fait déjà.

Un air de famille

On pourrait aussi faire l’économie d’un paragraphe sur l’intérieur, puisque le tableau de bord est strictement le même que celui de la 208. Certains y voient un manque d’investissement de Peugeot pour cet habitacle. Je pencherais plutôt pour une autre théorie : ce n’est pas le 2008 qui a récupéré le tableau de bord de la 208, c’est le contraire. Cet agencement intérieur complexe, très marqué par la mise en scène des aspects technologiques, est parfaitement en phase avec l’allure générale de ce 2008. Elle l’est finalement peut-être un poil moins en ce qui concerne la 208, qui aurait pu mériter un intérieur un peu plus chaleureux. Il ne semble pas totalement absurde, par ailleurs, que la marque fasse des économies en proposant un intérieur semblable dans deux modèles situés sur la même branche de leur arbre généalogique, et présentés à quelques mois d’intervalle : on n’a pas eu le temps de se lasser de ce dessin, il est donc parfaitement d’actualité.

Exception culturelle

En somme, Peugeot fait son boulot de tête chercheuse, en proposant un dessin qui sort de l’ordinaire. Inspiré du monde de l’architecture et de l’habillement, ce design tente d’amener dans le monde automobile des éléments de culture qui lui permettent de monter en gamme par une voie singulière, qui ne relève pas seulement de la mécanique, et de la performance, mais aussi de la référence à la culture au sens large. Evidemment, comme souvent chez PSA, on se demande un peu ce qui peut rester à DS, qui est censé s’appuyer aussi sur cette spécificité culturelle pour gravir le sentier escarpé de sa propre gloire. Avec un tel concurrent, on se dit que ce n’est pas gagné. On n’est jamais aussi bien trahi que par ses proches.

On constate en regardant le 2008 qu’on mène, chez Peugeot, une réflexion assez semblable à celle qui trotte dans les têtes chez Audi. Et il n’y a rien de hasardeux au fait qu’on puisse trouver sur ce petit SUV quelque chose qui fasse penser aux reliefs qui animent les flancs du Q2. Mais le 2008 a deux spécificités, par rapport à son concurrent : d’une part, Peugeot va beaucoup plus loin dans cette audace. Le 2008 assume son dessin, et il ne l’édulcore pas. Ces lignes tranchées ne viennent pas décorer un volume, elles le sculptent pour de bon. D’autre part, tout simplement, le style Peugeot ne se perd pas dans cette expérience. On n’a pas l’impression de voir un modèle issu de la gamme d’un autre constructeur. Alors que les flans tranchés du Q2 donnent une impression étrange de la part de cette marque, qui n’est pas censée faire ça. Dans le 2008, l’impression de dynamisme contenu, de force intérieure qui agrippe les éléments de la voiture pour les conserver, d’une main de fer, concentrés sur leur centre, est très efficace. A tel point que, pour un véhicule qui est proposé, aussi, en déclinaison électrique, on se dit qu’il y a là une façon intéressante de recentrer le dessin d’une voiture sur ses propres entrailles, qui ne se situent plus forcément à l’avant, comme c’est le cas pour la plupart des voitures thermiques. La force d’une voiture électrique vient plutôt de ses soubassements, de son centre. Si le design parvient à faire surgir la force des masses de ce cœur, alors au-delà des impressions esthétiques qui peuvent plaire aux uns et déplaire aux autres, il aura ce qui est sans doute plus important encore, du sens.

1 J’allais écrire « qui utilisait la Rancho comme une Rancho ? », mais en fait j’ai souvenir d’avoir été embarqué par les parents de copains de classe, dans des clairières que la chrysler 180 de mes parents n’aurait jamais pu atteindre)


Et maintenant, le choc des photos :

Et le poids des dessins. Le designer du 2008 s’appelle Sandeep Bhambra. Gilles Vidal, le patron du style Peugeot, a partagé ce matin cette petite collection de sketchs, qui donnent une idée de ce que les dessinateurs avaient en tête, au moment où ils ont rêvé leur nouveau SUV :

6 Comments

  1. alors ce 2008, génial ou complètement loupé? Et génial et loupé? Ni l’un ni l’autre? Véhicule juste à la page, produit avec ses qualités et défauts , qui aura le succès qu’il mérite après le premier opus si fade, malgré 2, 3 trucs intéressants ?
    Bon je dirais qu’il est génial et loupé à la fois! Alors plutôt génial ou plutôt loupé? Ma balance penche plutôt vers loupé, quoiqu’assez génial par ailleurs!
    D’abord si on part de Quartz ou des sketchs, c’est tellement loin de ce qu’on était en droit d’attendre, que bien évidemment c’est la déception qui domine. Déception devant ce produit si peu inspiré quand il s’apprêtait à être un petit 3008 dynamique, musclé, ou râblé. Ou bien, si finalement il s’orientait vers un polygone à facettes, il y avait moyen d’aller bien plus loin que ce qui a été finalement fait. Tu en as peu parlé ou pas du tout, mais notre oeil est habitué depuis 10 ans à l’audace d’un Juke (ce qui n’aurait bien sùr pas inspiré un Peugeot) mais surtout depuis 2 ans à celle d’un CH-R , tellement compliqué et réussi que c’en est une sorte de miracle du design.
    Alors où est le problème? Essentiellement du fait que ce qui n’était pas prévu au départ est devenu la ligne directrice de ce véhicule, un développé qui monte en courbe vers l’arrière, masquant la custode englobée entièrement dans la surface simple. Une idée force dans le design auto, c’est bien, c’est ce qu’il faut, mais c’est aussi casse gueule. Ca marchera en mouvement, probablement, car la face avant très expressive qui va manger l’asphalte recouvrira tout de son appétit. Mais en photo aie aie aie, les vues stables des 3/4 avant, 4/3 et profil sont décourageantes, car une ligne qui remonte en courbe vers l’arrière est tout bonnement faible, n’assoit pas un véhicule s’il n’y a rien pour faire contrepoids et le ramener sur terre. Et là l’épaulement n’est pas vers l’arrière, mais au milieu du véhicule, le sommet du polygone d’arêtes…..Ca n’aurait pas dù échapper à des designers, l’arrière descend en pente douce et ne peut contre balancer cette fuite courbe qui s’échappe jusqu’à la lunette…
    A mon sens, c’est pour ça que la déception était forte pour beaucoup, ramenée à un soulagement avec les vidéos. Alors qu’il y a ces facettes inédites , et la plupart des surfaces anguleuses, qui devraient inspirer la force minérale, l’ensemble a tendance à paraître frêle, et des idées affreuses de Vitara, Tivoli, HRV viennent à l’esprit. Cauchemar des tôles sans âme!
    Mais…en mouvement ce développé sera peut être une espèce de virgule vite avalée pour s’enrouler sur une vue de 3/4 arrière qui à l’inverse réassoit brutalement le véhicule comme dans la pub où devenue robot transformer la voiture se reconstitue en rebondissant au sol… cette vue est pour moi assez géniale, racée, aérienne et solide à la fois, là cette ligne qui libère un morceau de carrosserie sans continuité sous la custode devient une signature extra. Mister Jekkyll et mister Hyde, cette ligne courbe passe de désastreuse à miraculeuse! Et en plus, on voit sur les videos que cet arrière est cintré à la façon d’une Jaguar , et non plat comme on le croirait, ce qui le rend à mon avis bien plus moderne qu’un 3008 …
    Voilà mon analyse. Comme une 308 1, le travail très intéressant du 3/4 arrière avec sa lunette rentrante et feux posés sur l’aile, est gâché en vue de 3/4 avant par une mollesse des lignes qui écoeure un peu ! Et pourtant en jaune Lacerta à l’époque, quel plaisir pour moi de la voir! Je ne suis donc pas d’accord avec toi, l’aile arrière, bien que sophistiquée, convexe et concave, n’est pas du tout assez marquée, et globalement, à cause même du cintrage important du volume arrière, tombante. On ne peut pas tout avoir!
    IRL comme ils disent, tout cela sera peut être balayé par une présence distinctive et valorisante, probablement même. Maintenant, Peugeot avait normalement les moyens d’essayer de frapper bien plus fort, et il est possible que le new Captur continue à mener la course en tête.
    Une dernière chose amusante: tu effaces mentalement les feux horizontaux et tu fixes ces vues arrière ou 3/4, un véhicule apparaît , un poil grâce aux déflecteurs en pointe posés sur un volume simple en promontoire, toujours avec cette ligne de caisse courbe……..la Focus 1998 !

  2. Je suis assez d’accord quant à la perception de cette ligne remontant vers l’arrière : sur certains angles, elle est très perturbante, et c’est un choix esthétique qui a des conséquences inévitables, que le dessin essaie d’atténuer tant bien que mal, sans y parvenir tout à fait. Après, la multiplication des modèles dessinés sur la même base technique, chez PSA, va créer de plus en plus de contraintes de ce genre, afin de distinguer des modèles qui, sinon, se ressembleraient trop. Là, c’est clair qu’on n’a pas une seconde le DS3 CB en tête, quand on regarde la 2008, mais peut-être cela se fait au prix d’une radicalité qui ne va pas dans le sens de la séduction immédiate du regard.

    Après, j’aime bien, justement, voir comment les designers s’en sortent, dans ce genre de contraintes. Et je trouve que là, ils sont restés maîtres de ce qu’ils faisaient. Pour autant, serais-je acheteur de cet engin ? Je n’en suis pas immédiatement certain. Je me dirais plutôt « attendons la prochaine 308, qui sera assez différente esthétiquement, et amènera de nouveaux éléments de style ». Mais pour autant, je suis vraiment persuadé que la rencontre avec le 2008, dans la rue, et en mouvement, rendra justice à ce dessin, quand bien même il part avec un handicap esthétique considérable.

    On verra ce que donnera le prochain Captur. Pour le moment, ce qu’on en sait ne me rassure pas tellement (je précise que, autant j’aime vraiment bien la clio, je ne suis pas fan du Captur actuel, qui me semble mal proportionné), et il a l’air très respectueux des formes de son prédécesseur. Ce qui me plait, chez Peugeot, c’est que pour une marque censée être très conservatrice, ils tentent quelque chose. Je pense que commercialement, ça marchera, mais je pense aussi que, justement, si ça se vend comme des petits pains, le regard se familiarisera avec ces formes. Après tout, le regard a bien fini par se faire à l’allure étrange du premier 3008 ! Pourtant, on ne donnait pas cher de sa peau à sa sortie.

    Last but not least : j’avais jamais vu ces déflecteurs aérodynamiques comme des équivalents des feux de la première Focus, mais maintenant que tu le dis, ça m’ouvre les yeux en effet !! 🙂

  3. la première photo volée du Captur semble montrer qu’il a lui une bonne assise arrière, ligne de caisse rectiligne avant un Z assez net, et épaulement très marqué. Sur ce plan je ne me fais pas de souci pour lui . Réponse dans une semaine. J’ai toujours bien aimé l’aspect jouet du Captur actuel et son apparence de grosse running avec sa torsion latérale. Mais le nouveau 2008 fait en effet un saut qui renvoie un peu les autres vers les caisses déjà dépassées. Même le récent T Roc va paraître bien fade.

    Pour le 3008 premier du nom, Peugeot a en réalité fait preuve de bien plus d’audace que pour le numéro 2, même si ce dernier est infiniment plus beau! J’ai aimé longtemps son allure de petit camion en rouge babylone. J’avais demandé à l’essayer en disant au commercial qu’il fallait que je fasse sauter Texan dans le coffre avec son volet inférieur ouvert. A l’époque il avait 10 ans, et c’était jouable mais un peu haut quand même. Le gars avait dit OK mais pas pour l’essai complet, j’avais dù le remettre aussitot dans ma voiture ! Pas d’essai avec les animaux domestiques!

  4. Ca ne me semble pas hyper étonnant qu’ils refusent l’essai accompagné d’un compagnon poilu ! Surtout que les coffres sont, aujourd’hui, souvent agrémentés de moquette.

    J’aime bien le parallèle entre le Captur et la sneaker contemporaine. Je pense que les designers travaillent sur ce genre d’objet et essaient de s’en inspirer. D’ailleurs, il y avait des tennis exposées sur les mood-boards de la révélation du 2008. Ce sont des objets intéressants, car ils défient un peu le bon goût. Et c’est marrant, parce que j’avais en tête de faire un article sur ce parallèle un de ces jours !

  5. l’Argus imagine un 2008 cabriolet depuis la révélation du T Roc , sur la base de la photo de profil que tu as mise en tête de ton article. Ils disent eux même que ça ne serait pas évident à réaliser avec sa ligne courbe, mais bon ils se sont lancés quand même au coeur du mois d’Aout…..espérant que personne ne les lise… loupé!

  6. Oui, j’ai vu le résultat, et ça ne va pas du tout ! Mais plus généralement, j’ai l’impression (pour le moment non argumentée) que ce format de véhicule ne peut pas marcher. A vrai dire, je l’espère même.

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